Hauts de Chartreuse : un sentier balisé pour traverser les terres du marquis

Dans les Hauts de Chartreuse, un différend oppose depuis plus d’un an les randonneurs à un propriétaire, le marquis de Quinsonas. Ce dernier s’appuie sur une loi de 2023 : aussi, pénétrer sans autorisation sur “ses” 750 hectares situés au cœur de la Réserve naturelle des Hauts de Chartreuse s’avérait particulièrement risqué.

Se promener dans une forêt privée constitue une infraction pénale

Aujourd’hui, se promener dans une forêt privée (75 % de la forêt française) constitue une infraction pénale. Et dans ce coin de Chartreuse protégé, le vallon de l’Aulp du Seuil, les contrevenants s’exposent à une amende de 135 €. L’interdiction est même placardée sur tous les arbres délimitant la propriété.

Si ce risque reste toujours bien présent, il est disons-le un peu plus modéré désormais. Une convention de passage fixe à présent les conditions d’ouverture du sentier de randonnée traversant les parcelles privées du marquis, plus précisément les secteurs du vallon de Marcieu et de l’Aulp du Seuil.

Cet itinéraire de randonnée, balisé en jaune, de la Réserve naturelle des Hauts de Chartreuse, inscrit désormais au Plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée (PDIPR), rétablit la circulation des randonneurs exclusivement, afin de préserver l’environnement et la propriété privée.

300 000

Selon le Parc de Chartreuse, 300 000 personnes se rendent en moyenne chaque année dans la Réserve des Hauts de Chartreuse, mais essentiellement réparties sur trois sites majeurs : le cirque de Saint-Même, la Dent de Crolles et le Granier.

Jean-Pierre Barbier. Photo Le DL/Jean-Benoît Vigny
Jean-Pierre Barbier. Photo Le DL/Jean-Benoît Vigny

« On sort par le haut sur ce dossier »

Ce mercredi 17 juillet, au col de Marcieu, le président du Département Jean-Pierre Barbier entouré du préfet de l’Isère Louis Augier, du président du Parc naturel régional de Chartreuse Dominique Escaron, et de Bruno de Quinsonas-Oudinot, est venu expliquer et surtout clarifier les contours très juridiques de cette convention obtenue de haute lutte.

« On sort par le haut sur ce dossier », a lâché fièrement Jean-Pierre Barbier. Jusqu’ici, le Département avait volontairement choisi de se mettre à l’écart du brouhaha de la médiatisation pour travailler avec le propriétaire et le Parc. « Où que l’on soit dans la nature quand on se promène, il y a des propriétaires privés, et trop souvent on l’oublie. Cet accès à la propriété privée est régi par des lois, que nous nous devons, nous collectivités, d’appliquer en lien avec les propriétaires. Et en l’espèce, il fallait aussi prendre en considération un autre cadre réglementaire, celui de la Réserve naturelle. »

Le petit bout de sentier permettant la liaison depuis la croix de l’Aulp du Seuil jusqu’au habert, la cabane des chasseurs et alpagistes, est désormais autorisé aux randonneurs. De là, ils peuvent rejoindre la traversée Sud-Nord de la réserve aujourd’hui balisée en jaune [oubliez les mentions de GR® et GR® de Pays, elles n’existent plus, NDLR], et circuler “librement” de la Dent de Crolles jusqu’au mont Granier. Ce qui inclut la petite enclave hautement problématique jusqu’ici entre le col de Bellefont et l’Alpette de la Dame.

Ne pas sortir du sentier balisé

Avec cette convention, l’accès est possible mais à condition de rester sur les sentiers balisés pour préserver la quiétude des milieux et espèces, et celle du marquis. Dominique Escaron, le président du Parc, ne s’est pas privé de rappeler qu’ici « on ne peut pas amener nos chiens, planter de tente (du 1er juillet au 31 août), ni jamais y faire de feu, ne rien cueillir et ne pas laisser de trace de son passage ». Des règles auxquelles il convient d’ajouter : « Ne pas sortir du sentier balisé. »

18 mois de tension

Dix-huit mois de tension. C’est le temps qui sépare les premiers signes de l’interdiction de randonner sur une partie des Hauts de Chartreuse et la convention PDIPR (Plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée) enfin signée le 9 juillet.

Une convention que le marquis réclamait depuis des mois, arguant d’une part d’une surfréquentation sur « ses 750 hectares » des 4 400 que compte la Réserve naturelle des Hauts de Chartreuse et de l’autre de l’évolution législative (la loi du 2 février 2023). Au point qu’il s’était mis toute la communauté montagnarde à dos.

Dans ce coin de nature préservé, s’aventurer ici était à ses risques et périls. Faute de clôture délimitant son domaine de Marcieu et informant de manière exhaustive le public de l’interdiction de pénétrer, Bruno de Quinsonas-Oudinot était en droit d’invoquer la violation de propriété face au sacro-saint droit d’aller et venir.

Bruno de Quinsonas-Oudinot. Photo Le DL/Jean-Benoît Vigny
Bruno de Quinsonas-Oudinot. Photo Le DL/Jean-Benoît Vigny

« Cette convention me semble juste et équilibrée »

Mercredi 17 juillet, entouré du préfet et du président du Département, il a appuyé face aux médias : « Il est important que l’on partage ces espaces mais pas n’importe comment. » Pour lui, deux points centraux devaient être réglés : « La responsabilité et la sécurité. Et cette convention y répond. Mais il a fallu beaucoup d’opiniâtreté pour y parvenir », a lancé le marquis en regardant Jean-Pierre Barbier.

« La préservation de la faune et de la flore, la sécurité de chacun, la bonne cohabitation des activités dans l’alpage ont toujours été au cœur de mes préoccupations. Ces espaces étant dans une propriété privée, il s’agissait au travers de cette convention d’en organiser l’accès, la sécurisation et la définition des responsabilités dans l’intérêt de tous. Cette convention me semble juste et équilibrée », s’est réjoui Bruno de Quinsonas-Oudinot.

Ils n’étaient pas forcément invités ce mercredi mais qu’importe, ils étaient là. “Ils”, ce sont les membres du “collectif Chartreuse” qui réclament depuis des mois un libre accès à la Réserve naturelle des Hauts de Chartreuse. Mobilisés dès septembre dernier, ils avaient été près d’un millier à participer le 15 octobre à une randonnée citoyenne « contre la privatisation de la montagne ».

Pierre-Antoine Rigout. Photo Le DL/Jean-Benoît Vigny
Pierre-Antoine Rigout. Photo Le DL/Jean-Benoît Vigny

« Ça demeure nettement insuffisant »

Alors, ce mercredi, trois d’entre eux ont tendu l’oreille aux discours des élus, interpellant quelques minutes Jean-Pierre Barbier et le préfet de l’Isère avant de commenter, à l’écart du temps officiel, cette labellisation. « Le collectif a toujours défendu la signature de cette convention comme étant une première étape nécessaire à une réhabilitation du terrain pour que les randonneurs puissent passer », relève en préambule Pierre-Antoine Rigout, l’un des fondateurs du mouvement. Avant de nuancer sa satisfaction : « Mais pour nous aujourd’hui, ça demeure nettement insuffisant. Il y a de nombreux sentiers sur cette zone qui demeurent interdits et qui vont le rester. »

Ces arpenteurs et amoureux du massif regrettent que « l’on rajoute une couche de réglementation dans un endroit où il existe déjà une réglementation contraignante pour les randonneurs. Dominique Escaron (le président du Parc naturel régional) l’a rappelé : il est interdit de cueillir des fleurs, de faire du feu, et le bivouac y est aussi interdit une partie de l’année. Ce à quoi nous sommes pleinement favorables. Mais créer de nouvelles interdictions sous couvert de protection de la biodiversité, alors que rien ne démontre scientifiquement qu’il y a un risque sur ce terrain, c’est un problème ».

Quant à la surfréquentation, il la balaie d’un revers de main : « On est là dans l’une des zones de la réserve les moins fréquentées. Allez à la Dent de Crolles ou au Granier, et comparez avec ici ! C’est sans commune mesure. »

Enfin, sur la question de la responsabilité que brandit le propriétaire, Bruno de Quinsonas-Oudinot, il émet là aussi des doutes : « On vient donc de nous dire ce mercredi qu’aucune convention ne régissait ces lieux jusqu’ici et que Monsieur de Quinsonas était donc responsable en matière d’incident. Je vous mets donc au défi de trouver la trace d’une seule procédure, de quelqu’un qui aurait porté plainte. Encore une fois, c’est une excuse pour fermer un peu plus ce terrain. »

Article issu du Dauphiné Libéré

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