Le Tunnel à l’Alpe d’Huez : avec sa pente à 70%, un défi pour les skieurs

Les Écrins en face, la Grande Casse dans le dos, les aiguilles d’Arves à gauche. À 3326 m d’altitude, depuis le sommet de l’Alpe d’Huez, le panorama sur 1/5e du pays est classé 3 étoiles au Michelin. On parle du guide vert, touristique, et non du rouge, gastronomique. Mais il en va de la glisse comme de la cuisine.

Un dénivelé de plus de 2000 mètres

De là-haut partent « nos deux pistes signatures », selon Yann Carrel. Le directeur des opérations de SATA Group, qui exploite le domaine des Grandes Rousses, évoque ces descentes comme un chef étoilé vante ses plats fétiches : Sarenne et ses 16 km, réputée parmi les plus longues d’Europe. Et le Tunnel, qui hisse l’Alpe dans le club des cinq stations françaises offrant un dénivelé de plus de 2000 mètres jusqu’à l’Enversin d’Oz et Vaujany.

Photo Le DL/Benoît Lagneux
Photo Le DL/Benoît Lagneux

Ici, il y a 60 ans, le grand visionnaire du cru, l’hôtelier Georges Rajon, réalisait un coup de maître. L’homme qui a fait de l’Alpe un haut lieu du Tour de France fut celui qui révolutionna son domaine skiable. L’exploitant précédent était à court d’argent. Alors, les commerçants locaux créèrent la Société d’aménagement touristique de l’Alpe d’Huez pour achever le vieux rêve d’un téléphérique jusqu’au Pic Blanc. Fin 1963 seule Chamonix et son aiguille du Midi se hissent plus haut du col. Monter les gens, c’est bien. Mais pour les faire descendre où ?

Là-haut s’ouvre le vallon de Sarenne et son glacier (aujourd’hui en fin de vie) où l’on va pratiquer le ski d’été jusqu’à l’an 2000. C’est alors un hors-piste qui vient buter sur une gorge et ne permet pas un retour station. L’année d’après, Rajon a l’idée de percer la montagne pour rebasculer versant ouest du Pic Blanc, grâce à une galerie de 200 mètres de long. Au bout, le glacier des Rousses tombe en cascade et c’est un mur redoutable qui plonge sur la station : 70 % de pente, 35°.

Photo Le DL/Benoît Lagneux
Photo Le DL/Benoît Lagneux

« Combien de divorces ont été provoqués là, le mari ayant fait l’erreur d’embarquer madame »

60 ans plus tard, la fonte du versant sous l’effet du climat a modifié les lieux, mais pas l’inclinaison. À l’entrée du tunnel, éclairé de lumières bleutées, le dilemme persiste. Y aller ou pas ? Et à la sortie, le point de non-retour. « Combien de divorces ont été provoqués là, le mari ayant fait l’erreur d’embarquer madame », ironise le pisteur Bertrand Tatu, chef de secteur là-haut depuis dix ans. Il en a vu de belles. Mais finalement guère d’accidents graves. Le creusement des bosses freinant les chutes. À l’heure des téléphones mobiles, les groupes hésitants envoient le plus téméraire en éclaireur, avisant d’un SMS, les copains de la difficulté du terrain.

« Avant, le mur était dans l’axe du tunnel. Depuis une quinzaine d’années, on y accède par la droite, il y a moins de vide mais c’est plus technique », explique Tatu. Un corridor fraisé entre deux murs de neige mène au départ. Côté amont, une batterie de Gazex sécurise le couloir contre le risque avalanche. Et des grillages préservent la piste de la déstabilisation du versant. « On skie désormais sur un glacier rocheux » confirme Jean-Christophe Lapalus, le patron des pistes.

Photo Le DL/Benoît Lagneux
Photo Le DL/Benoît Lagneux

Le premier mur sous le Pic Blanc, incliné à 60 %, a valeur de test

Au bas du grand mur, un rognon émerge, signalé par des filets. Et plus bas un lac proglaciaire s’est formé. En dessous, le passage de la cascade mène au schuss vers le télésiège du lac Blanc, à 2500 m, pour regagner le troisième tronçon du téléphérique et un nouveau tour de manège.

Avant même d’arriver à l’entrée du tunnel, la combe 3000, le premier mur sous le Pic Blanc, incliné à 60 %, a valeur de test. Défi à skier, cette piste est aussi un challenge à entretenir. « Il faut une semaine et trois personnes pour enneiger le tunnel, à l’aide d’une brouette à moteur » indique le chef des pistes.

Du temps de son prédécesseur, l’historique Christian Reverbel resté 40 ans à la tête du domaine , l’enneigement de la galerie se faisait manuellement. « On recevait le renfort d’une dizaine de militaires du régiment d’artillerie de montagne avec de vieilles luges en bois » se souvient celui qui aujourd’hui est patron de Vars (Hautes-Alpes).

Une descente qui fait sensation sur You Tube

Réverbel a connu l’époque où on skiait en été sur la piste du Tunnel. « On y organisait le Grand Prix, un slalom géant ». Quand il en parle, il en a des trémolos dans la voix. Toute la jeunesse de celui qui, pourtant, créera son alternative moins abrupte en faisant en 1977 de Sarenne une piste aménagée. « C’était le temps où le Tunnel était fréquentée par des gens qui tenaient debout ».

Aujourd’hui, la descente fait sensation sur You Tube et les pisteurs constatent un afflux de skieurs alléchés par ses vidéos virales. Sur les 3000 visiteurs qui débarquent chaque jour au Pic Blanc, un tiers tente l’aventure du Tunnel.

En quinze minutes de vigie dans le grand mur, on recensera cinq gamelles, heureusement sur neige molle. Dont celle de ce jeune Lyonnais qui tentera de remonter pour retraverser la galerie à l’envers, avant que les pisteurs viennent à la rescousse. Avec une entorse du genou, il ne serait pas allé loin. « Quand il y a un secours ça engage un peu plus. On resserre les chaussures dès qu’il faut sortir la barquette », commente Bertrand Tatu.

Photo Le DL/Benoît Lagneux
Photo Le DL/Benoît Lagneux

Une piste laissée au naturel

Autrefois, grâce à un treuil on y a même monté des dameuses. Mais aujourd’hui le service des pistes préfère laisser cette pente au naturel. Ouverte 80 % du temps, il veille à ce qu’elle ne se transforme pas en toboggan par temps de neige dure. « On ne peut pas mettre des filets partout ».

En France, Val d’Isère a aussi sa piste du tunnel au Téléski 3000, creusée sur 50 m dans la crête des Leissières permettant de basculer vers l’Iseran. Elle aussi remonte au début des années 60, mais en raison des contraintes d’exploitation n’est plus guère ouverte.

En Autriche, la station de Sölden a relié ses deux versants glaciaires, le Tiefenbach et le Rettenbach, par une galerie skiable. Mais le Tunnel à l’Alpe, reste unique par l’ampleur du voyage offert sur les deux faces du Pic Blanc.

Article issu du Dauphiné Libéré

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