Jusqu’ici, on savait que le dérèglement climatique affectait l’environnement dans sa globalité, et que les glaciers étaient parmi les premiers à en subir les conséquences. Mais une fois les glaciers retirés, que reste-t-il ?
Différents écosystèmes identifiés
Dans une étude publiée en août 2023 dans la revue scientifique Nature , une équipe de chercheurs franco-suisses s’est emparée de la problématique et est parvenue à modéliser l’évolution des surfaces glaciaires et ses conséquences écologiques. Le constat est sans appel. D’ici 2100, la surface des glaciers diminuera de 20 à 50 %, libérant des écosystèmes.
En s’appuyant sur des modélisations, l’équipe a pu projeter la formation de plusieurs zones qui émergeront au fur et à mesure de la fonte, selon plusieurs scénarios de réchauffement climatique. « Nous avons pu identifier trois grandes familles d’écosystèmes. La plus commune, qui représentera 78 % des espaces, sera un écosystème terrestre. On comptera aussi 14 % d’écosystèmes marins et 8 % d’écosystèmes aquatiques d’eau douce », résume Jean-Christophe Clément, professeur à l’Université Savoie Mont-Blanc (USMB) et chercheur en biogéochimie-écologie au laboratoire Carrtel.
Des lacs périglaciaires
Dans les Pays de Savoie, les études sont menées sur plusieurs dizaines de sites, dont les glaciers de Saint-Sorlin, de Sarenne, de Tré-les-Eaux ou encore des Pélerins. Sur les 28 % des zones “désenglacées” depuis la fin du Petit Âge Glaciaire (1850), l’occupation du sol est dominée par des substrats minéraux (90 %) : les affleurements rocheux (56,82 %), les tabliers d’éboulis (20,30 %) et les moraines de glaciers (15,69 %).
Certains espaces deviendront des écosystèmes aquatiques. Il s’agira de lacs périglaciaires, de zones humides, de tourbières, de marécages ou encore de rivières. Dans les zones les plus récentes, les lacs qui se sont formés sont encore alimentés par les glaciers, mais il est possible qu’à terme, ils se déconnectent pour devenir autonomes, comme c’est le cas du lac de l’Arpont, en Vanoise. « Au départ, le lac était laiteux, la lumière pénétrait peu. En s’autonomisant il y a une quinzaine d’années, la farine glaciaire s’est sédimentée au fond. L’eau s’est réchauffée, passant de 6°C à 14°C en été, ce qui a permis au phytoplancton de se développer », témoigne Jean-Christophe Clément.
De nombreux lacs vont faire leur apparition
En Savoie, le lac Blanc des Carro et le lac Blanc de Bramant sont aussi étudiés en tant que lacs dont le fonctionnement est influencé par des glaciers. Dans les Alpes, d’ici 2100, en fonction de l’intensité du réchauffement climatique, entre 200 et 900 lacs devraient se former. En altitude, les déserts froids – couverts de moraines et de pierres – représentent environ 90 % des retraits glaciaires. Le reste est composé de pelouses alpines. Les analyses ont permis d’établir que ce sont en fait des espèces déjà existantes aux alentours qui s’établissent sur ces nouveaux espaces.
Des écosystèmes terrestres, refuges pour les espèces
Concernant les écosystèmes terrestres, ce sont donc majoritairement des massifs forestiers, des zones de roches, de sols nus ou de pelouses qui se développent. L’environnement qu’on trouvait aux alentours va donc se développer sur le nouvel espace disponible. « C’est le cas de certaines plantes herbacées qui colonisent l’altitude alors qu’auparavant, on les trouvait plus bas », explique le chercheur.
En résumé, si le retrait des glaciers pourrait bénéficier à certains écosystèmes, il s’agirait en fait d’une sorte de refuge pour les espèces qui subissent le plus le changement climatique.
Article issu du Dauphiné Libéré
