Le glacier de Gébroulaz : une vallée blanche entre Val Thorens et Méribel

Même la station au domaine le plus perché n’est pas à l’abri des assauts des températures. Val Thorens n’a guère de souci de neige. Mais sur ses crêtes rocheuses, le dégel des sols déstabilise certains remonte-pentes. Voilà deux ans que le télésiège du col de Thorens (3120 m), qui permettait de prendre pied de l’autre côté sur le glacier de Chavière a été démonté.

Le seul véritable glacier de vallée du massif de la Vanoise

Pour aller chercher son voisin, ce fameux Gébroulaz, seul véritable glacier de vallée du massif de la Vanoise, il faut payer un peu plus de sa personne. C’est dès la sortie de la télécabine de la Moraine, à 2820 m d’altitude qu’on chausse les peaux de phoque. Un dénivelé de deux cents mètres d’ascension supplémentaire qui fait la différence, pour Gaby Jay, président du bureau des guides des Belleville et de Val Thorens. « Depuis, l’itinéraire a retrouvé son côté sauvage. Quand il y avait le télésiège, tout le monde pouvait débarquer sur Chavière et des processions suivaient la trace jusqu’au col de Gébroulaz, 400 m plus haut ».

On est là au cœur du parc de la Vanoise, aux limites de l’aménagement des Trois vallées, plus vaste espace skiable au monde. Sous nos spatules s’est jouée l’histoire.

Photo Le DL/François Delestre
Photo Le DL/François Delestre

Le président Pompidou tranchera “l’affaire” de la Vanoise

Dans les années 60 et 70, le promoteur Pierre Schnebelen, insatiable aménageur gagné par la folie des hauteurs, comptait transformer ce vaste secteur glaciaire hors-piste vers la Maurienne en méga domaine pour un ski 365 jours par an. Gaby Jay fit partie de ceux qui se sont insurgés. Le président Pompidou tranchera “l’affaire” de la Vanoise. Val Thorens ne s’étendra pas au-delà de Chavière, équipé de deux tire-fesses pour le ski d’été et qui, déjà confrontés à la fonte, ont été démontés en 1987. « Depuis, le glacier a perdu 50 mètres d’épaisseur au col de Thorens. »

Exit télésiège et téléskis, Chavière est une rampe de lancement redevenue vierge pour gagner Gébroulaz. À gauche, sur la pointe de Péclet (3561 m), sommet des Trois vallées, on devine un cairn. Un hommage à Camille Rey, fondateur du bureau des guides des Belleville en 1967.

L’histoire de l’alpinisme dans ce coin de Vanoise remonte à l’entre-deux-guerres, quand aucune route ne montait aux Menuires et à Val Thorens. Refuges et auberges jalonnaient les Belleville. Mais l’aménagement des stations coïncide avec l’essor du métier et l’afflux de clientèles. « Il fut un temps, pour les moniteurs de ski guides, descendre le glacier de Gébroulaz, c’était la récompense de la semaine » se souvient Gaby. Un temps où l’itinéraire se faisait en “collective”.

Photo Le DL/Antoine Chandellier
Photo Le DL/Antoine Chandellier

« Ça reste notre best-seller »

Aujourd’hui moins accessible il est devenu plus élitiste. « Mais ça reste notre best-seller » souffle Julien Dusserre, nouvelle génération du bureau local. Skis sur le sac, on accorde nos pas dans les siens alors que la pente se raidit pour gagner le sommet de l’itinéraire, sous le Dôme de Polset, à 3500 m d’altitude.

Et là s’étend sous nos semelles un vaste tapis blanc qui, par sa longueur et son environnement, rappelle la vallée Blanche. Le mont Blanc, justement, on l’a en ligne de mire, quand dans notre dos, la barre des Écrins scintille, frappée des rayons du soleil. Sur notre droite les dômes de la Vanoise ont fière allure. Dire que de l’autre côté de la crête rocheuse en rive gauche s’ébroue la plus forte concentration de skieurs du globe. Gébroulaz en cette mi-mars n’a été défloré que de trois traces avant les nôtres, trois jours après la dernière chute. « Il garde ce côté exclusif » sourit Julien Dusserre qui, avec sa dizaine de collègues guides du cru, sait qu’ici, à la différence de La Grave ou Chamonix, le client chasseur de poudre et sportif court moins les fronts de neige.

En cet hiver prodigue en neige à haute altitude, on ne devine pas les souffrances d’un fleuve gelé qui a perdu deux kilomètres de long en 150 ans. Il lui en reste cinq. Les glaciologues lui prédisent une espérance de vie qui ne devrait pas dépasser 2080. Lui aussi en a des histoires à raconter. Jusqu’en 2004, il était le seul glacier privé de France, propriété des descendants de l’alpagiste Philibert Etiévent qui, en 1854, racheta à l’évêché les 1700 hectares de la montagne du Saut, dont 350 en glace, pour faire paître ses vaches. Plus grande propriété privée de Savoie !

Convoité par Ricard, qui aurait aimé en faire le plus gros glaçon du monde, et d’autres investisseurs, tel le baron Empain repreneur de l’équipementier de ski Fusalp, Gébroulaz tomba tout naturellement dans le patrimoine des Allues, commune support de Méribel. Car entre-temps, ce monument naturel a été entièrement sanctuarisé. À l’amont en cœur de parc de la Vanoise et en aval, depuis 1990, par la réserve de Plan Tuéda où il est interdit de skier, hors les itinéraires classiques de ski de randonnée.

Les contemplatifs dévaleront tout le vallon vers le refuge du Saut, les arolles pluricentenaires de la réserve et jusqu’à Méribel-Mottaret, quitte à pousser sur les bâtons malgré un fart au poil. Les non rassasiés remonteront eux au col du Borgne à 3000. Pour redescendre le glacier éponyme et s’offrir une deuxième dose de fraîche avant de revenir à la civilisation vers les pistes et les télésièges qui ramènent vers Val Thorens. À mesure que se rapproche le “boum boum” de la Folie douce, restaurant d’altitude où l’on danse sur les tables, le souvenir ému de Gébroulaz distille comme un parfum de “reviens-y”.

Article issu du Dauphiné Libéré

PARTAGER
Découvrez nos lectures liées
Restez informé, suivez le meilleur de la montagne sur vos réseaux sociaux
Réserver vos séjours :
hébergements, cours de ski, forfaits, matériel...

Dernières actus

Nos tops stations
  • Avoriaz
  • Chamonix
  • Courchevel 1850
  • Flaine
  • Font-Romeu
  • L'Alpe d'Huez
  • La Bresse
  • La Plagne
  • Le Lioran
  • Les 2 Alpes
  • Les Menuires
  • Montgenèvre
  • Orcieres Merlette
  • Peyresourde
  • Risoul 1850
  • Saint-Lary-Soulan
  • Tignes Val Claret
  • Val Thorens
  • Villard-de-Lans
Les stations par région
  • Alpes (134)
  • Massif central (4)
  • Pyrénées (21)
  • Jura (6)
  • Vosges (4)
  • Corse (1)
Suivant
Adultes18 ans et +
Enfantsde 0 à 17 ans
1er enfant
2ème enfant
3ème enfant
4ème enfant
5ème enfant
6ème enfant
7ème enfant
8ème enfant
9ème enfant