Tout un symbole. À l’heure où le dérèglement climatique frappe aux deux extrémités des domaines skiables, avec la raréfaction de la neige à basse altitude et la fonte du permafrost en profondeur à 2 800-3 000 m d’altitude, La Plagne s’adapte et fait de sa nouvelle télécabine dix places des Glaciers un nouvel atout, pour l’hiver comme pour l’été.
La télécabine des Glaciers, à la fois durable et raisonnable
Avec la fermeture définitive, en avril dernier, du télésiège des Glaciers et du glacier de la Chiaupe, rétrécissant comme peau de chagrin, qui amputent le domaine skiable de 55 hectares et ramènent son sommet de 3 250 à 3 060 m en haut de Bellecôte, la station a décidé de faire moins, mais mieux.
Des critiques lors des consultations
« C’est avant tout une démarche de territoire issue d’une réflexion mûrie de longue date par la Société d’aménagement de La Plagne (SAP) et le Syndicat intercommunal de La Grande Plagne (SIGP), avec un regard neuf », résume Nicolas Provendie, directeur général de la SAP. Mais fermer un site historique n’a pas été sans critiques lors des consultations, avant d’obtenir un consensus. « En 1978, l’équipement des glaciers de Bellecôte était audacieux pour l’époque, dans un endroit compliqué d’accès. Il fallait que ce soit viable. Les études menées par des universitaires grenoblois avaient révélé 40 à 70 mètres d’épaisseur de glace. Il était même prévu de s’étendre sur le glacier du Cul du Nant en versant sud, sur Champagny. Heureusement que ça ne s’est jamais fait », constate Luc Nicolino, directeur de la sécurité des pistes.
La fonte du glacier s’est accélérée
Lui, jeune guide, emmenait ses clients faire des courses sur glace sur un des rares glaciers en pente, apprécié des skieurs de compétition. Sauf que le temps du ski dès la Toussaint, et plus encore d’été (fini en 2004 avec une quinzaine de jours d’exploitation à peine) paraît loin. La fonte du glacier s’est accélérée (la Chiaupe a perdu autant en cinq ans qu’en trois décennies auparavant) et la grotte de glace, fermée en 2016, n’est plus qu’un souvenir. Comme désormais le télésiège des Glaciers, dont les pylônes « bougeaient » trop.
La nécessité d’abaisser le domaine skiable
« Le temps et les éboulements (NDLR : depuis le début des années 2010, avant deux événements majeurs au printemps 2021 et à l’automne 2022) nous ont donné raison. On ne doit pas être “jusqu’au-boutiste” et penser différemment. Compte tenu des contraintes, il fallait construire avant tout quelque chose de durable, mais aussi de raisonnable pour minimiser aussi au maximum les travaux », reconnaît Nicolas Provendie. « C’est un vrai parti pris de rabaisser le domaine skiable. De toute façon, on allait perdre cette partie-là. » Avec les conseils des techniciens du RTM, la nouvelle ligne a été implantée pour desservir la crête ouest de Bellecôte, et une gare d’arrivée aux fondations classiques, sur des roches saines.
« Le réchauffement du permafrost est au cœur des interrogations »
« Nous sommes complètement concernés par ce dérèglement, qui pousse à remettre en cause notre fonctionnement. Les quantités de neige d’avril dernier l’ont bien rappelé. Des précipitations à 2 000 m, il y a en toujours, mais elles sont plus aléatoires : il peut aussi pleuvoir. Le problème, ce sont de grands écarts thermiques, dans des temps de plus en plus courts » ajoute Luc Nicolino.
Une réelle attractivité l’été aussi
Après plus de deux ans de travaux et plus de 36 M€ d’investissement, la télécabine des Glaciers (qui sera opérationnelle pour l’ouverture de la station, le 16 décembre) répond à une vision pérenne dans le temps, moins tournée vers le “tout ski”, avec une réelle attractivité l’été aussi. Sa plateforme panoramique qui domine le vallon de Peisey, face au massif du Mont-Blanc et au mont Pourri, fera le bonheur des instagrameurs, couplée de panneaux pédagogiques axés sur l’évolution de la montagne (fin des glaciers, géologie et permafrost…). Sous leurs pieds, la face nord de Bellecôte a été équipée de capteurs pour comprendre, en profondeur, la fonte du permafrost. La Plagne a choisi de s’adapter au bouleversement de son écosystème et d’y intéresser ses visiteurs (2,5 millions de journées skieurs), l’hiver comme l’été.
L’imposant chantier du sommet de Bellecôte n’est pas encore tout à fait achevé qu’un autre est déjà engagé, sur plus de deux ans, pour la SAP avec la réalisation des premiers bâtiments : le renouvellement de la ligne qui mène au sommet de la Roche de Mio (2 850 m d’altitude). La colonne vertébrale du domaine skiable. « Là aussi, l’étude environnementale a été positive », se réjouit Nicolas Provendie, directeur général de la SAP. Après avoir étudié différentes possibilités, le départ et l’arrivée de la nouvelle télécabine resteront les mêmes, mais l’intermédiaire, après concertation avec les écoles de ski et les socioprofessionnels, sera implanté au col de Forcle. « Un nouveau nœud pour une meilleure régulation et une meilleure skiabilité sur le domaine skiable », souligne le directeur général. L’aboutissement d’un long travail administratif et d’études de près de trois ans. « C’est aussi un projet à long terme, qui doit durer dans le temps ». Un projet estimé à près de 45 M€.
Article issu du Dauphiné Libéré