Face aux bouchons à répétition, il y a ceux qui disent que seuls quelques samedis dans l’hiver sont concernés et que cela démontre l’attractivité de la Tarentaise. Et il y a ceux qui n’en peuvent plus de subir les conséquences de cet important trafic : être bloqués chez eux et voir le centre-ville d’Albertville et de nombreux villages le long de la RN90 complètement à l’arrêt.
Au final, ça finit toujours par coincer
Depuis des années, des dispositifs de régulation sont mis en place aux péages des autoroutes et sur la RN90. En Savoie, 300 caméras donnent en temps réel l’état du trafic et permettent d’adapter ces dispositifs. Au fur et à mesure de la montée en puissance du flux, les sorties de la RN90 sont fermées pour garder les vacanciers sur cet axe principal avec l’objectif de ne pas saturer les axes secondaires. Les jours d’affluence, l’État, le Département, la police, la gendarmerie mobilisent d’énormes moyens. Mais au final, ça finit toujours par coincer.
La RN90 en Tarentaise est sous-dimensionnée
Alors, ces bouchons sont-ils inéluctables ? Nous avons questionné le préfet, François Ravier, qui commence par poser les bases du problème : « Parmi les dix stations de ski les plus fréquentées en France, sept sont en Savoie… »
Première conséquence : la RN90 en Tarentaise est sous-dimensionnée par rapport au flux de véhicules lors des gros chassés-croisés. Si des aménagements y sont possibles, il n’est aujourd’hui pas envisagé de doubler les voies de circulation comme cela avait été fait en 1992 entre Albertville et Moûtiers.
Côté trafic ferroviaire, il n’y a qu’une voie entre Albertville et Bourg-Saint-Maurice… Peut-on la doubler, aménager plus de lieux de croisements pour les trains par exemple dans des gares ? « Il y a ce que l’on peut souhaiter et la réalité du terrain », répond le préfet. Sous-entendus : problème de foncier, de tunnels… « La réponse appartient à la SNCF. La question a souvent été débattue et le sera sans doute à nouveau dans les mois à venir. » L’accueil d’épreuves lors des JO de 2030 en Tarentaise donne effectivement une autre perspective au problème mais pour cet hiver, c’est cuit.
Pour éviter les bouchons sur les routes, et décarboner les transports vers les stations de ski, les samedis des vacances d’hiver, l’une des solutions semble être les trains… « Oui mais… », répond tout de suite l’association nationale des maires des stations de montagne (ANMSM), qui considère que l’offre actuelle est loin d’être suffisante. « C’est même catastrophique ! » assène Jean-Luc Boch, le président de l’ANMSM et maire de La Plagne-Tarentaise, pour qui la SNCF ne cesse de supprimer des TGV depuis une dizaine d’années. Une centaine de moins a-t-il calculé.
Pourtant, selon lui, il resterait des créneaux supplémentaires pour faire rouler des trains vers la Tarentaise. « Pas forcément le samedi. Il faut favoriser les arrivées en station les vendredis et les dimanches. Nous travaillons d’ailleurs le sujet avec le groupement des tour-opérateurs britanniques qui représente le premier volume de touristes internationaux à destination de la France l’hiver. » Des trains de plus en journée, des Eurostar mais aussi des trains de nuit. « Il nous faudrait des trains de nuit avec une capacité de 600 à 800 personnes. Ils seraient pleins ! »
Pour Jean-Luc Boch, la SNCF « ne peut que progresser ! Les personnes transportées en train vers la Tarentaise représentent seulement 0,6 % des vacanciers sur notre territoire ».
De son côté, la SNCF répond qu’elle a, cet hiver, augmenté le nombre de trains à destination de la Tarentaise et qu’elle ne pourra pas faire mieux. « Nous n’aurons aucun train en réserve. Nous assurons six circulations supplémentaires par rapport à l’année dernière », indique l’attachée de presse de SNCF voyageurs.
Et de détailler l’offre en TGV Inoui entre Paris et Bourg-Saint-Maurice entre décembre et mars : sept allers-retours les samedis, quatre allers et huit retours les dimanches, quatre allers et un retour le vendredi, un aller-retour le lundi et un aller le jeudi. Avec en bonus : des liaisons interrégionales vers Nantes, Rennes et Lille, un aller-retour Ouigo tous les jours entre Paris et Bourg-Saint-Maurice (du 14 décembre au 24 mars), un aller-retour Eurostar et un aller-retour Thalys le week-end, plus des trains spéciaux…
Enfin, lors des week-ends des vacances scolaires d’hiver, les liaisons avec Paris sont renforcées par des TGV supplémentaires. La SNCF a comptabilisé lors des plus grosses journées de trafic, c’est-à-dire les samedis et dimanches des vacances de la zone C, jusqu’à 40 000 passagers, par week-end, dans les deux sens.
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Étaler les jours d’arrivée du samedi au vendredi et dimanche
Et bien sûr, il y a les futurs ascenseurs valléens qui éviteront aux automobilistes l’ascension finale par la route mais pas les bouchons dans la vallée.
Un chantier a, lui, débuté. Il s’agit d’étaler les jours d’arrivée du samedi au vendredi et dimanche… Le préfet souligne : « Depuis quelques années, le vendredi progresse et représente désormais 30 % des arrivées. Par contre, le dimanche accuse encore beaucoup de retard. » Savoie Mont-Blanc et les élus du territoire œuvrent dans ce sens auprès des loueurs et des tour-opérateurs mais il faut aussi convaincre employeurs et salariés de décaler les vacances.
La Savoie, c’est près de 750 000 lits touristiques, dont plus de 421 000 lits en Tarentaise.
Selon les chiffres du PC Osiris, en 1992-93, les 17 week-ends de l’hiver, de décembre à avril, 773 000 véhicules avaient été comptabilisés en Tarentaise, contre 1 050 000 sur la même période en 2018-2019 (avant la crise Covid).
Aujourd’hui, le préfet annonce que « sur une saison, plus d’1,5 million de véhicules transitent vers les stations ». Les statistiques montrent au fil des années « une relative stagnation du trafic du samedi ; le dimanche et le vendredi recevant l’augmentation des volumes de trafics d’accès aux stations ».
Le record de circulation en direction de la Tarentaise a été enregistré le 22 décembre 2020, avec 42 215 véhicules. Le 18 février 2023, on en n’était pas loin avec 39 200 véhicules enregistrés dans le sens montant. Chaque année, ce sont surtout les samedis, durant les vacances de février, qui voient la RN 90 et au-delà l’A430/A43 vers Chambéry et Lyon saturer.
Et quand la neige s’en mêle, cela devient une énorme pagaille comme le 27 décembre 2014. Des milliers de véhicules avaient été bloqués dans la neige en Savoie. 15 000 personnes avaient été hébergées par les communes et les particuliers.
Mieux informer les touristes
Une autre piste devrait, dès cet hiver, bénéficier d’améliorations, c’est celle de l’information des touristes. « Tout le monde, intuitivement, est au courant des bouchons, pose François Ravier. Les automobilistes peuvent s’informer via les panneaux autoroutiers et sur le site de www.savoie-route.fr. » Sur ce site sont publiés les prévisions de trafic du week-end établies par la Direction interdépartementale des routes Centre-Est et le conseil départemental. Prévisions qui sont aussi transmises aux médias et aux offices de tourisme.
Et lorsque le trafic s’annonce particulièrement dense, la préfecture de la Savoie communique à destination des médias et des usagers notamment via son site savoie.gouv.fr et ses réseaux sociaux @prefet73 sur X (anciennement Twitter).
Mais dans les faits, ça ne semble pas suffire. Du coup, pour cet hiver 2023/2024, l’État envisage la mise en œuvre d’« une campagne d’information plus efficace au niveau national ». De son côté, le conseiller régional et maire de Moûtiers, Fabrice Pannekoucke, plaide depuis plusieurs années pour « la création d’une application donnant accès à toutes les infos utiles aux touristes arrivant en Savoie ».
Pneus neige : « L’État n’est pas assez courageux ! »
Cerise sur le bouchon, la problématique ultime, c’est celle de l’équipement dit obligatoire des véhicules en pneus neige, chaînes ou chaussettes. Fabrice Pannekoucke dénonce l’absence de contrôles : « L’État n’est pas assez courageux ! »
Mais pour le préfet, la verbalisation n’est pas “la” solution. Pour lui, c’est une évidence, « quand on vient en montagne, il faut absolument être équipé. Et la sanction existe bel et bien, car les gendarmes font faire demi-tour aux voitures non équipées, c’est une perte de temps, un report du début des vacances qui ennuie plus les touristes qu’un PV… ».
Sauf qu’il est parfois trop tard. François Ravier raconte lui-même qu’il y a trois semaines, « 300 voitures sont restées bloquées dans le secteur des Belleville parce que quelques-uns n’avaient pas leurs chaînes. Heureusement, ce n’était pas un gros week-end d’affluence… »
Article issu du Dauphiné Libéré