Le tapis blanc ayant tiré sa révérence, il a été décidé de remballer les piquets à Manigod. La station de Labellemontagne, dans les Aravis, a dû fermer avant l’heure, malgré les efforts des équipes pour “fixer” la neige. À coups de corvées de pelle et d’un damage méticuleux. Le 27 mars au soir, les remontées mécaniques ont fini de tourner ; 11 jours avant la date prévue.
Et le pied de nez de Dame nature, qui a posé 30 centimètres de neige en quelques heures le lendemain matin, n’a rien changé. La machine était lancée. Et quelle machine ! Fermer une station en fin d’hiver pour laisser les vaches paître, c’est tout une logistique.
« Ah, si c’était tombé dix jours plus tôt… »
Quinze jours de travail : de filets à plier, de matelas à transporter, de matériel à réviser. Aussi une chute de neige ne peut-elle inverser la tendance. Un domaine skiable de 25 kilomètres de pistes balisées ne se réveille pas en un claquement de doigts. Même si les salariés des remontées mécaniques, pisteurs et dameurs, n’ont ce midi-là qu’une phrase à la bouche : « Ah, si c’était tombé dix jours plus tôt… »
Mais, cette neige fraîche n’est qu’un apparat. Déjà, derrière les chenilles de la dameuse qui s’affairent pour transporter sa pyramide de matelas jusqu’au point de stockage la terre remonte à la surface. À la Croix-Fry, l’équipe de pisteurs, au nombre de neuf en pleine saison, s’active pour démonter les mètres de filets de protection et de signalisation qui longent les pistes, délacer les quelque 250 matelas destinés à protéger les enneigeurs, pylônes et luminaires, dédiés au ski nocturne. « Rien qu’un filet de protection, c’est 7 cannes et 25 mètres de long », illustre Max Galletti. Lui aussi s’apprête à raccrocher les skis pour d’autres planches. Pisteur-secouriste artificier l’hiver, il est charpentier l’été.
Le travail a débuté avant même la fermeture sur les pistes progressivement fermées faute d’or blanc. Une partie des matelas au sommet ont même été tirés à ski par les pisteurs jusqu’aux points de collecte, aux croisements de pistes, avant d’être chargés par la dameuse qui décharge le matériel dans les six espaces de stockage du domaine. Un stockage stratégique pour faciliter la réinstallation la saison prochaine.
« La neige c’est une matière presque vivante »
Nicolas Ruphy, 15 saisons au compteur comme dameur dans la station, manœuvre le tout sous les flocons. En saison, il travaille « avec le treuil » pour travailler les pistes plutôt typées rouge sur l’autre versant, le secteur de Merdassier. Il connaît le domaine comme sa poche, pour autant pas une nuit de damage ne se ressemble : « La neige c’est une matière presque vivante, tout change en fonction des conditions ».
Une fois tout le matériel rassemblé, la dameuse qu’il conduit sera hivernée dans les garages comme les quatre autres. Le matériel qui a pu être redescendu côté route a lui été rapatrié par camion.
Côté remontées mécaniques, tous les sièges des quatre télésièges de la station ont été remontés, comme pour se préparer à hiberner. Un seul rouvrira cet été pour promeneurs et vététistes. Les perches des 11 téléski ont, elles, été démontées. « Chaque perche est nettoyée, et entièrement démontée pour vérifier son état », détaille Max Galletti. Les réparations nécessaires sont alors opérées. « L’idée est de préparer un maximum de choses pour être prêt pour la prochaine saison. » D’ailleurs, une petite partie de l’équipe des remontées mécaniques et de la maintenance est employée à l’année pour notamment rénover quelques équipements ou procéder à des aménagements, comme modifier un débarquement de télésiège si nécessaire. Quant aux premiers filets de protection des pistes, ils seront remis en place dès l’automne, voire en septembre, avant que la neige arrive.
Le champ est libre pour les skieurs de randonnée
En attendant, Christian Bibollet s’affaire avec ses collègues à récupérer les piquets qui jalonnent les 28 pistes du domaine. Soit un piquet tous les 10 mètres. Les derniers qu’il tiendra en main, l’heure de la retraite ayant sonné, après 38 saisons. François Hiolle, lui, les charge dans la motoneige pour rallier le poste de secours. « Notre chez nous » pour l’hiver, sourient les pisteurs. Photos et vieilles coupures de presse tapissent les murs, au-dessus de la table, au côté du matériel de secours. Au-dessous, l’espace de stockage où Émilie Troksiar s’active ressemble à une vraie petite épicerie.
Tout est soigneusement empilé, accroché, ou rangé dans des petits casiers étiquetés. Au total, plus d’un millier de piquets et des panneaux de pistes sont entreposés dans les remises. Mais aussi les banderoles, imprimées de messages de prévention, les drapeaux matérialisant les filets de protection pour plus de visibilité, notamment durant le ski nocturne.
Tout en pliant bagage, les pisteurs distillent les messages de prévention, notamment aux skieurs de randonnée. Les remontées mécaniques étant fermées, le champ est libre. Mais tout le balisage de sécurité a été retiré. « Et si le sol semble bien blanc, la sous-couche dure a disparu, avertissent les pisteurs. Les cailloux ne sont pas loin ».
Article issu du Dauphiné Libéré