Cette nouvelle voie d’alpinisme aux allures de tourisme de la dernière chance

Il est deux sujets majeurs qui obsèdent Yann Borgnet, professeur à l’École nationale de ski et d’alpinisme : dégoter les derniers interstices vierges d’un espace de pratique qui se réduit et prendre la mesure de l’impact climatique sur nos sociétés de montagne. L’auteur d’une thèse sur la transition du Queyras était à l’affût, en ce cœur d’hiver printanier, des conditions anormalement propices au ski de pente raide et aux ascensions glaciaires en altitude. « Plutôt que de m’entasser dans des goulottes surfréquentées, je cherchais un autre terrain d’aventure ». En ce secteur situé sur les contreforts de la dent du Géant (4 013 m), à la vue d’une photo glissée sur les réseaux sociaux, le guide d’Annecy a flashé sur une ligne de glace qui venait se perdre sous la pointe de la Noire. Dans ce secteur des Périades, de l’aiguille du Tacul et de la brèche Puiseux, aucun topo ne la mentionnait. Il y avait bien à côté, cette goulotte ouverte en 1993, par deux experts Patrick Gabarrou et François Damilano.

Grégoire Laverty, compagnon de cordée de Yann Borgnet, dans cette nouvelle ligne de 450 m.   Photo Le DL /Yann Borgnet
Grégoire Laverty, compagnon de cordée de Yann Borgnet, dans cette nouvelle ligne de 450 m. Photo Le DL /Yann Borgnet

Une des rares voies encore à ouvrir

Bien décidé à cueillir l’une des dernières pépites épargnée par l’âge d’or de l’exploration glaciaire des années 70-90, Borgnet réussit à motiver son copain Grégoire Laverty, développeur de chaussure pour North Face pour suivre « ses mauvaises aventures » en prenant un congé sans solde. Un lourd parfum d’incertitude régnait sur l’entreprise, a priori engagée et sans garantie que la fine couche glace adhère bien au granit. « J’étais persuadé de prendre un but ». Bref, subir un échec dans le jargon. Partie à la deuxième benne matinale de l’aiguille du Midi, ce 6 février, la cordée parviendra à boucler à la journée, cette ascension inédite de 450 m jusque sous l’antécime la Noire, culminant à 3 386 m. La ligne se termine par une escalade rocheuse et s’est avérée esthétique, évidente, mais exigeante, notamment une longueur clé compliquée, en glace raide, surmontée d’un surplomb rocheux, les obligeant à planter des pitons, selon la méthode des anciens.

Le 6 février Yann Borgnet et Grégoire Laverty ouvrent cette ligne glaciaire dans les contreforts de la dent du Géant, une des dernières en conditions et aussi accessible, avec l’évolution climatique.   Photo Le DL /Grégoire Laverty
Le 6 février Yann Borgnet et Grégoire Laverty ouvrent cette ligne glaciaire dans les contreforts de la dent du Géant, une des dernières en conditions et aussi accessible, avec l’évolution climatique. Photo Le DL /Grégoire Laverty

« Passé le Montenvers, c’est l’enfer »

Et ce n’est qu’à 23h30 qu’ils regagneront Chamonix, via une descente vespérale de la vallée Blanche édifiante, déchaussant sans cesse, puis les skis sur le sac depuis le bas de la mer de Glace empierré. « Passé le Montenvers, c’est l’enfer, il en est quasiment fini de l’époque où l’on peut redescendre à ski », évoque Borgnet, insistant sur le caractère chaotique de la sortie du glacier, révélatrice de la remontée de la limite « pluie neige ». Cette expérience, ajoutée à l’inauguration de la nouvelle télécabine d’accès à la mer de Glace en lien avec le train à crémaillère, « qui rend disponible la glace et donne la possibilité à tout le monde de venir la toucher » a incité l’alpiniste à faire le parallèle avec sa première, « une des dernières aussi accessibles et en condition dans le Mont-Blanc » dans un secteur à l’abri du soleil.

Accès à skis à ce secteur sur les hauts de la vallée Blanche. Grégoire Laverty, compagnon de cordée de Yann Borgnet, dans cette nouvelle ligne de 450 m.   Photo Le DL /Yann Borgnet
Accès à skis à ce secteur sur les hauts de la vallée Blanche. Grégoire Laverty, compagnon de cordée de Yann Borgnet, dans cette nouvelle ligne de 450 m. Photo Le DL /Yann Borgnet

Les touristes de la dernière chance

À l’instar de ces adeptes des croisières arctiques qui vont voir les derniers ours polaires, la fréquentation du belvédère du Montenvers attire de plus en plus de « touristes de la dernière chance » qui montent voir la mer de Glace avant qu’elle ne disparaisse. « Nous autres, alpinistes,sommes aussi des touristes de la montagne ». Cette réflexion a naturellement inspiré à Yann le nom de baptême de la voie, ouverte ce jour-là, avec Grégoire : « Last chance tourism ».

Accès à skis à ce secteur sur les hauts de la vallée Blanche.   Photo Le DL /Yann Borgnet
Accès à skis à ce secteur sur les hauts de la vallée Blanche. Photo Le DL /Yann Borgnet

Article issu du Dauphiné Libéré

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