À Cervières, la ferme est ouverte aux dormeurs et aux curieux

Bernadette Brunet n’est pas allée pas au Salon de l’Agriculture à Paris pour être exposée comme la dernière représentante d’une espèce en voie d’extinction. « Ah non, je ne suis pas une des dernières fileuses de laine des Hautes-Alpes ! Justement, la filière est en train de se restructurer petit à petit… »

Même si la nouvelle retraitée (lire par ailleurs) est invitée à la capitale par la Fédération des Gîtes de France des Hautes-Alpes pour faire démonstration de la transformation de la laine en produit de qualité. Avec un certain savoir-faire dans la transmission.

Car en haut du village de Cervières, juste avant que la route ne prenne la direction des Fonts, la ferme qu’elle a tenue avec son mari Jean-Pierre, est pédagogique depuis 2011. La Maison des Bêtes à Laine accueille en effet les curieux – dont des scolaires – désireux de découvrir la vie et le travail dans une ferme. Et, notamment, de comprendre comment la tonte des 180 brebis est valorisée. « Avant on faisait cela gratuitement, lorsque les gens se présentaient. Et puis on a agrandi la ferme avec une salle pédagogique en 2012 », relate l’ancien éleveur.

Leur savoir-faire de la laine monte à Paris

Bernadette, originaire de la région lilloise, n’est peut-être pas la dernière fileuse, mais elle en connaît un rayon sur la laine. Capable de tirer le fil de sa production du début à la fin. « On produit environ 350-400 kilos de laine tous les ans à la tonte des brebis [destinées à la viande, NDLR], fin janvier », indique Jean-Pierre, enfant de Cervières qui a repris l’exploitation de ses parents au milieu des années 1980.

Pour beaucoup d’éleveur, la couche hivernale des brebis est ramassée par des négociants, achetée à quelques dizaines de centimes d’euro le kilo. « Le problème, c’est que depuis le Covid, les négociants ne viennent plus et n’exportent plus laine, notamment vers la Chine, renseigne Bernadette. Alors tout le monde garde son stock. » Mais, selon celle qui tient un gîte de 12 couchages depuis 2002 au sien de la ferme, cette laine pourrait être vendue si elle était valorisée. « En la triant, assure-t-elle. Mais depuis l’industrialisation et l’apparition des fibres synthétiques, c’est un savoir-faire qui s’est perdu. »

« Pour une belle laine, il faut des brebis en bonne santé. C’est comme pour les humains avec les cheveux ! »

Bernadette Brunet« Pour une belle laine, il faut des brebis en bonne santé. C’est comme pour les humains avec les cheveux ! »
Bernadette Brunet

Notamment parce que cela nécessite du travail en plus : il faut retirer les marques de peinture – qui permettent de repérer ses brebis dans les alpages –, retirer les poils courts ou sales… « Entre la tonte et le produit fini, on perd près de la moitié de la laine », précise Jean-Pierre. Après le tri, la laine est lavée. Pour la Maison des Bêtes à Laine, l’opération se déroule en Haute-Loire. Puis la matière première, sous forme de flocons, prend la direction de la Creuse, dans une filature. Pour l’opération de cardage, tout d’abord. « Les fibres sont parallélisées et on obtient des rouleaux de différentes tailles, décrit Bernadette. Ensuite, soit la laine est feutrée, soit elle est filée avec fuseau. » Reste le retord pour obtenir les fils sous forme d’écheveaux. Un coup de teinture et, près d’une année après avoir quitté Cervières, la laine fait son retour à la ferme où elle sera mise en vente directe.

« La laine est une matière précieuse que l’on a en bonne quantité en France. Et pourtant, on en importe de Nouvelle-Zélande, se désole Bernadette. Les éleveurs français pourraient en produire de bonne qualité, c’est d’ailleurs dans leur intérêt : cela demande du travail, mais c’est un bon complément de revenu. » Chose qu’elle ne cesse de présenter aux curieux : à Cervières comme à Paris.

Jean-Pierre et Bernadette Brunet, de la Maison des Bêtes à Laine de Cervières, ont transmis leur exploitation, en janvier 2023, à leur fils Pierre et leur belle-fille, Faustine. Photo Le DL/Justin MOUREZ
Jean-Pierre et Bernadette Brunet, de la Maison des Bêtes à Laine de Cervières, ont transmis leur exploitation, en janvier 2023, à leur fils Pierre et leur belle-fille, Faustine. Photo Le DL/Justin MOUREZ
Une transmission réussie

« Pour nous, c’était une surprise », se réjouit Bernadette Brunet. Car Pierre, son fils de 27 ans, ne s’était pas forcément destiné à reprendre l’exploitation parentale. Et pourtant, Jean-Pierre et Bernadette ont pu prendre leur retraite, en janvier dernier, avec l’assurance que la ferme allait perdurer grâce au rejeton et à leur belle-fille, Faustine. « J’ai travaillé sept ans à la communauté de communes du Guillestrois et du Queyras, au traitement des eaux, mais j’avais envie de changement, de travailler pour moi », explique Pierre. « Moi, j’étais dans la vente à Briançon, mais je savais que je ne ferais pas ça toute ma vie », indique, quant à elle, Faustine, 25 ans.

Le couple reprend donc la ferme – le gîte est toujours géré par les parents – avec la même intention de pédagogie. « Pour le moment, tout va bien, même si on appréhende un peu l’agnelage », sourit Pierre.

Article issu du Dauphiné Libéré

PARTAGER
Découvrez nos lectures liées
Restez informé, suivez le meilleur de la montagne sur vos réseaux sociaux
Réserver vos séjours :
hébergements, cours de ski, forfaits, matériel...

Dernières actus

Nos tops stations
  • Avoriaz
  • Chamonix
  • Courchevel 1850
  • Flaine
  • Font-Romeu
  • L'Alpe d'Huez
  • La Bresse
  • La Plagne
  • Le Lioran
  • Les 2 Alpes
  • Les Menuires
  • Montgenèvre
  • Orcieres Merlette
  • Peyresourde
  • Risoul 1850
  • Saint-Lary-Soulan
  • Tignes Val Claret
  • Val Thorens
  • Villard-de-Lans
Les stations par région
  • Alpes (134)
  • Massif central (4)
  • Pyrénées (21)
  • Jura (6)
  • Vosges (4)
  • Corse (1)
Suivant
Adultes18 ans et +
Enfantsde 0 à 17 ans
1er enfant
2ème enfant
3ème enfant
4ème enfant
5ème enfant
6ème enfant
7ème enfant
8ème enfant
9ème enfant