Il ne fête cette année que ses dix ans, mais le nouveau refuge du Goûter continue d’être source de tensions sur la voie normale du mont Blanc. Il faut dire que la structure au look futuriste n’a pas toujours fonctionné comme le promettaient ses bâtisseurs. Les mauvaises odeurs qui se dégagent des toilettes et la température ambiante sont souvent critiquées par ceux qui fréquentent régulièrement le bâtiment ovoïde, dont le fondoir à neige n’a pas non plus fait ses preuves. L’équipement, censé garantir à l’édifice un accès facile à l’eau, n’a jamais fonctionné à son optimum depuis l’inauguration du refuge.
Le maire de Saint-Gervais irrité
La Fédération française des clubs alpins et de montagne (FFCAM) qui exploite l’abri perché à 3 835 mètres d’altitude, a donc décidé de le remplacer il y a huit ans en faisant marcher son assurance dommages ouvrages. Mais les procédures d’indemnisation furent tellement longues que ce n’est qu’en 2022 qu’avec l’aval des assureurs, la FFCAM put lancer les travaux pour remplacer le fondoir. Un chantier d’1 million d’euros commencé l’an dernier et qui doit se poursuivre à la fin de l’été, à partir du 16 septembre, date à laquelle le gardiennage du refuge ne sera plus assuré, soit deux semaines plus tôt que d’habitude.
Une fermeture plus précoce du bâtiment choisie en concertation avec les socioprofessionnels que sont les guides de haute montagne, mais qui n’est pas au goût du maire de Saint-Gervais Jean-Marc Peillex. Ce dernier a publié un arrêté municipal interdisant les travaux jusqu’au 30 septembre, dans l’objectif « de terminer la saison sereinement ».
Un vrai bras de fer
Une décision attaquée en justice par la FFCAM et suspendue par le tribunal administratif de Grenoble. L’édile saint-gervolain, qui explique avoir fait appel auprès du Conseil d’État. « Ils veulent améliorer le service hôtelier qu’ils ont construit au Goûter. On a là un monde du business qui donne n’importe quelle excuse alors que cela fait dix ans que le refuge est dysfonctionnel. Pourquoi ne pas être capable d’attendre au 1er octobre ? », dénonce l’élu. Mais pour Niels Martin, directeur adjoint de la FFCAM, il n’était pas possible de faire autrement. « À partir du 16 septembre, il faudra décaisser le fondoir, pour le retirer et placer son successeur. Cela veut dire que l’on va avoir un moment sans aucun accès à l’eau. On ne pouvait pas mener cette opération en période de gardiennage. La décaler au 1er octobre, c’était prendre un peu plus le risque de se retrouver bloqués par la neige. Si le nouveau fondoir n’est pas opérationnel avant l’hiver, le refuge ne pourra pas ouvrir l’été d’après », assure celui qui explique ne pas être en guerre contre la mairie de Saint-Gervais. « La FFCAM a juste cherché à faire valoir ses droits », argue son directeur adjoint, rappelant que les refuges sont avant tout là pour permettre l’alpinisme. « On ne construit pas un refuge pour faire de l’argent. La rentabilité de ces bâtiments n’est jamais garantie. »
Pour le maire saint-gervolain, souvent surnommé le cerbère du mont Blanc, la fin de saison prématurée du refuge pose aussi une question de sécurité : « On sait que les alpinistes vont, malgré tout, tenter l’ascension. L’abri de recueil du refuge du Goûter c’est pratique pour accueillir 70 personnes debout dans l’attente des secours, mais ce n’est pas adapté pour faire dormir 25 alpinistes », ajoute celui qui promet de ne pas autoriser les déposes de matériel en hélicoptère durant la période concernée. Le bras de fer entre la FFCAM et Saint-Gervais n’est donc pas terminé.
Article issu du Dauphiné Libéré
