Prêt à en découdre au moment de s’élancer ski aux pieds en pleine face nord des Drus, Guillaume Pierrel commence à comprendre qu’il va pouvoir réaliser l’exploit : « Je vais skier la niche ! », hurle-t-il à son partenaire de cordée Étienne Potof.
Un mur de 200 mètres, au dessus de 2000 mètres de vide
L’arène enneigée perchée en plein versant nord des drus et qui se fait appeler « La niche des drus », c’est une pure pente raide de 200 mètres surplombant 2 000 mètres de vide. En voyant le topo, rares sont les hommes qui ont eu l’audace d’imaginer poser les skis un jour sur cette face d’apparence inaccessible. C’est pourtant ce qu’avait en tête depuis longtemps le guide Guillaume Pierrel. Ce Vosgien ayant déjà skié à 8 000 mètres avait bien l’intention de suivre la trace du légendaire Bruno Gouvy, qui le 11 mai 1986, en collaboration avec Marlboro, avait sauté en parachute d’un hélicoptère pour atterrir sur le sommet du petit Drus, avant de rejoindre la niche, la descendre en snowboard, avant de décoller de celle-ci en parapente pour rejoindre Chamonix. Rien que ça !
Parti en quête du partenaire idéal pour l’épauler sur ce projet fou, le guide et moniteur partageant sa vie entre Chamonix et val d’Isère s’est heurté aux refus d’amis qui ne comprenaient pas son envie de s’infliger une ascension aussi longue et difficile en chaussures de ski pour seulement quelques mètres de glisse. Mais lorsqu’il susurra l’idée à l’oreille de celui qu’il considère comme son petit frère, Il sut qu’il avait trouvé le parfait compagnon. Etienne Potof revenait d’une course exigeante aux Droites et se savait en forme. « Même si je ne suis pas skieur le projet m’a emballé ! Peu importe ce que je fais en montagne tant que c’est dur mais marrant, je sais que je vais m’éclater ».
La veille de l’ascension, Guillaume et Étienne s’élancent et empruntent le pas de chèvre pour poser le camp au pied des Drus. Après une courte nuit de sommeil, le départ est donné à 5 heures. Direction la voie historique de 1935 ouverte par Pierre Allain et Raymond Leininger. Durant l’effort, Étienne qui menait la danse s’attelle à rééquiper tous les relais pour que leur descente soit la plus fluide possible.
« Avant le premier virage, j’étais dans ma bulle, concentré comme jamais »
Arrivé en bas de la niche des Drus au pas de course tant l’excitation grandissait en lui, Guillaume remonte la pente de neige et comprend que la niche n’attend qu’à être skiée. « Avant de faire le premier virage, j’étais dans ma bulle, concentré comme jamais. Mais j’ai très vite compris que ça allait le faire », confie-t-il.
La suite appartient à l’histoire, Guillaume Pierrel fracture les deux cents mètres de face skiable, avec une neige froide, compacte et qui a du grip. Après cette performance filmée par Mathurin Vauthier, la cordée s’engage dans la longue descente de leur itinéraire de montée. Les deux camarades arrivent à 16 heures au campement avant de remonter le couloir des poubelles pour atteindre le domaine des Grands Montets et leur voiture en pleine nuit.
Un toboggan suspendu au dessus du vide
En domptant ce véritable toboggan suspendu, Guillaume Pierrel s’est ainsi glissé dans la légende des Drus, au même titre que le démesuré et givré Bruno Gouvy, précurseur du snowboard extrême. Une répétition d’envergure et une potentielle première en ski que certains jugeront extrême. Mais pour celui qui est des plus talentueux sur des lattes, la niche s’est révélée moins ardue que la descente en ski de fond de la face de Bellevarde, qu’il s’était amusé à dévaler il y a quelques semaines, dans un skating adroit et maîtrisé.