Trois villes, trois Jeux olympiques. Chamonix (1924), Grenoble (1968), Albertville (1992). « Trois éditions qui ont laissé une trace indélébile dans la saga olympique et dans l’histoire du sport français », explique Olivier Cogne. Le directeur du Musée dauphinois à Grenoble est l’auteur du livre Les Jeux olympiques dans les Alpes françaises dans la collection Les patrimoines éditée par Le Dauphiné libéré.
Certes les JO sont organisés dans le monde entier depuis 1896 pour les Jeux d’été et 1924 pour les Jeux d’hiver et nombre de villes ont donc accueilli les compétitions, mais ces trois-là sont à part dans l’histoire de l’olympisme. « Ces manifestations témoignent d’un changement d’échelle au regard du nombre de sportifs en compétition, des disciplines au programme et des moyens mis en œuvre », estime Olivier Cogne.
Les « Géolympiques »
Avec pour chacune des trois villes, une véritable spécificité. Chamonix, première ville organisatrice des JO d’hiver, il y a bientôt 100 ans. « Il a fallu du temps et la ténacité de Coubertin pour qu’ils aient lieu car à l’époque les pays scandinaves avaient déjà leurs jeux », raconte Olivier Cogne.
Avec déjà la politique qui se mêle au sport. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, l’Allemagne n’est ainsi pas invitée à Chamonix. Plus tard, en 1968, les Jeux de Grenoble se tiennent en pleine guerre froide. « La rencontre de hockey entre l’URSS et la Tchécoslovaquie se joue sous haute tension, rappelle Olivier Cogne. Quelques mois après les JO aura lieu l’invasion soviétique en Tchécoslovaquie. » Des jeux ainsi « géolympiques » comme le décrit bien le directeur du Musée dauphinois.
Grenoble justement, c’est l’ère des jeux modernes, des épreuves retransmises à la télé, de la première mascotte, des produits dérivés à foison. « Il y a également un véritable basculement du sport amateur au sport professionnel, de haut niveau », constate Olivier Cogne.
Grenoble métamorphosée
Et sans doute plus qu’ailleurs, les Jeux de 68 ont totalement transformé non seulement Grenoble mais aussi l’Isère. « Le Général de Gaulle, alors président de la République, est particulièrement attentif à la préparation de cet événement qui doit faire rayonner la France. Les trois quarts du 1,1 milliard de francs du coût des Jeux sont financés par l’État », explique Olivier Cogne.
Peu de Grenoblois sont aujourd’hui conscients du nombre de bâtiments qui ont été construits à l’époque d’une ville en plein boom démographique : l’Hôtel de ville, la gare, le Palais des sports, l’aéroport de Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs… « Seulement 10 % du budget global est allé au sport », s’amuse Olivier Cogne. Avec une grande part dédiée à la culture. Et c’est sans doute unique dans l’histoire des Jeux olympiques. Avec un homme, Bernard Gilman, adjoint d’Hubert Dubedout. « Il va contribuer à donner une image avant-gardiste à la ville en intégrant les artistes aux JO », précise Olivier Cogne. Ainsi, le premier symposium international de sculptures va permettre d’avoir des œuvres dans toute la ville. Avec de sacrés noms : Calder et Vasarely, notamment. Mais c’est aussi à cette époque qu’est construite la Maison de la culture (aujourd’hui MC2) et qu’ont lieu le déménagement et l’agrandissement du Musée dauphinois. Des bibliothèques de quartier et le Conservatoire complètent la liste. Bernard Gilman deviendra par la suite un des conseillers de Jack Lang au ministère de la Culture.
Albertville, les Jeux basculent dans une autre dimension
Résumer les Jeux olympiques au sport serait donc très réducteur. Même si ce sont aussi les exploits des athlètes que l’on retient. Et Albertville en 1992 en est un bon exemple car de 300 sportifs en 1924 à Chamonix, on est passé à 1900 pour les jeux en Savoie. « On change totalement d’échelle car d’une ville on passe à tout un territoire organisateur, le département », précise Olivier Cogne. Un projet porté par le jeune conseiller général d’alors, Michel Barnier, et le champion Jean-Claude Killy. « Comme à Grenoble, c’est tout un territoire qui se modernise entre les gares et les autoroutes », précise Olivier Cogne. Sans oublier les installations sportives. Ce sont d’ailleurs elles qui ont le mieux résisté au temps parmi les trois jeux olympiques. « Plusieurs de ces équipements sont encore en activité », constate Olivier Cogne, citant, la piste de bobsleigh de La Plagne, la patinoire pour le hockey de Méribel ou encore les tremplins de saut à ski à Courchevel. À Grenoble, si le Coljog (Conservatoire observatoire et laboratoire des Jeux olympiques de Grenoble) et le Musée dauphinois se battent pour entretenir la flamme, elle tend malheureusement à s’éteindre. Survivent heureusement les emblématiques réalisations comme le Palais des sports devenu une salle de spectacles.
Trois histoires différentes donc mais qui ont toutes fait rayonner les Alpes au niveau mondial ; l’arc alpin (pas seulement français) ayant accueilli près de la moitié des jeux olympiques depuis 1924. Et ce n’est pas fini !
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Article issu du Dauphiné Libéré