C’est un balcon, comme seule l’Ardèche en a le secret. À une vingtaine de minutes d’Aubenas et à une cinquantaine de Montélimar dans la Drôme, la commune de Saint-Laurent-sous-Coiron est difficile à louper.
Une vue à 360 degrés
Un plateau basaltique haut de plusieurs centaines de mètres accueille le centre bourg. En haut de cette colline on y distingue des remparts et quelques vieilles maisons de pierre. Une croix dressée sur le toit de l’église surplombe le tout. Le point de vue est déjà magnifique, mais incomparable à celui que propose le cœur de la cité. Après un petit effort pour monter les derniers mètres à pied, le site offre une vue à 360 degrés. D’un côté, les Cévennes, de l’autre le plateau ardéchois et le col de l’Escrinet. Un spot à couper le souffle depuis l’un des endroits les plus haut perchés du département.
Michelle Gilly ne compte plus ses déambulations dans le village. La maire ne s’en lasse toujours pas. Il y a cinquante ans, elle est tombée amoureuse des lieux qui faisaient partie d’un lot avec son mari. À prendre ou à laisser. « Je venais d’arriver dans le département après avoir été nommée au lycée agricole Olivier-de-Serres d’Aubenas », raconte l’ex enseignante d’éducation socioprofessionnelle. Lui était enseignant d’éducation physique dans l’établissement. Le jeune homme propose alors à sa collègue une journée de découverte du département en voiture. C’est le coup de foudre. Michelle Gilly épouse l’homme et son pays.
« Les Ardéchois aiment tellement leur pays que quand on en épouse un, on épouse aussi son département », sourit-elle. En 1975, le couple se marie dans l’église de Saint-Laurent-sous-Coiron. L’histoire d’amour s’arrête brutalement après le décès de Jean Gilly en 2008. Michelle, elle, n’a rien perdu de ses sentiments pour l’endroit. Elle est toujours à la tête de la commune 23 ans après le début de son premier mandat de maire. Et si la vue imprenable a joué dans cette longue histoire d’amour, les fondateurs du village avaient, eux, d’autres intentions en s’installant.
Les plus anciennes traces de l’existence de Saint-Laurent-sous-Coiron remonteraient au VIIe siècle. Comme toutes les cités construites sur les hauteurs, la vision à plusieurs kilomètres à la ronde offrait une sécurité face aux ennemis. Un avantage non-négligeable lorsque les guerres de religion faisaient rage au XVIe siècle. D’autant plus que Saint-Laurent-sous-Coiron était, à l’époque, une place forte du sud de l’Ardèche. « La commune rayonnait sur ses voisines. Il y avait des liens très étroits avec Aubenas. Le château a même appartenu un temps aux Montlaur. »
« Des épouvantails sur les remparts » pour effrayer les protestants
Comme beaucoup d’autres, le village catholique ne ressort pas indemne du conflit avec les protestants. Le château est détruit malgré une résistance des habitants, parfois de manière habile selon les bruits qui courent encore dans les ruelles. « Une légende dit que le village protestant de Mirabel situé juste en face voulait attaquer Saint-Laurent, qui était catholique. Mais le curé aurait installé des épouvantails sur les remparts. Mirabel se serait ravisé en voyant le monde qui était prêt à se battre pour Saint-Laurent », racontent les habitants.
De nos jours, il ne reste que des bribes de cette époque. Le château n’existe plus. Seuls les remparts du centre bourg et quelques objets comme des menhirs, des dolmens et des poteries découvertes au fil des fouilles, témoignent du passé.
De quoi alimenter la curiosité. Le site attire les étudiants en géologie de l’Université Grenoble Alpes. « Nous sommes dans un endroit où il reste encore beaucoup de découvertes à faire », est convaincue Michelle Gilly. « Il y a plusieurs années, des spéléologues ont découvert par hasard une cavité dont on cherche encore la sortie exacte. »
Une commune qui compte 116 habitants
Des membres du “Village Documentaire de Lussas”, à quelques kilomètres de là, continuent de plébisciter la commune voisine pour y installer leurs résidences. Un signe positif alors que la population décline. À la fin du XIXe siècle, la commune comptait plus de 500 habitants. Ils sont seulement 116 selon le dernier recensement Insee datant de 2020, sans compter les habitants des résidences secondaires l’été.
Pour redynamiser Saint-Laurent-sous-Coiron, la municipalité a créé un bistrot dans le cadre de son inscription au label Villages de caractère. Un cheminement de 12 kilomètres a aussi été créé pour lier l’histoire des lieux et ses points de vue uniques.
La maire et son équipe envisagent aussi de créer un éco hameau, au pied du centre bourg, pour permettre aux nouvelles générations de s’installer. « Je suis sûre que les gens nous remercieront dans 20 ou 30 ans d’avoir insisté pour que ce projet aille au bout », assure Michelle Gilly. Les visiteurs d’un jour ou les locaux de toujours ne remercieront, eux, jamais assez les créateurs du plus beau balcon d’Ardèche il y a 1 400 ans.
Article issu du Dauphiné Libéré