Influenceurs : comment sont-ils choisis par les stations des Hautes-Alpes ?

Des clichés bien cadrés. Des vidéos soignées. Une communauté aux aguets. Les influenceurs ont envahi le marché commercial généré par les réseaux sociaux. Pour ne pas rester en retrait, les stations de ski des Alpes du sud n’ont pas échappé à la transformation des stratégies de communication. Pour vendre la destination, renforcer son attractivité, gagner en notoriété, toucher une cible spécifique, l’utilisation des plateformes 2.0 est devenue une nécessité.

« Accueillir des influenceurs doit apporter une valeur ajoutée à la station »

Mais le choix des influenceurs, lui, reste sujet à réflexion… et à caution. Car il ne faut pas se tromper au risque d’en payer les pots cassés. « Le premier critère de sélection, c’est la qualité de la prestation et le sérieux. Il faut à tout prix éviter les polémiques, les discriminations et tout ce qui pourrait nuire à notre image. Ensuite, il faut respecter notre positionnement de station familiale et sportive. Accueillir des influenceurs doit apporter une valeur ajoutée à la station » analyse Vincenzo Coppola, le directeur de l’office de Montgenèvre. Station où, en 2009 et en 2017, un certain Candide Thovex a tracé des lignes démentes pour les poster ensuite sur sa chaîne Youtube, succès d’audience à la clé.

Sportif hors norme, la star du freeski est capable de drainer des dizaines de millions de vues sur internet à chacune de ses sorties en montagne. Mais les influenceurs sont protéiformes : athlète, artiste, humoriste, vidéaste, blogueur, vlogueur, photographe ou curiosité médiatique, comment choisir qui faire venir ?

« Nous avons fait le choix, par exemple, de ne pas travailler avec les influenceurs issus de la télé-réalité ou dont l’image est associée à une émission de télé-réalité » tranche David Chabanal, directeur de l’office de tourisme de Serre Chevalier. « Pas de candidat de télé-réalité chez nous non plus » ajoute Cynthia Rezgui du Pays des Écrins.

Les stations cherchent donc le marché de niche plutôt que le marché de masse. « Il faut que ça colle avec nos attentes, avec l’image que l’on veut renvoyer. Au Pays des Écrins, on veut insister sur la nature, les espaces sauvages, le slow tourisme. Le but n’est pas d’être le plus vu ou le plus suivi possible mais de trouver l’influenceur qui correspond à notre destination. Il faut se méfier, une mauvaise campagne peut être contre-productive » observe Cynthia Rezgui.

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Benoît Pellet et Tristan Picat Re, influenceurs des influenceurs

Il a le sourire. La banane, même. Les affaires prospèrent et la dolce vita lui tend les bras. À 29 ans, Benoît Pellet s’est spécialisé dans le tourisme « instagrammable » prisé des influenceurs. Un marché porteur que l’entrepreneur de Serre Chevalier a su développer pour conquérir le cœur… et les réseaux sociaux de ses clients.

« On propose des activités innovantes, insolites, fun, photogéniques, télégéniques, accessibles. Et ça plaît » sourit-il. Également moniteur de ski (alpin et fond) à Courchevel en Savoie, cet habitant de Saint-Chaffrey se déplace au gré des demandes.

« Effet boule de neige immédiat »

Au début de l’hiver, le créateur de contenus web Jeremstar a posé ses valises dans la vallée de la Guisane. « Et le prestataire chargé de l’accueillir m’a demandé de lui organiser son séjour. Avec un cahier des charges assez libre, sans exigence particulière pourvu que ça soit drôle, original et visuel » détaille Benoît Pellet.

Et lorsque Jeremstar a partagé ses expériences montagnardes à sa communauté de « followers » (2,4 millions d’abonnés sur Instagram, 2,1 millions d’abonnés sur TikTok, 2 millions d’abonnés sur Snapchat, 1,6 million d’abonnés sur YouTube), la boîte mail de Benoît Pellet a surchauffé.

« Effet boule de neige immédiat. On a reçu 42 demandes de réservations en une semaine après la venue de Jeremstar. Avec mon associé Tristan Picat Re, on s’est regardé, on a rigolé… et on a recruté ». Lui-même très présent sur les réseaux sociaux, Benoît Pellet a dépassé les 3 millions de vues sur Instagram en postant une vidéo où il dévale une piste de ski à 131 km/h. Tout schuss.

« Le plus important, c’est de savoir s’adapter. Communiquer quand le client le demande. Ne pas communiquer du tout s’il ne le souhaite pas. Cette philosophie nous a permis d’attirer des influenceurs qui recherchent de la visibilité, de la notoriété et de gagner également la confiance d’autres vacanciers qui souhaitent rester beaucoup plus discrets. Le plus important, c’est d’innover sans cesse pour ne jamais proposer deux fois la même chose ».

Les micro-influenceurs sont privilégiés

David Chabanal de Serre Chevalier abonde dans le même sens : « Nous sélectionnons les influenceurs qui ont une communauté et des valeurs qui correspondent à nos cibles. Nous l’avons fait par exemple cet automne pour valoriser l’offre sur la période de l’été indien à travers les photos d’influenceurs axés outdoor ».

Même son de cloche à Risoul où Christian André, le directeur de la Société de Gestion des Activités Touristiques, juge déterminant le choix de la clientèle visée : « l’office de tourisme doit définir clairement les types de touristes à attirer. Cela peut inclure des segments démographiques, des intérêts spécifiques, des niveaux de revenus. Une fois la cible déterminée, il faut rechercher des influenceurs qui ont une audience alignée sur ces caractéristiques ». Et bien souvent, ce sont les micro-influenceurs qui sont privilégiés car leur segmentation sur le marché est plus fine, plus précise.

Une nouvelle tendance qui, forcément, amène son lot de déviances. « Il faut être prudent effectivement. Certains essaient d’en profiter en négociant jusqu’à 10 000 euros de cachets. Nous refusons ce genre de pratique au Pays des Écrins. Nous demandons systématiquement une vraie grille tarifaire avec des prestations professionnelles quantifiables, avec une qualité mesurable » poursuit Cynthia Rezgui.

Garant du bon usage de l’argent public, les offices de tourisme sont donc en attente de résultats, d’un retour sur investissement, d’une augmentation de la visibilité, d’une hausse du trafic et de l’engagement sur les réseaux sociaux. Notamment pour appâter les plus jeunes, renouveler la clientèle.

Les influenceurs Téo Lavabo et Jeremstar se sont rendus cet hiver à Serre Chevalier pour une communication commerciale sponsorisée.  Photo DR
Les influenceurs Téo Lavabo et Jeremstar se sont rendus cet hiver à Serre Chevalier pour une communication commerciale sponsorisée. Photo DR

« Il y a un effet de mode »

« Nous pouvons estimer qu’une opération a été un succès selon le nombre de vues, de likes, de commentaires (et la qualité de ceux-ci), le nombre d’abonnés gagnés avec l’aide des statistiques qui découlent de chaque publication. Ce sont de nouveaux leviers de communication » résume David Chabanal de Serre Chevalier. Et comme toute nouveauté, personne ne sait vraiment combien de temps elle va durer. « Il y a un effet de mode effectivement, peut-être que ça passera » se questionne Cynthia Rezgui. À Montgenèvre, on assure avoir « déjà levé le pied ».

Ils s’appellent Lutti, Tsunadida, Lipton, Monster, Nicoof07, Sklim31. Des pseudonymes derrière l’écran. Des professionnels du jeu vidéo. Des streamers qui cumulent des centaines de milliers d’abonnés sur les plateformes web.

Objectif : toucher les moins de 30 ans

Cet hiver, la station des Orres leur a organisé l’événement « The Crew House » pour faire la promotion de la destination touristique… à travers le « gaming ». « Un pari » consent l’office de tourisme des Orres qui, pour la première fois, a misé sur cette nouvelle communauté d’influenceurs pour booster sa stratégie de communication.

Avec l’objectif avoué de toucher les moins de 30 ans. « Nous leur avons demandé de transposer l’univers du gaming à celui de la station, du virtuel au réel, de l’indoor à l’outdoor, à l’image du Pôle Sport Innovation qui a ouvert ses portes cette saison  » poursuit l’office de tourisme.

Pendant une semaine, les influenceurs ont relevé des défis, participé à des chasses aux trésors, produit des contenus ludiques, disputé un tournoi de Mario Kart, testé les simulateurs d’activités sportives en réalité virtuelle… le tout diffusé, évidemment, sur Twitch, Tiktok et Instagram.

« Lorsque nous analysons les statistiques de visionnage, le nombre de publications, les taux d’engagement, le nombre de connexions pendant les lives, la nature des commentaires, c’est une opération de communication hyper positive. Nous sommes très satisfaits. D’ordinaire, nous accueillons des influenceurs ou des blogueurs spécialisés dans le tourisme, les voyages. Là, en basculant sur Twitch à travers la communauté du jeu vidéo, ça nous permet de capter l’attention de gens qui, spontanément, n’auraient pas fait de recherches sur les Orres. Nous sommes venus à eux, dans leur univers et forcément ça marque les esprits » commente Etoile Montagnier, la responsable de la communication et de la stratégie digitale aux Orres.

Article issu du Dauphiné Libéré

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