Ce que la montagne doit à ses parcs nationaux

Sur l’échelle de la protection, où se situent les parcs nationaux ?

« Ils relèvent d’une protection forte, au sens du ministère de l’Environnement. En catégorie II sur l’échelle de l’Union internationale pour la conservation de la Nature, qui va de I à VI. Juste en dessous des réserves intégrales, où l’homme est interdit, d’ailleurs situées dans des cœurs de parcs. À la différence d’un parc naturel régional, sans moyen réglementaire pour contraindre les usages, ils ont une police de l’environnement. Ces parcs sont nés avec la loi de 1960 dans l’esprit gaulliste, dirigiste, centralisateur. »

Ils ont été diversement accueillis localement…

« À l’époque les communes sont consultées, mais mêmes opposées elles sont intégrées. Dans le Mercantour sur 28, seules 4 étaient pour. Le ministère crée le parc en août 1979, espérant moins de remous. Dans les Pyrénées en 1967, le contexte est difficile. Pour les Cévennes, ce fut conflictuel avec la chasse (autorisée). En Vanoise, le premier, en 1963, trois communes étaient contre, une pour et les autres réservées. D’emblée le Parc sera sur la défensive face au déploiement des domaines skiables. La situation se crispe avec l’affaire de 1970 (Val Thorens, projet d’aménagement du glacier de Chavière). Pompidou tranche pour la protection. Et il y eut des tensions dans les Écrins, en Valgaudemar et Valbonnais, avec les agriculteurs. »

Lionel Laslaz maître de conférences en géographie et aménagement à l’Université Savoie Mont-Blanc coauteur de l’Atlas des espaces protégés   Photo Le DL /Antoine CHANDELLIER.
Lionel Laslaz maître de conférences en géographie et aménagement à l’Université Savoie Mont-Blanc coauteur de l’Atlas des espaces protégés Photo Le DL /Antoine CHANDELLIER.

Des élus vont aussi sentir l’intérêt et les soutenir…

« En Vanoise, l’agriculture est à terre, la population au plus bas. Il y a l’idée qu’un label prestigieux va attirer en été. Gilbert André, maire de Bonneval, des parlementaires, Pierre Dumas, Joseph Fontanet jouent un rôle important, comme Paul Dijoud dans les Écrins qui tord le bras aux maires récalcitrants. Ça se passe bien à Port Cros, une île avec une donation de terrains. Le sujet de la propriété privée est fondamental pour comprendre les blocages. »

Le maintien de paysage sous forte pression touristique

Ces blocages viennent d’un sentiment de dépossession ?

« Dans l’inconscient, il y a la remise en cause d’usages, agriculture, chasse, cueillette, une restriction de liberté. Autre sentiment dans les discours contestataires : l’ingérence de la capitale et l’éloignement par rapport aux réalités du terrain. Enfin il y a la propriété à laquelle on touche. La rénovation de chalets d’alpages est contrainte. Le propriétaire ne peut modifier l’aspect des bâtiments. »

Pourquoi la France a attendu les années 60 ?

« Ici la protection relève des politiques d’aménagement. Elle s’inscrit dans une logique d’équilibre, en parallèle du lancement de l’équipement de la montagne. Ce n’est pas un hasard si le massif au cœur du Plan neige a accueilli le premier parc. La version officielle dit que l’on a protégé la Vanoise parce qu’il n’y avait plus de bouquetins. Or le motif était d’ordre géopolitique avec les stations. »

Exaltation d’une nature préservée.   Photo Le DL /Antoine CHANDELLIER
Exaltation d’une nature préservée. Photo Le DL /Antoine CHANDELLIER
La réserve intégrale du Lauvitel, dans les Écrins.  Photo Le DL/A. Chandellier
La réserve intégrale du Lauvitel, dans les Écrins. Photo Le DL/A. Chandellier

À quoi ressembleraient ces territoires sans les parcs ?

« Pour les Écrins, il y aurait peu de changement. Le parc a été créé en 1973, en queue de comète du mouvement d’équipement. En Vanoise, il y aurait eu des extensions de stations. À Pralognan, le maire de l’époque entendait équiper les dômes de la Vanoise, pour du ski d’été. »

Qu’ont-ils apporté ?

« Dans les Écrins, de la notoriété. Pour la Vanoise, celle des communes-stations reste plus forte. L’apport réside dans la biodiversité et le maintien de paysage sous forte pression touristique. Enfin, ça fait venir du monde en été et fait vivre socio-professionnels et agriculteurs avec une forme d’équilibre sur deux saisons. »

Tourisme et transition

À sa création en 1963, l’objectif du parc de la Vanoise (premier en France) est de protéger la nature mais aussi de mieux accueillir le visiteur. En 60 ans, le massif a doublé un réseau de sentiers qui atteint 600 km. Et l’essor de la randonnée a stimulé un mode d’équipement doux.

Pour gérer l’affluence, le bivouac a été proscrit, avant d’être permis (sur réservation) autour des refuges depuis 2018. L’offre dans le massif est passée de six refuges à une quarantaine aujourd’hui, pensés selon une stratégie à la fois touristique et environnementale. 16 sont gérés par l’établissement public du parc. Le chalet Chaloin, avec son toit qui fait office de murs, en est l’emblème. Depuis la loi de 2006, les parcs accompagnent les communes dans leur stratégie de transition en zones périphériques ou zones d’adhésion (où les activités humaines ne sont pas réglementées). Si la Vanoise est le seul territoire où elles ont refusé la charte proposée, désormais, parc et collectivités s’engagent dans une dynamique de coconstruction, selon le directeur Xavier Eudes.

Tignes, Méribel et bientôt Champagny ont signé une convention d’action partenariale. Avec les domaines skiables, le parc définit des zones de tranquillité pour la faune. Dans les 3 Vallées, communes et exploitants financent une convention avifaune, protégeant tétras et gypaètes et l’objectif est de planter 120 000 arbres d’ici 2024.

Article issu du Dauphiné Libéré

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