L’aiguille Rouge aux Arcs : une piste qui va devenir de plus en plus sélective

Aux Arcs, il n’y a pas que les appartements de Charlotte Perriand, à classer au patrimoine. La célèbre architecte fit de cette station un laboratoire d e l’habitat en montagne du futur , intégrant tous les compartiments du séjour. C’était il y a 55 ans, mais il a fallu attendre 1982 pour que le rêve ultime s’accomplisse : voir l’aiguille Rouge, son point culminant à 3 226 m d’altitude, câblée par la grâce d’un téléphérique qui allait dérouler la grande scène du théâtre de l’évolution du ski. Père fondateur d’un domaine hors-norme, le guide et skieur Robert Blanc s’attendait-il à voir déferler ces ovnis de la glisse en mono ou surf, héros de la série culte “Apocalypse Snow” ?

Photo Le DL/Thierry Guillot
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« Ce tourisme de masse nous menait à des absurdités »

Maire des Chapelles sur le versant d’en face, le montagnard Paul Pellecuer a été témoin et acteur de l’histoire des Arcs. Et de son aiguille Rouge, monument naturel en souffrance. Quand on dit au vétéran que bientôt sa fréquentation de skieurs devrait être filtrée par le retour au naturel de sa célèbre piste, il ne s’en plaint pas : « Ce tourisme de masse nous menait à des absurdités ».

Pour lui l’aiguille Rouge c’est un des grands massifs de ski en Europe. Ce n’est pas par hasard si ses versants nord, nord Est ont été baptisés « les grandes pentes ». Les as du hors-pistes ou du ski raide y révisent leurs classiques comme le couloir de l’Équipe et font leur trace par le rocher du Génépi ou le Grand Col. Avis aux amateurs, pour traverser la réserve de Villaroger, une habilitation est requise.

Mais l’aiguille Rouge, c’est aussi une piste de légende qui, sous l’effet du climat, va ressembler de plus en plus au terrain de jeu de freeriders.

Le glacier du Varet perd 3 à 4 mètres d’épaisseur par an

Si elle permet de descendre un à un tous les étages montagnards, des flancs du mont Pourri, des glaces de la Vanoise aux forêts et cultures de pommiers en passant par les alpages, la descente subit de plein fouet les hoquets du mercure.

Le glacier du Varet qui, en son sommet, lui sert de support, perd 3 à 4 m d’épaisseur par an. Depuis 1952, 60 % de son volume s’est évaporé.

Quand on débarque du téléphérique, il n’en reste qu’un lambeau. Son cœur s’est recroquevillé dans la combe en aval, où sa langue se rétracte de 15 m par an pour une épaisseur maximale de 30 m. « À ce rythme, dans dix ans, il aura disparu laissant une montagne plus complexe à gérer », diagnostique Guillaume Desrues, maire de Bourg-Saint-Maurice qui veut voir dans cette contrainte une opportunité.

Photo Le DL/Thierry Guillot
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« Nos visiteurs auront une expérience fantastique mais d’un niveau plus élevé »

Cet hiver, le service des pistes, ayant de plus en plus de mal à maîtriser la pente qui s’accentue, n’a pas ouvert la « rouge » qui fait office de variante. « Le début de la transition de cette partie du domaine vers un ski plus nature. » Le maire compare le site aux Grands Montets à Chamonix ou Verbier en Suisse. « Nos visiteurs auront une expérience fantastique mais d’un niveau plus élevé. »

Du côté d’ADS, l’exploitant, on se résout à lever le pied sur les travaux de modelage de la piste qui la rendaient accessible au plus grand nombre. « L’aiguille Rouge restera une piste noire balisée et sécurisée. Mais peu à peu, elle ne sera plus damée dans le haut, on va la rendre à la nature », explique Frédéric Charlot, patron d’ADS qui se refuse à tout « acharnement thérapeutique ». Après chaque chute de neige, cet itinéraire dans une nature difficile à dompter requiert 48 heures de préparation et de purge contre les avalanches.

Photo Le DL/Thierry Guillot
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À moyen terme, il en sera fini des encorbellements assurant un cheminement évitant les murs de plus en plus raides. Les professionnels de la station se sont rendus à l’évidence des études géotechniques concluant à une déstabilisation de ce versant de schistes. L’aiguille sue par tous les pores, les éboulements deviennent récurrents en été, avec la déglaciation et la fonte du pergélisol. « Tout s’accélère, l’été dernier on a connu 20 jours à plus de 35° à Bourg », s’affole Guillaume Desrues.

Un public plus excursionniste, plus piéton

L’aiguille Rouge est condamnée à devenir plus sélective. Si aujourd’hui 90 % de 400 000 passagers du téléphérique la dévalent, combien seront-ils dans dix ans ? ADS anticipe un public plus excursionniste, plus piéton. À l’image des travaux de requalification au départ et à l’arrivée, alliant muséographie, son et lumière, belvédères et passerelles contemplatifs, expériences à sensation. Un espace sensibilise aux souffrances du glacier, des fresques lumineuses donnent le ton d’une montagne quatre saisons et, à côté de la terrasse face au mont Blanc, les audacieux s’élancent en tyrolienne.

La transition de l’aiguille Rouge est au diapason de la stratégie de la commune station dans son souci d’atténuer l’impact sur les écosystèmes. Guillaume Desrues rappelle son moratoire sur les constructions touristiques nouvelles et l’optimisation du funiculaire relié à la gare SNCF qui fait des Arcs la station la plus connectée au rail. Un visiteur sur quatre arrive par train.

Photo Le DL/Thierry Guillot
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Quant au retrait du Varet, il va libérer de nouveaux écosystèmes à valoriser. Ce sera la mission du glaciologue Jean-Baptiste Bosson, auteur d’une étude publiée dans la revue Nature sur le sujet. « Par ce téléphérique on donne accès à des écosystèmes fragiles. L’occasion de sensibiliser les publics à un tourisme scientifique et environnemental, pour mieux faire comprendre les enjeux de ces milieux et leurs ressources. » Un écotourisme pédagogique et émotionnel…

La voie vers laquelle se positionnent déjà ces sites de haute montagne comme Tignes ou Chamonix qui voient fondre leurs joyaux, faisant naguère figure de viatique toute l’année. Cet hiver, la voisine de La Plagne a achevé le démontage des installations sommitales de ce qu’il reste de son glacier de la Chiaupe.

Article issu du Dauphiné Libéré

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