Le guide Maxime Pucheux et son client Quentin attendent au bar de l’hôtel Oberland, camp de base idéal pour rayonner sur les sites aux alentours de Bourg-d’Oisans. Un café et il est temps de prendre la direction de Villard-Notre-Dame. La route étroite s’impose telle une brèche dans la montagne qui domine la vallée, à l’aplomb. Le vertige d’un côté et la glace de l’autre où de belles formations éphémères plantent un décor glacial et envoutant, presque inquiétant.
L’arrivée au village de Villard-Notre-Dame, une des “pépites” de l’Oisans, se fait dans la brume et le calme. Objectif du jour : le Grand Renaud, 2 776 m. Ambiance glaciale au départ mais on se réchauffe en jouant au remonte-pente. Une splendide mer de nuage se forme vite sur nos talons. L’ascension se poursuit dans la fraîcheur en sillonnant le long du ruisseau gelé du Villard et la fraîcheur des bois de Moularet.
Un vue imprenable sur le Taillefer et les Ecrins
Au soleil sur le versant opposé, les chamois se laissent volontiers admirer. Un peu plus haut, au détour d’une énième conversion, les spectaculaires Aiguilles d’Arves viennent réveiller nos rétines engourdies. Le belvédère est superbe mais mieux vaut ne pas s’arrêter trop longtemps pour éviter l’onglet. Il faudra attendre le secteur de Pierre Grosse pour que le soleil se pointe. Pause providentielle avant le final vers le Grand Renaud. De là-haut la vue est fatalement imprenable : le Taillefer d’un côté, les Ecrins de l’autre.
Le vent se fait très mordant, il est temps de redescendre. Malin, Maxime a repéré de la bonne la “frisette”, cette neige vierge restée fraîche et délicieuse à skier, à se mettre sous les spatules. La descente vers Pierre Grosse est excellente et le reste aussi. Seule une mauvaise trace nous piègera gentiment sur la fin. Skis sur le sac, on terminera en marchant pour rejoindre Villard-Notre-Dame où l’ambiance est toujours aussi calme.
Le col du Sabot, classique et accessible
La nuit à l’Oberland a été profitable. La déco de cet hôtel centenaire, habilement remaniée, nous plonge au début du 19e siècle sans renier au confort moderne. Notre trio reprend la route pour se rendre à Vaujany. La station, dont le domaine est relié à celui d’Oz-en-Oisans, est aussi connecté à l’Alpe d’Huez. On traverse la station-village pour atteindre le parking de la Villette (1 400 m). Fin de la route. L’objectif du jour ? Les Aiguillettes de Vaujany. C’est un itinéraire classique du coin qui peut convenir aux débutants en ski de rando. La montée jusqu’au col du Sabot (2 100 m) emprunte en effet une piste confortable et très progressive. C’est agréable, mais un peu long tout de même. Après un peu plus de sept kilomètres, les pieds chauffent. On s’arrêtera finalement au col, le vent se faisant trop insistant. Ce passage encadre à merveille le mont Blanc qui apparaît majestueusement, comme pour rappeler que le roi des sommets, c’est lui. Le vent nous pousse vers la sortie mais fait entrer de drôles d’oiseaux : les snowkites s’invitent dans ce vallon, jouant de leurs voiles pour mieux dompter les reliefs.
Sur les conseils de Maxime, notre fin limier, la redescente se fait en versant exposé au soleil pour miser sur une neige transformée. Bingo ! Rien à voir avec la frisette de la veille mais on prend quand même en ces temps de disette. En ce début d’après-midi, les randonneurs se font plus nombreux à remonter la piste, preuve du caractère classique de cet itinéraire accessible et aussi très beau entre les grandes pentes de Cote Belle d’un côté et les Grandes Côtes sous le Rissiou de l’autre.
La cascad de la Fare, une star locale
En rejoignant Vaujany, c’est une star locale qui se met en évidence. La cascade de la Fare sort de sa discrétion l’après-midi lorsque le soleil bascule sur ce versant du massif des Grandes Rousses. Ce monument de glace est une classique du coin pour les adeptes de la grimpe hivernale en crampons et piolets. Aux beaux jours, c’est une via ferrata qui permet de s’en approcher au plus près.
Le retour anticipé à la vie civilisée nous permet de visiter la station-village construite sur trois niveaux mais sans jamais imposer trop d’effort grâce aux escalators et ascenseurs. « Vaujany est passé du moyen-âge à la modernité en 30 ans », illustre le maire Yves Genevois. Nous croisons l’édile au musée de Vaujany où une classe de CP piaffe en découvrant la faune et la flore locale. Nous en profitons pour confirmer une rencontre matinale avec un couple de lagoped. « Ah oui, des perdrix blanches quoi », confirme le maire. S’il évoque une transformation à marche forcée (mais raisonnée) du village de Vaujany, c’est parce que la commune abrite le barrage de Grand-Maison, exploité par EDF et générant pour les locaux des revenus substantiels depuis le milieu des années 1980. Patinoire, bowling, piscine, salle polyvalente, remontées mécaniques, navettes : les équipements et services sont nombreux et la commune est même devenue une place forte des sports de glace en France avec le club des Grizzlis et le gala international “Les étoiles de la glace” qui fait venir les stars mondiales du patinage artistique.
Nous prenons nos quartiers pour la nuit dans le chambre d’hôte La Tanière à Vaujany. Calme et vue imprenable sur le coucher de soleil et le Grand Galbert, notre “chantier” du lendemain !
Oulles, une vraie petite pépite
Depuis le Bourg-d’Oisans, le Grand Galbert est accessible par le village d’Oulles. Attention, encore une pépite comme seul l’Oisans en réserve ! Plus petite commune d’Isère, Oulles est un village perché à la fin d’une route sinueuse et étroite. Avec une petite dizaine de résidants à l’année, cette localité est restée authentique, il faut dire que son accès reste un peu délicat. Il fut le dernier village d’Oisans à être désenclavé par la construction d’une route carrossable en 1962. Ce petit bourg préservé de l’agitation offre un magnifique belvédère sur l’Oisans et les Ecrins. On a l’impression d’être loin de tout mais nous ne sommes qu’à une vingtaine de minutes de Bourg-d’Oisans.
En partant skis à l’épaule pour rejoindre le début de l’itinéraire, une petite maison bleue attire notre regard. Elle appartenait à Julienne Girard qui en 1933 devenait la première femme guide-porteur du Club Alpin Français. Pas rien ! Une montagnarde élevée au bon air de l’Oisans et dont les parents tenaient un café. L’hiver venu, son père devenait colporteur pour subvenir aux besoins de la famille. Une spécialité locale qui a perduré tout le 19e siècle avant de disparaître avec le désenclavement des villages.
La vue sur les Grandes Rousses
Glissant sur nos peaux de phoque, nous remontons une raide pente herbeuse bien exposée au soleil. Ambiance ski de printemps en ce début février. En passant au travers de la brume, une jolie mer de nuage vient encore s’offrir à nous. On entendrait presque le son des vagues. Les sommets alentours se détachent comme autant de petites îles à contempler ou des petits continents à découvrir.
Nous sommes ici dans le Taillefer, un solide rempart posé entre la vallée de la Romanche et celle de Bourg-d’Oisans. Arrivé sur une épaule à 1 800 mètres d’altitude, nous mettons le cap vers le nord-est jusqu’à 2 200 m où l’on pique-nique après avoir pris un bon coup de chaud (exposition plein est). En remontant vers le Grand Galbert, on profite de la vue sur les Grandes Rousses à l’est et sur le Taillefer et le plateau des lacs et, en second plan, le Vercors et la Chartreuse, à l’ouest. Le lancinant frottement des peaux sur la neige durcie par le vent nous accompagne jusqu’au but final. Photos, dépeautage, verrouillage des chaussures et c’est parti ! Maxime laisse parler son talent pour nous emmener dans des pentes à l’aplomb du village d’Oulles. Pas grave si ces virages préservés nous coûtent quelques traversées hasardeuses entre les rhododendrons et les roches… Mais les semelles des skis en garderont quelques stigmates.
Notre séjour s’achève ici, dans ce joli village d’Oulles. On redescend par cette étroite et sinueuse route qui nous relie à la vallée et la vraie vie. On gardera de ce massif cette fâcheuse habitude de ne pas se révéler au premier regard. Les beautés de l’Oisans ne se livrent pas, elles se découvrent.
Article issu du magazine Outlines
> Grand Renaud, 2 776 m
1 276 m de D+ au départ de Villard-Notre-Dame.
Pas de difficulté particulière à la montée si ce n’est le nombre de conversions à réaliser… Quelques passages à 35° à la descente.
> Aiguillettes de Vaujany, 2 547 m
1 147 m de D+ au départ du parking du Collet (1 400 m) sur la commune de Vaujany après le lieu-dit La Villette.
Longue piste facile à remonter jusqu’au col du Sabot (2 100 m). Pentes à plus de 40° à la redescente par le versant ouest sous le sommet. Variante possible par la draye du Couard si les conditions le permettent.
> Grand Galbert, 2 561 m
1 151 m de D+ au départ du village d’Oulles (1 410 m).
Pas de difficulté particulière à signaler à la montée. Plusieurs variantes peuvent être réalisées à la descente mais attention aux conditions car l’exposition plein est peut déneiger le bas de l’itinéraire (et donner de bons coups de chaud à la montée).