C’est le très indépendant “Strem” (Service technique des remontées mécaniques et des transports guidés), organe du ministère des Transports, qui le dit. Avec 3 040 appareils dans nos massifs, soit 560 de moins en dix ans, domaines skiables et sites touristiques ont allégé leurs équipements sans affecter la croissance de leurs recettes.
73 appareils fermés l’an dernier
« La traduction logique du remplacement des installations anciennes par de plus puissantes », analyse le STRMTG. Et le résultat de la fameuse rationalisation avancée par les opérateurs : une télécabine à fort débit dessert souvent un secteur naguère alimenté par plusieurs téléskis et/ou télésièges.
73 appareils ont été fermés l’an dernier, 33 seront inaugurés cette année en France. Malgré ce solde, le pays possède toujours le plus grand parc au monde. « Et pour tout nouveau projet, la ou les remontées remplacées sont généralement démontées dans l’année qui suit », assure Laurent Reynaud, délégué général de Domaines skiables de France (DSF), le syndicat des exploitants.
La question du démontage des installations obsolètes
Mais pour certains sites en difficulté se posera la question du démontage des installations dites obsolètes. Comme pour ceux dont les exploitants ont cessé leurs activités, parfois de longue date, et dont les communes, propriétaires des équipements, n’ont pas les moyens de s’en débarrasser. Ou parfois pas la volonté, dans l’espoir que ça reparte, un jour…
Si depuis la deuxième loi Montagne de décembre 2016, toute remontée mécanique construite doit être démantelée en cas d’abandon, cette mesure n’est pas rétroactive. « On ne désespère pas qu’elle le devienne », indique Carmen Grasmick, chargée de mission pour l’association Mountain Wilderness qui, en 22 ans, est devenue experte en matière de renaturisation des versants.
« La moitié (des installations) concerne des installations militaires »
La croisade a commencé en 2001 sur un site de ski d’été d’une autre époque. À la frontière italienne dans la commune de Bramans (Savoie), les téléskis du glacier du col Sommeiller et les ruines du refuge hôtel étaient enlevés en partenariat avec le parc national de la Vanoise.
Depuis, 77 chantiers de démontage ont été menés par l’association, avec 3 000 bénévoles pour 630 tonnes charriées. « Les aménagements abandonnés d’origine touristique ne représentent qu’un quart du total. La moitié concerne des installations militaires », selon Carmen Grasmick.
Sans être toujours à la manœuvre MW est aussi experte-conseil. Comme en 2012, quand elle a aidé le parc des Écrins à établir un cahier des charges pour le retrait des téléskis du col du Lautaret. Et les mentalités évoluent.
DSF, le syndicat des exploitants, s’est engagé à enlever trois appareils hors d’âge par an dans le cadre de ses éco-engagements, actés il y a trois ans. Depuis, sept démontages ont été réalisés par des membres bénévoles du syndicat, « pour que les installations abandonnées ne constituent plus de risques pour les personnes ou les animaux, et ne soient plus sources de pollution visuelle ».
« L’inventaire est évolutif »
En juin, les équipes de la Société d’aménagement de La Plagne, station la plus fréquentée en hiver, ont démonté deux téléskis sur le versant d’en face et la commune de Granier-sur-Aime. Dans le même temps, le personnel de neuf domaines des Alpes du Sud enlevait le téléski à perches de Saint-Auban (Alpes-Maritimes).
Objectif pour DSF : démanteler la totalité des 47 sites où 71 appareils obsolètes ont été recensés. Pour Mountain Wilderness ce serait plus : une centaine sur un total de 300 infrastructures et 56 000 m de câbles.
« L’inventaire est évolutif d’autant que des sites sont dans l’incertitude et ne savent pas s’ils vont être réactivés comme Puigmal dans le Pyrénées ou Saint-Hilaire en Isère », tranche Pierre-Alexandre Métral, auteur d’une thèse sur “La montagne désarmée” qui a collaboré au recensement participatif de MW (installations obsoletes.org).
La fonte glaciaire incite aussi l’industrie du ski à revoir ses infrastructures de plus en plus instables. La Plagne a “désarmé” son sommet du glacier de la Chiaupe, comme Val Thorens l’avait déjà fait pour son secteur de Péclet à 3 300 m.
À Tignes, plusieurs téléskis ont été démontés par l’exploitant sur le glacier de la Grande Motte. Enfin, le cas de La Grave (Hautes-Alpes) divise par son chantier qui consiste à remplacer le vieux téléski thermique du dôme de la Lauze par un troisième tronçon de téléphérique au débit équivalent qui doit survoler le glacier de la Girose.
Si ce T3 n’aura qu’un seul pylône contre une dizaine pour le téléski actuel, celui-ci se dressera à 27 m de haut, sur un rognon rocheux.
Pour l’heure déboutées, les associations environnementales qui s’y opposent en appellent à Emmanuel Macron dans le cadre du One Planet Summit qui se tient jusqu’à vendredi à Paris.
Pour certains télésièges, « il faut des moyens lourds et le recours à l’hélicoptère »
Et la liste risque de s’allonger, avec la menace de fermetures à basse altitude. Mais pour tous ces acteurs, certains dossiers relèvent encore de la gageure. Sur la liste de DSF figurent quatre télésièges, dont celui du Charmant Som à Saint-Pierre de Chartreuse. « Or, pour ce type d’appareils, il faut des moyens lourds et le recours à l’hélicoptère », constate Laurent Reynaud. Et la marche est encore haute.
Plus lourdes et chères, les missions concernant les remontées ne sont pas les plus nombreuses. « Parmi les aménagements obsolètes liés à l’industrie de la neige, il y a aussi les paravalanches ou des bâtiments », précise Carmen Grasmick.
Au registre des infrastructures touristiques évacuées on compte de vielles pistes de luge, comme dans les Vosges ou, cet été, un parc aventure au fort des Rousses (Jura). Une opération assurée par le propriétaire lui-même.
Un carcasse d’avion évacuée dans les Pyrénées
Les gestionnaires d’espaces naturels sont aussi très actifs. Le parc des Écrins a démonté en 2008 l’escalier du glacier Blanc et, cet été, trois paravalanches pour quatre tonnes dans la commune de Chantepérier (Isère), en cœur de Parc à 2 200 m d’altitude. Des dispositifs devenus obsolètes avec le changement climatique, les quantités de neige et les risques n’ayant plus rien à voir avec ce qu’ils étaient en 1990.
Depuis cinq ans Mountain Wilderness s’attelle au gros morceau des installations militaires, principalement des barbelés sur les crêtes frontières du Queyras (Hautes-Alpes) ou du Mont-Cenis (Savoie) occasionnant des blessures dans les troupeaux. Cette année, parmi ses sept chantiers on relève l’évacuation d’une carcasse d’avion au Canigou (Pyrénées-Orientales). Enfin dans le Mercantour, EDF a démonté un pluviomètre.
Article issu du Dauphiné Libéré