Benjamin Claret le sait, il sera le dernier gardien de la Grotte de glace. Et cela même si la mise en service de la nouvelle télécabine de la Mer de Glace, qui arrive légèrement plus en amont du glacier que les précédentes marches, lui a offert un sursis. « On a probablement gagné dix années d’exploitation supplémentaires », estime celui qui a repris la gestion de cette attraction incontournable dont sa famille a la charge depuis 1946.
Avec la remontée mécanique entrée en service il y a près d’un mois, la Grotte de glace a entamé un nouveau chapitre de son histoire, notamment parce que son accès est désormais bien plus aisé que ces dernières années.
Plus longue de 30 à 40 mètres que les années précédentes
Au lieu des 540 marches qu’il fallait descendre et remonter pour s’immiscer dans ce qu’il reste du plus grand glacier de France, le visiteur n’a qu’à s’aventurer dans de courts escaliers après un trajet panoramique à bord de la nouvelle télécabine.
Pour cette raison, Benjamin Claret et son équipe ont cherché à faire de la grotte qu’ils taillent depuis l’automne dernier, une des plus belles qu’ils aient jamais faite. Plus longue de 30 à 40 mètres que les années précédentes, cette caverne gelée imposante a aussi changé de scénographie.
« Mon grand-père et mon père devaient retailler chaque année la grotte parce que le glacier avançait rapidement. Aujourd’hui, il nous faut aussi la refaire chaque automne, mais pas à cause de l’avancée du glacier, mais de sa fonte », explique Benjamin Claret.
Ce que confirme le géomorphologue Ludovic Ravanel : « Dans les années 80, la Mer de Glace avançait avec une vitesse de l’ordre de 90 mètres par an. Aujourd’hui, elle est retombée à un peu plus de 3 mètres par an ou pour le dire autrement, au lieu d’un glissement vers l’aval, d’un centimètre par heure, on est maintenant sur une vitesse d’un centimètre par jour. »
Créer cette cavité n’est d’ailleurs pas chose aidée, puisque cela demande un travail d’environ deux mois à l’équipe des “grottus”. Ces montagnards passionnés vont sur la Mer de Glace, comme on allait à la mine. À coups de pelles et de pioches, ils cisaillent une partie du glacier qui ne survivrait de toute façon pas à l’été.
« On commence à 7 heures le matin en déneigeant raquettes aux pieds les escaliers. À 19 heures, on remonte au Montenvers où l’on dort quatre fois dans la semaine », explique l’exploitant. Une épreuve physique et un isolement qui impose une bonne entente à cette équipe d’environ cinq personnes.
Un futur glaciorium va être construit au Montenvers
« Avec la Compagnie du Mont-Blanc, on a souhaité proposer une expérience plus instructive aux visiteurs. L’idée, c’est que la Grotte de glace devienne un endroit de compréhension en lien avec le futur glaciorium qui va être construit au Montenvers », explique celui qui a suivi la trace de son grand-père Georges et de son père Jean-Marie.
Moins de sculptures et moins d’éclairage artificiel attendent donc les personnes qui s’aventureront dans cette cavité bleutée. À la place, une plongée dans les mécanismes mystérieux du glacier leur est proposée. Ponctuée de bulles de lumière pour comprendre et percer les secrets du glacier, la déambulation permet de saisir l’évolution de ce colosse aux pieds d’argile, son présent et son avenir.
Des panneaux explicatifs ont pris place tout au long du parcours où l’on trouve notamment des carottes glaciaires permettant de se représenter l’échelle du temps.
La Grotte de glace est un lieu où l’on aime se mettre en scène
Une expérience sensorielle est également proposée aux plus de 1 200 visiteurs qui fréquentent quotidiennement la grotte depuis sa réouverture il y a quelques jours. Les “grottus” ont même voulu reproduire une crevasse, dans laquelle les plus jeunes aiment s’engouffrer.
D’autres s’amusent plutôt à se photographier au comptoir du bar sculpté à la pioche ou contemplent le dôme qui surplombe la pièce aux airs de crypte. Avec les réseaux sociaux, la Grotte de glace est un lieu où l’on aime se mettre en scène, même si avec la nouvelle scénographie, l’exploitant espère sensibiliser davantage le public au réchauffement climatique et à l’agonie de ce glacier, certes gris en surface, mais dont les entrailles recèlent encore de mille beautés.
Article issu du Dauphiné Libéré
