UTMB : finisher ou non, une question qui trotte dans la tête ?

Franck Piccard. Photo Le DL/Thierry Guillot
Franck Piccard. Photo Le DL/Thierry Guillot

Ce vendredi à 18 heures, ils seront 3 000 sur la ligne de départ de l'UTMB à Chamonix. Dans le monde de l'ultra trail, l'important n'est pas de participer mais de terminer, d'être un finisher. Cela signifie franchir la ligne d'arrivée en mois de 46 heures et 30 minutes (soit jusqu'à dimanche 16 heures 30).

Des courses poussant les participants dans leurs dernières limites. Un sujet qui avait inspiré l'ancien champion olympique de Super-G et amateur d'escapades au grand air Franck Piccard. Il avait pris la plume pour le magazine Outlines. Il avait pris beaucoup de plaisir à disserter sur la faculté de l'être humain à sortir de sa zone de confort pour explorer les confins de l'endurance.

Le départ de l'UTMB 2022. Photo Le DL/Baptiste Savignac
Le départ de l'UTMB 2022. Photo Le DL/Baptiste Savignac

En règle générale, la question ne se posait pas vraiment. Bercé par des années de ligne d’arrivée franchie, élevé à la parfaite maîtrise du corps, porté par la performance d’un geste accompli dans l’ordre normal des choses, finir ou ne pas finir n’était pas à l’ordre jour. Un œil sur le chrono, l’autre sur le rival, sauf accident totalement indépendant de la volonté, c’était parti pour aller jusqu’au bout.

Jusqu’au jour où la vitesse et la force n’ont plus l’âge de nos artères. Pour ceux qui ont encore besoin d’adrénaline, on s’éloigne alors de sa zone de confort pour s’orienter vers les préfixes superlatifs de l’endurance. Giga, méga, supra, ultra, les marathons et autres joyeusetés encore réservées à une élite il y a 30 ans, sont devenus extrêmes et populaires.

De plus en plus longs, forcément toujours plus difficiles, c’est là que la notion de finisseur ou de non finisseur a fait son apparition. Les courses se positionnent dorénavant dans une surenchère dont le prestige de la carte de visite est inversement proportionnel au pourcentage d’abandon. Tous les sports d’endurance et tous les milieux sont mis à contribution pour proposer des formats hors normes dont on repousse les limites sans cesse. En vélo, en ski de rando, en triathlon, en ski de fond, en marche, en trail, les formules de l’impossible pullulent.

Le compétiteur entre dans une sorte de concours au piment le plus fort

La palme revient certainement à la Barkley qui ne compte que 21 finishers depuis sa création en 1986 et à la Terminorum en Chartreuse, sa sœur jumelle française, qui a attendu jusqu’en 2023 son premier conquérant !

Pour sa part, le compétiteur entre dans une sorte de concours au piment le plus fort. Il s’engage pour savoir à quelle puissance de feu est-il capable de résister sur l’échelle de Scoville*, quel degré de toxicité et d’amertume sera-t-il capable de digérer ? Dans une ascèse implacable, il peaufine son savoir-faire des orteils au cerveau, il gère tout ce qu’il est possible de gérer, mais au bout du bout, de quoi sera-t-il coupable pour abandonner ? Quand tu auras usé absolument tous les ressorts de la motivation, quand la volonté abdiquera derrière toutes les ficelles de ta
personnalité, que feras-tu ? Quand la reddition du corps ne sera qu’une question de seconde, quand l’énergie d’orgueil t’abandonnera, quand capitulera le temps qui te voyais passer la ligne d’arrivée, qui seras-tu ?

J’ai connu ce moment de no finisher lors de l’Étape du Tour Cycliste de 2019. Entre Albertville et Val-Thorens, aux portes des Menuires, à 10 petits kilomètres de l’arrivée, mon piment de plaisir n’a pas été capable de m’affranchir des dernières longueurs. Il y avait mille raisons à cet abandon mais aucune n’a été retenue car l’alchimie de ce moment était
folle.

« Je ne perds pas, j’apprends » disait Nelson Mandela

Aussi bizarrement que cela paraisse, en réalité je touchais le Graal. Dans mes réactions très terre à terre, j’ai aimé cet instant infiniment, convaincu encore aujourd’hui que franchir le sommet n’aurait rien apporté de mieux. Comme le pire souvenir de vacances reste dans les mémoires, ce statut de no finisher a été une marque de fabrique. Loin d’être une honte, la difficulté de l’épreuve m’a fait tolérer l’abandon. Ce jour-là ne sera jamais un échec mais la découverte de mes frontières, de mon humanité. Je l’ai raconté dans un de mes bouquins comme une de
mes plus belles expériences de sportif.

« Je ne perds pas, j’apprends » disait Nelson Mandela. Dans ce sens, on doit être capable de frôler ses limites, et admettre qu’elles vous fassent parfois tomber. Je comprends l’utilité de ces courses qui touchent à l’essence même de la sportivité en ne proposant que deux formes de réussite, en ne produisant qu’un seul classement binaire : finisher or not finisher. Tout le défi réside dans le fait de participer, il faut y être Icare pour oser se rapprocher très près de la liberté.

* Échelle de mesure de la force des piments

En partenariat avec Outlines
Outlines
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