Parmi la myriade d’itinéraires hors-pistes qu’il est possible de dévaler en hiver aux quatre coins de Alpes, certains ont su se faire un nom chez les connaisseurs. Que ce soit pour leur difficulté, la quantité de poudreuse qu’il est possible de faire voler jusqu’aux moustaches ou bien le panorama qu’ils proposent, chacun à sa spécificité. Mais peu d’entre eux peuvent se targuer, comme la face Nord du glacier de Bellecôte, dans le massif de la Vanoise, de partir d’une station pour terminer dans une autre, tout en proposant plus de 1 500 mètres d’une descente à couper le souffle.
Car, si l’arrivée se fait sur les pistes de ski nordique de Peisey-Vallandry, c’est bien sur le domaine de La Plagne que loge le glacier. Cet itinéraire, c’est un peu Paradiski avant l’heure, puisque depuis Peisey, on peut ensuite rejoindre les Arcs sans passer par le Vanoise Express, le téléphérique qui enjambe la vallée depuis 2003.
Une douzaine d’entrées possibles
Laurent Trésallet, moniteur à l’ESF de Peisey-Vallandry (et également accompagnateur en montagne durant l’été), qui emmène souvent des skieurs sur cet itinéraire, nous fait les présentations sur les différentes entrées dans ce large cirque surplombé par plusieurs kilomètres de crêtes. D’ouest en est, on distingue le Friolin, les Rodzins, la Petite face, le couloir des Canadiens, le Cairn, la Moyenne face, Valençant, le Grand Nant, le Gros glacier, Ruggéri, le couloir du Pianiste ou encore celui de Pépin.
Autant de couloirs, plus ou moins raides et recommandables, qui multiplient les possibilités en proposant une douzaine de variantes, avec une partie finale commune à tous les itinéraires. Pour ce reportage, c’est dans la « petite face » que nous cabriolerons. « C’est l’itinéraire le plus simple, le plus large et le plus facile d’accès », assure Laurent. Même si, à partir de cet hiver, la télécabine de Bellecôte est remplacée par celle des Glaciers, ce qui nécessite de marcher un petit peu avec les skis sur le dos pour accéder au portillon de départ.
C’est avec une vue magnifique sur l’Aiguille Grive, le mont Pourri ou encore le mont Turia qu’on déclenche nos premiers virages. Si l’immensité blanche peut faire augmenter le niveau de stress, le « pull rouge » de l’ESF nous rassure. « La Petite Face, c’est la pente d’une piste noire, sans rocher. C’est surtout l’impression qui peut faire peur, puisqu’on arrive, quand le télésiège de la Traversée est ouvert, d’un endroit qui n’est pas très raide et qu’on voit ensuite cette face qui fait deux kilomètres de large avec 1 500 mètres de dénivelé à descendre. » Selon lui, pas besoin d’être un expert pour tenter l’aventure, même s’il faut déjà avoir une petite expérience. « Il faut être à l’aise sur une piste noire et avoir déjà fait un peu de hors-piste. Ce n’est pas le premier itinéraire que l’on tente. » Mieux vaut également être en forme, puisque le « run » se fait en une bonne heure et qu’il n’y a pas d’échappatoire possible une fois la partie démarrée.
Un final tout en agilité
En suivant le bassin du Grand plan (même s’il est également possible de passer par le vallon du Nant Fesson) on se laisse couler le long de la pente, profitant de la bonne neige du mois de mars pour splasher en tous sens. Orienté au nord, et donc relativement protégé des rayons du soleil, l’itinéraire est également un must du ski de printemps, puisque la neige s’y attarde longtemps après la fin de l’hiver. « Le côté très agréable c’est de voir toute la face jusqu’en bas. En termes de sécurité c’est bien, puisque ça permet d’enchaîner étant donné qu’il n’y a pas de cassure », se réjouit notre moniteur.
Pour terminer la régalade, il convient d’emprunter le chemin des Chasseurs, qui serpente entre les arbres. Un nom qui rappelle que, tout au long de la descente, on peut avoir la chance de croiser chamois, tétras-lyres, lagopèdes, lièvres, renards et même le gypaète barbu, qui niche non loin de là, près de l’entrée du Parc national de la Vanoise. À observer de loin pour les préserver ! Heureusement, nos cuisses sont encore en bon état, car ce zigzag final demande pas mal d’énergie et d’agilité pour être de sûr de bien respecter les gestes barrières avec les troncs d’arbre.
On termine le tout en skiant sur les restes d’une avalanche tombée au mois de janvier : ludique, mais pas de tout repos. Nous voilà arrivés, avec les jambes quelque peu fatiguées mais de belles images plein la tête.
Comme tout hors-piste, la face Nord est un endroit en constante mutation, un milieu naturel dans lequel on ne s’aventure pas sans de grandes précautions. Ici, les vents venus du sud et de l’ouest déposent des cumuls neigeux parfois impressionnant et les conditions peuvent changer drastiquement d’un jour à l’autre, voire d’une heure à la suivante. Au-delà du classique DVA-pelle-sonde, à toujours bien avoir dans son sac, on ne peut que vous conseiller d’y aller avec un professionnel, qui saura lire le terrain et assurer la sécurité.
Que faire si on est témoin d'une avalanche ?
D’autant que le secteur a déjà prouvé sa dangerosité, notamment lors de l’exceptionnelle avalanche du 25 février 1995. Ce jour-là, l’avalanche a dévalé la pente jusqu’au hameau des Lanches, qu’on observe en contrebas, ensevelissant certains chalets sous près de huit mètres de neige. La puissance de la catastrophe a même déplacé des maisons entières de plusieurs mètres. Fort heureusement, aucune victime n’avait été à déplorer.