Un Oscar pour Anatomie d’une chute : le film a été tourné dans un chalet de Savoie

À l’hiver 2022, le village de Villarembert en Savoie qui, jusque-là, devait sa modeste notoriété à sa station de ski du Corbier, devenait sans le savoir le décor d’un film déjà culte. Retour dans la maison où s’est tramé Anatomie d’une chute.

L’hôtel Overlook dans les montagnes de l’Oregon, théâtre sanglant de Shining , le rivage sicilien du Capo Taormina du Grand Bleu , le hameau de l’Écot à Bonneval où s’ébrouent Belle et Sébastien … Plus que des unités de lieu, certains endroits incarnent un film au point d’en être un personnage principal. On y revient, boire à la source de l’œuvre. C’est bien ce chemin qui nous mène au village mauriennais de Villarembert. Entre février et mars 2022, la réalisatrice Justine Triet a tourné ce qui est devenu la Palme d’or : Anatomie d’une chute.

Un coup de cœur pour ce chalet de 250 m²

Au chalet Fjällstuga, accroché au hameau des Crevasses, on ne vient pas par hasard. Un jour de décembre 2021, on tape à la porte de cette ferme centenaire que, depuis six ans, le couple Lebordais retape. C’est Noël, Yohann, menuisier l’été, est au damage des pistes des Sybelles. Pour Pascaline, c’est le coup de feu à l’école de ski où elle fait la saison. Un spécialiste en quête de décor pour le cinéma a le coup de cœur pour leur chalet de 250 m². Il le lui faut, vite, dans moins de deux mois.

Photo Le DL/Thierry Guillot
Photo Le DL/Thierry Guillot

« Ce n’est pas anodin d’avoir 45 personnes tous les jours chez vous »

« Ils cherchaient une maison partiellement isolée, partiellement en travaux et avec une façade suffisamment haute pour qu’un personnage puisse se tuer en tombant », explique l’hôtesse, d’abord réticente à louer son chez-soi. Elle est décoratrice de goût, soucieuse de savoir dans quel état elle le retrouvera. « Ce n’est pas anodin d’avoir 45 personnes tous les jours chez vous, même s’ils avaient des assurances en béton. » Il faut trouver à reloger la famille et ses locataires durant le tournage, en pleines vacances. L’aventure, « et un peu l’aspect financier », finiront par convaincre le couple.

Pascaline Lebordais. Photo Le DL/Thierry Guillot
Pascaline Lebordais. Photo Le DL/Thierry Guillot

Ça permettra de finir de payer les travaux, et un voyage en Scandinavie. Ils en rêvaient. « Pour nous rassurer, on nous a donné le détail du scénario, les acteurs. » “Les films Pelléas” est une maison sérieuse et la réalisatrice n’a pas la notoriété de Spielberg mais une crédibilité d’auteur. « On a vu son film avec Virginie Efira, Sibyl. Un peu long. Et Petit Paysan qui a valu un César à Swann Arlaud, un des acteurs principaux. »

« Dès les premières images, on est happé par le paysage que l’on voit tous les jours »

En bas, à la mairie, l’édile, Patrice Fontaine, est allé de surprise en surprise, tant sa commune n’avait jamais vu l’ombre d’une caméra. « La première, c’était qu’on vienne tourner un film ici. La seconde, qu’il soit diffusé au cinéma, puis sélectionné à Cannes et enfin qu’il gagne la palme ». Aujourd’hui, l’élu compte bien utiliser ce coup de projecteur pour la promo de sa station du Corbier.

« Dès les premières images, on est happé par le paysage que l’on voit tous les jours. Ça nous a scotchés tout de suite. » La vue sur la vallée, les aiguilles d’Arves et le Charvin. La cour de la mairie servit à la régie et loin du tumulte de la station, quelques kilomètres en amont, et des regards, les 250 Rembertins ont vécu au rythme du tournage.

Photo Le DL/Thierry Guillot
Photo Le DL/Thierry Guillot

Les acteurs étaient logés dans le village, les techniciens en bas à Saint-Jean-de-Maurienne. Là-haut, le chalet était paré d’un échafaudage factice. Anatomie d’une chute est l’histoire de la dégringolade d’un couple qui se brise avec fracas lorsque le mari est retrouvé mort au pied du chalet. L’a-t-elle poussé ? S’est-il suicidé ? Ce chalet qu’il retape pour en faire une maison d’hôtes, et pour isoler son épouse, jaloux de son succès d’écrivain, est devenu leur prison.

Dix personnes travailleront pendant trois semaines à plein temps pour transformer la bâtisse. Le mobilier est conçu dans l’atelier de menuiserie du directeur de l’école de ski français de La Toussuire. « Dans la partie en travaux, ils ont fait de fausses chambres avec des feuilles de placo. Et dans la pièce à vivre, ils ont recouvert le sol d’un lino bordeaux, pas vraiment notre style, mais ça a protégé notre parquet ».

Photo Le DL/Thierry Guillot
Photo Le DL/Thierry Guillot

À vrai dire le chalet lumineux et fleuri que l’on voit au sortir de l’été ne ressemble guère à ce qu’il fut durant ces mois d’hiver. Des traces du tournage, ne subsiste que l’appentis qui joue un rôle clé dans le dénouement. Il sert d’abris aux brebis des Lebordais. Quant aux fenêtres, là-haut dans les combles, d’où le mari chute, elles ont été rebouchées.

« Je voulais une lumière froide, crue, des extérieurs puissants qui contrastent avec les intérieurs »

À nos confères de France 3, la réalisatrice dira pourquoi elle est venue jusqu’ici : « Je voulais une lumière froide, crue, des extérieurs puissants qui contrastent avec les intérieurs. Et les courbes de la montagne en fond, où on n’arrête pas de monter et descendre pour essayer de comprendre cette chute. »

Le spectateur n’en voit que le cadavre, gisant dans son sang qui macule la neige de la cour. « Fausse neige », révèle Francine Lebordais. Même à 1 400 m d’altitude, cet hiver ne fut pas des plus humides. La production a fait venir une machine à projeter de la ouate de papier. Et la mairie, de la neige par camion. « À l’écran, l’illusion est parfaite. » Les villageois sont fiers du destin du film, qui apporte un peu de lumière à leur versant.

Photo Le DL/Thierry Guillot
Photo Le DL/Thierry Guillot

Le succès d’estime se double d’une réussite commerciale (déjà 600 000 entrées). Le discours polémique de la réalisatrice lors de la cérémonie, critiquant une présumée atteinte à l’exception culturelle française, a renforcé son écho.

Un buzz diversement apprécié. Mais ici le tapis blanc lui sera toujours déroulé. Quant au chalet, les Lebordais ne craignent pas les badauds. « Avant, déjà, des promeneurs s’arrêtaient pour le photographier ». Avec ou sans palme, le Fjällstuga, a un cachet de star. Version art et essai plus que tape-à-l’œil hollywoodien. Décidément, la Maurienne, déjà « primée » au César, pour La Nuit du 12 , s’impose comme une terre de cinéma.

Article issu du Dauphiné Libéré

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