On a testé pour vous : courir son premier marathon en ski de fond

Quelle joie peut-on trouver dans la pratique du ski de fond, cet effort répétitif, ingrat, inélégant et terriblement épuisant ? C’est la question que je me suis posée une bonne partie de mon enfance lorsque, traîné par une institutrice ou un professeur d’EPS, j’ai dû chausser ces planches instables pour des sessions hebdomadaires de torture. Un peu enrobé, un peu asthmatique, assez récalcitrant et donc pas franchement prédisposé au nordique, je me revois haleter gauchement, loin derrière un groupe qui attend avec impatience que j’arrive au sommet de la côte… pour pouvoir enfin repartir dans la descente. Technique minable, montées interminables.

Une certitude à balayer

Une suite d’expériences douloureuses qui me laisseront pendant vingt ans une certitude tenace : le ski de fond, c’est nul. Quelle ne fut donc pas ma propre surprise lorsque j’ai ressenti, en 2019, l’envie de retenter l’expérience, poussé par l’exemple d’amis brillant au plus haut niveau. Et en bon trentenaire, j’ai aimé ça au point d’y consacrer presque toutes mes journées hivernales libres. « C’est un sport sain, un excellent sport santé, super complet pour travailler le cardio et quasiment tous les muscles du corps. Cela permet aussi d’évoluer dans de super paysages, avec des pistes de tout niveau, loin des routes et des remontées », me vantait Loïc Guigonnet, moniteur de ski nordique à l’ESF des Menuires. D’ailleurs, bonne surprise : aussi désagréables que furent ces sorties scolaires, elles ne le furent pas en pure perte. Un fond de technique est ressorti de ce marasme, me permettant d’enchaîner les séances et de prendre un plaisir d’abord honteux, puis assumé, à la pratique du skating.

Quelques hivers plus tard, je prenais un nouveau pari, histoire de me fixer un challenge : boucler un marathon à ski. Mon choix s’était d’abord porté sur celui de la Savoyarde, en mars 2023, sur le domaine de Savoie Grand Revard, entre Saint-François-de-Sales, Le Revard et La Féclaz. Une course longue mais plutôt plate, m’avait-on assuré. Manque de chance, si la neige du plateau m’a permis plusieurs belles soirées entre amis, grâce aux nocturnes du mardi soir, elle n’a pas suffi pour la tenue de l’événement prévu à la mi-mars 2023. Direction le plan B, sensiblement plus accidenté : l’Etoile des Saisies et son dénivelé redouté dans le milieu des marathoniens du dimanche.

Photo Nils Louna
Photo Nils Louna

La glisse, point clé

Me voici donc en plein cœur du Beaufortain, à pousser sur mes bâtons dépareillés, en ce début du mois d’avril. La veille, une neige humide est tombée de façon discontinue sur les pistes et la glisse n’avait rien de réjouissante. Heureusement, pour le jour J, les températures sont restées raisonnables pour ce début de printemps et le damage est optimal. Entre temps, j’ai tout de même pris l’option d’un fartage “course”, histoire de mettre toutes les chances de mon côté. Avec ma ceinture-gourde remplie et quelques barres énergétiques dans les poches, je me lance dans l’aventure.

Ma stratégie de course est humble et limpide : me caler derrière une vieille fondeuse, celle avec un bandeau “Transju’97” et des skis d’une marque désormais disparue qu’elle a récupérés quand elle était bénévole aux Jeux Olympiques d’Albertville. Malheureusement, je ne trouve pas de concurrente qui correspondrait à ce portrait-robot, et puis je me souviens des avertissements des copains : « Attention aux “vieilles”, certaines sont bien plus coriaces qu’on ne le croit ». Je décide donc de prendre un départ tranquille, bien conscient que mon entraînement laisse à désirer. Effectivement, je n’ai atteint qu’une fois les 30 km lors de ma “carrière”, quelques semaines plus tôt, un soir où la neige glacée procurait une glisse démente. Là, il faudra faire neuf bornes de plus (le parcours a été ramené à 39 km au lieu de 42, c’est déjà ça). Et si la montée finale dans la station n’est pas au programme en 2023, il y a suffisamment de dénivelé (près de 800 mètres au total) pour démarrer humblement.

Un troupeau de gnous ?

Les premiers kilomètres, légèrement accidentés, se font facilement. Bien calé dans la file indienne, je suis la patrouille sans me presser. De toute façon, il est compliqué de doubler vu le nombre de skieurs au mètre carré. Un bout de bâton brisé, abandonné au milieu de la piste, me conforte dans l’idée que ce n’est pas le moment d’aller me frotter aux autres, d’autant que j’ai moi-même déjà cassé des cannes pendant mes entraînements, que j’avais pourtant achetées auprès d’un skieur de Coupe du monde. Triste sort pour ces tubes de carbone, qui ont propulsé leur possesseur jusque sur les podiums mondiaux et ont terminé leur carrière prématurément, sectionnés par un maladroit.

Quelques hectomètres plus loin, c’est un concurrent à pied que j’aperçois, qui trotte au bord de la piste avec son ski cassé dans la main. Pas le temps de m’arrêter pour discuter, sinon je vais finir comme Mufasa (sous un troupeau de gnous). Je continue et commence la longue, très longue montée vers le plateau de la Palette, au-dessus de la forêt. Je demande à un compagnon d’infortune s’il sait combien de temps ça va durer. « C’est bientôt la fin de la montée », m’assure-t-il avec son accent britannique. Voilà une bonne nouvelle ! Mais derrière il ajoute : « Encore cinq kilomètres ». On n’a pas la même notion de la distance.

Le ravito qui fait du bien

Effectivement, il faut encore grimper un moment avant d’arriver sur le plateau, d’où on aperçoit, parait-il, le massif du Mont-Blanc. Personnellement, je vois surtout mes spatules, sur lesquelles je concentre mon regard, bien décidé à ne pas trop en mettre, histoire de garder un peu d’énergie pour le second tour. Dans cette optique, je m’arrête quelques secondes au ravitaillement. On en trouve tous les cinq kilomètres et ils sont fort agréables pour se refaire la cerise.

Sirop, coca, eau, un petit bout de fromage ou un biscuit : il y a tout ce qu’il faut pour se relancer. Le temps de remercier les bénévoles qui, comme sur chaque course de ce genre, assurent pour que tout soit en ordre, et c’est l’heure de repartir. Après quelques coups de cul, une longue descente nous ramène presque au point de départ. La moitié du chemin est faite, il ne reste plus qu’à tout recommencer.

Photo Nils Louna
Photo Nils Louna

Jeter ses dernières forces dans la bataille

C’est là que les choses se corsent un peu. Certes, j’ai déjà la satisfaction de ne pas m’être fait “lapper”, c’est-à-dire d’avoir un tour de retard sur la tête de la course. Il s’en est fallu de peu puisqu’au moment où je m’engageais dans mon second tour, Gérard Agnellet, vainqueur du jour, n’était pas loin de passer la ligne d’arrivée. Malheureusement, je me rends compte que la glisse du premier tour ne sera plus au rendez-vous. Le soleil a chauffé la piste, et ça colle désormais un peu partout. La deuxième boucle est donc plus pénible. Mais pour réaliser mon objectif secret (ne pas terminer dans les cinq derniers), il ne faut pas mollir. D’autant que je parviens à avaler plusieurs concurrents partis plus vite que moi, ce qui me donne le moral.

Je pense aussi au chronométreur, qui doit avoir envie de rentrer chez lui pour regarder le Tour des Flandres à la télé ou commencer à bêcher son jardin dans la vallée. Pour ne pas le faire attendre, je lance mes dernières forces dans la bataille et me traîne jusqu’à l’arrivée. La dernière montée vers la ligne, pourtant bien anecdotique, est un joli supplice et c’est un peu hagard que je jette le pied sur la ligne pour amuser le speaker. 2h42 plus tard, me voici revenu au point de départ. Avec certes 1h16 de retard sur la gagne, mais surtout heureux d’avoir bouclé à peu près honorablement ce double-tour de grande piste. 118e sur 124 finishers, j’évite la zone de relégation mais surtout, j’ai triomphé de moi-même et de mon aversion pour le nordique. Et répondu à ma question fondamentale : on peut trouver beaucoup de joie à skater sur la neige !

Envie d'essayer ?

Pour faire votre choix, voici à titre d’exemple le calendrier du Marathon Ski Tour, circuit qui regroupe parmi les plus belles courses moyennes et longues distances de l’hiver (classique ou skate) : 

- La Traversée du Massacre :  03/03/2024, 42 km skating

- La Savoyarde Ekosport : 10/03/2024, 42 km skating 

- Marathon des Glières : 17/03/2024, 42 km skating

- Etoile des Saisies : 30/03/2024, 42 km skating

En partenariat avec Outlines
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