En Italie, la première station sans remontées mécaniques

Trente lacets d’une route à encorbellements vertigineuse, dont les Italiens ont le secret, mènent à Madesimo, 1 500 m d’altitude. À flanc de montagne, au sortir d’un défilé de galeries, il n’est pas rare de croiser un loup au crépuscule. Cette commune de Lombardie est la plus éloignée de la mer. Son domaine skiable qui culmine à 3 000 m a été mis en lumière par l’écrivain Dino Buzatti (Le désert des Tartares), inspiré par sa descente du Canalone, consacré plus beau hors-piste du pays. Depuis deux ans, à côté de la quarantaine de pistes très freeride, l’office de tourisme a une originalité à promouvoir. Ses inventeurs, une agence de marketing événementiel de Bergame, Spia Games, se targuent d’y avoir lancé la première station sans remontées mécaniques d’Europe. « L’idée est née lors de la période du confinement pendant le Covid, tout était à l’arrêt » explique Alberto Orlandi, l’un des créateurs. L’engouement pour le ski de randonnée apparaissait comme une des alternatives, avec l’évolution climatique. »

Dans le Queyras, Aiguilles pionnière

Station est un bien grand mot. Homeland, comme ils ont baptisé leur concept écolo, est logé 8 km plus haut, à Montespluga, hameau fantôme en hiver sur la route qui mène en Suisse, via le col du Splügen, (2 115 m), fermée six mois sur douze. On est là sur l’antique voie reliant la Méditerranée à l’Europe du nord. Il y a quinze ans, on a démonté les deux petits téléskis, pas pour raison climatique. À 1900 m d’altitude, l’enneigement est un atout mais aussi une faiblesse. La route, entretenue par l’ANAS, la DDE italienne, est souvent fermée pour risques d’avalanches. En mars, la clientèle venue à Madesimo, attirée par les nombreux articles, dont celui du Financial Times, vantant Homeland, a rarement pu accéder à la haute terre promise du ski sauvage.

À vrai dire ce qu’on appelle station se résume à une installation légère. Un préfabriqué de 50 m2 en guise d’office ou camp de base, dont le directeur Walter Bossi doit déneiger les abords pour accéder à l’entrée bloquée par 1 m de fraîche, en ce jour d’avril. Le principe repose sur la location d’équipement de ski alpinisme, kit complet incluant détecteur de victimes d’avalanches, et l’encadrement des visiteurs, les séminaires ou les excursions avec bivouac. Quatre guides font la trace sur les onze itinéraires affichés sur un plan, dont le plus haut culmine au Pizzo Tambo à 3 279 m d’altitude. « Monteplusga jouit d’une situation unique, avec toutes les expositions possibles » s’émerveille Alberto Orlandi. Un véritable cirque dont les versants tombent dans le lac d’un barrage.

À partir de l’an prochain, les porteurs du projet qui visent les non-initiés étudient la possibilité de baliser une partie des itinéraires, avec application numérique. « On se positionne comme un laboratoire quand, dans 50 ans le marché traditionnel du ski, aura décliné » indique Walter Bossi.

60% de la population est italienne

En deux hivers, 1000 visiteurs ont été « clients ». À rapprocher des plusieurs centaines de milliers de journées skieurs enregistrées par le domaine skiable de Madesimo chaque saison. De quoi relativiser le poids d’un modèle économique encore léger. La région Lombardie subventionne le projet qui s’inscrit dans sa stratégie, avec les Jeux olympiques 2026 à Milan et Cortina où le ski alpinisme fera son entrée. 60 % de la clientèle est italienne, le bassin milanais à moins de 2 heures.

Homeland surfe sur l’air du temps qui pousse au retour à la nature. Si le seul hôtel de Montespluga n’est ouvert qu’à partir d’avril, le hameau compte désormais 4 habitants l’hiver dans les maisons retapées. En mars ils sont restés bloqués 25  jours en raison des chutes de neige.

Le Queyras espère imiter cette station italienne dans les prochaines années. Photo le DL
Le Queyras espère imiter cette station italienne dans les prochaines années. Photo le DL

En apparence Homeland n’a ni réinventé le ski, ni la poudre. C’était déjà un spot d’amateurs de peaux de phoques qui n’ont pas changé leurs habitudes, si ce n’est qu’ils peuvent profiter des traces des professionnels, gratuitement. Pour l’instant son modèle semble tenir là où, aux États-Unis, l’expérience similaire menée à Blue Bird dans le Colorado a échoué après quatre ans d’activité. Alberto Orlandi entend aussi dupliquer le principe ailleurs. Fin mars une délégation d’Aiguilles en Queyras est venue sur site. Sylvain Dao Léna, adjoint au maire et ancien entraîneur de l’équipe de France de ski est revenu convaincu. « Ce sont des gens qui font beaucoup de communication, mais ils ont raison. Et ils ont le soutien complet des acteurs et élus du territoire. »

« Le Queyras en est un haut lieu »

Peut-être deux éléments ayant manqué à Aiguilles qui, tout le monde l’a oublié, avait été la première à essayer d’inventer le modèle de la station sans remonte-pente, dès 2009, après la fermeture des remontées mécaniques suite à la réorganisation des sites du massif malgré son beau dénivelé depuis le col de la Lauze (2 600 m). Durant cinq ans un parcours de rando a été balisé empruntant les anciennes pistes, avec le concours des guides locaux. Faute de pouvoir sécuriser le site contre les avalanches et par manque de soutien institutionnel, l’expérience a tourné court. La nouvelle municipalité étudie, avec le Parc naturel régional, la relance d’un projet confié au cabinet MDP.

Car il a fallu attendre 2022 pour que la page du ski alpin soit définitivement tournée avec le démontage des téléskis sommitaux, à l’initiative de Sylvain Dao Lena : « L’essor du ski de randonnée va se poursuivre. Le Queyras en est un haut lieu on veut faire quelque chose de plus accessible à tous les niveaux. » L’élu espère démarrer en novembre 2025, avec quatre à six itinéraires. Objectif : que cette clientèle soit une nouvelle source de retombées pour l’hébergement, les commerces et les professionnels du village qui cherche encore la voie de la reconversion.

Article issu du Dauphiné libéré

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