La Face de Bellevarde : la piste noire vertigineuse de Val-d’Isère

Dès la sortie du téléphérique, le bien nommé l’olympique, on réalise que pour revivre les sensations des as de la vitesse qui ont marqué l’histoire de la montagne emblématique des Avalins, il faut désormais l’âme d’un freerider. Les portraits géants de Killy et Noël, gloires de la station, nous cueillent dans la gare d’arrivée. Et cette mention « The iconic face de Bellevarde Mythique » donne l’impression qu’on va pénétrer dans un musée à ciel ouvert.

On croit chausser ses skis dans les traces folles des funambules qui ont inauguré cette descente, il y a 32 ans, rééditée une fois, pour les mondiaux de 2009, mais Ludovic Bois, chef de secteur des pisteurs secouristes nous remet les semelles sur terre.

Photo Le DL/Bertrand Riotord
Photo Le DL/Bertrand Riotord

Un tracé de 3 km à 36 % de pente moyenne

« Regardez là-haut, à côté de la table d’orientation, au sommet, on a laissé la cabane de départ ». À l’époque un fil neige hissait les compétiteurs au rocher de Bellevarde, 140 m en amont. Vue de là-haut, Val d’Isère a la taille d’un macaron. D’en bas, cette montagne, rayée de barres, de râteliers et de couloirs d’avalanches, qui culmine à 2827 m, c’est la fierté du village. À peine croyable qu’on ait pu faire en sorte que des fusées la dévalent en 2 minutes, suivant un tracé de 3 km à 36 % de pente moyenne déboulant au cœur de la station.

En décembre 1991, Ludovic fit partie de la dizaine de pisteurs engagés en renfort pour fignoler la nouvelle piste olympique. Sacrée gageure pour le jour J : 9 février 1992. « En haut, le vent avait décapé le sommet, il avait fallu acheminer de la neige par hélicoptère. »

Paradoxalement, de l’autre côté, il fallait faire péter des avalanches monstres pour sécuriser le tracé. On tient là une première explication à l’absence de Bellevarde au calendrier régulier de la coupe du monde. C’est un enfer à préparer…

71 % de pente favorisant des pointes à 130 km/h

Nous shuntons donc le fameux mur de départ, véritable rampe de lancement digne d’un KL, selon l’expert du ski Gilles Chappaz (Pistes de légendes, Glénat), 71 % de pente favorisant des pointes à 130 km/h. Pour suivre la Face de Bellevarde, des « touristes ». « Une noire engagée, je n’y emmène pas tous mes clients » nuance le moniteur-guide Guillaume Pierrel.

C’est en fait la matrice du parcours dessiné, sur commande de Killy, par l’architecte des neiges, le Suisse Bernhard Russi, champion olympique 1972. Depuis 1952 et le premier téléphérique, il existait déjà une piste sur Bellevarde. On y organisa même un championnat de France qui se solda par une hécatombe. Sans lendemain.

Quarante ans plus tard, Russi expert en lecture de terrain et en dressage de relief offrait un lifting à la Face. Son credo : à l’encontre des boulevards en vogue. Sa griffe : faire cohabiter sport et nature. Son souci : ne pas élargir la piste existante mais la pimenter de passages qui vous lèvent le cœur.

Photo Le DL/Bertrand Riotord
Photo Le DL/Bertrand Riotord

Ballotté comme dans une piste de bobsleigh

Pour n’en rien louper, Ludovic Bois nous invite à sortir des jalons pour skier le premier saut emprunté par les descendeurs, la bosse à Catherine, hommage à une skieuse du cru emportée par une avalanche. Au col des moniteurs on reprend la noire, direction le P2, lieu où était implanté le monumental pylône de l’ancien téléphérique, et amorce d’un virage à 180°, terrible épingle qui en 1992 était suivie d’un dévers (raboté depuis), menant au grand mur.

« Virage pied droit, virage pied gauche »…On a du mal à suivre Ludovic, ballotté comme dans une piste de bobsleigh. En dessous, deux digues paravalanches protègent les hameaux du vallon du Manchet et l’ex télésiège du Santel (Aujourd’hui Bellevarde Express), sur lequel, dans le film Les Bronzés , Jean-Claude Dusse chantait « Quand te reverrai-je ? »…

Hors-piste aussi, le légendaire passage de l’Ancolie, couloir-fenêtre raide entre deux rochers, épargnés pour préserver une fleur bleue protégée. Enfin, ce virage de l’Aigle, référence au rapace nichant dans le coin, ramène vers la bosse à Cathiard, du nom du fondateur du syndicat des moniteurs de ski. C’est l’envol de 50 mètres vers la ligne d’arrivée en apothéose, qui fit dire au dessinateur que sa piste offrait « les passages les plus spectaculaires de Kitzbühel et Wengen réunis ».

« Ça sert à rien de se battre, faut se laisser déraper pour arriver vivant »

Las à la limite du règlement de sécurité, vu ses pentes exigeantes et la quasi-impossibilité d’y faire accéder des engins de damage au plus fort d’entre elles, Bellevarde a bâti sa légende sur trois courses à peine. Certes, sa partie basse, gelée tout l’hiver, reste l’écrin du géant et du slalom du Critérium de la première neige. « Les injections d’eau laissent des plaques de glace, toute la saison. Ça sert à rien de se battre, faut se laisser déraper pour arriver vivant » conseille Léo Taillefer, adepte du ski libre, acrobate de pentes et enfant du pays pour qui Bellevarde c’est aussi de sacrés hors-pistes, le Cairn et la Banane. « Au soleil le matin, à l’ombre l’après-midi, la Face connaît quasiment deux saisons dans la même journée. »

Et la nuit, alors ? Expérience magique que de skier, flambeau en main ou frontale sur la tête, les lumières de Val d’Isère sous les spatules. Un serpentin visible, comme 80 % de la piste depuis le front de neige. C’est le monopole hebdomadaire et le manège rituel des moniteurs de ski, pendant les vacances, pour animer Val et ses visiteurs.

Photo Le DL/Bertrand Riotord
Photo Le DL/Bertrand Riotord

Ce soir-là, on a suivi Guillaume Pierrel, as de la pente raide skieur de 8000 et qui en décembre a descendu la Face… en ski de fond ! « Je suis vosgien, et né sur des planches nordiques. Ce projet, quatre ans que j’en parlais ». Après le Critérium, il a profité de l’éclairage en bas de piste, et du passage des dameurs, fraisant la neige en haut. Entre authentique exploit à déconseiller et délire de potes. « Je visais les plaques de glace avec des bourrelets de neige à canons pour m’arrêter si je faisais la culbute », raconte l’artiste qui, à sa façon, a posé sa griffe dans l’histoire de Bellevarde.

Article issu du Dauphiné Libéré

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