Comment les refuges des Alpes s’adaptent pour limiter leur impact environnemental

Il fut un temps où, en haute montagne, selon les confessions d’un vieux gardien contrit, certains évacuaient les poubelles dans les crevasses. Les glaciers ne subissaient pas encore les affres du climat. Aujourd’hui les refuges déploient des trésors d’inventivité pour limiter les emballages et leurs clients pour ne laisser que la trace de leurs pas. Les déchets, triés, recyclés (un refuge moyen en génère 1 tonne par saison) se descendent à dos d’homme ou par hélicoptère. Mais outre le coût de cette option (100 € la minute), son impact environnemental rebute.

À Gramusset, au Grand Bornand, à 2164 m d’altitude, sous la Pointe Percée, Robin Maris, le gardien du nouveau refuge du Club alpin Français (FFCAM), avec sa compagne Pauline Muller, limite l’usage de la machine volante. Ici pas de ligne électrique ni de raccordement à l’eau courante ou aux égouts. L’énergie il faut la produire et la gérer sur place. Avec ses 49 places, le nouveau bâtiment, au toit recouvert de panneaux solaires, photovoltaïques pour l’électricité, thermiques pour l’eau chaude, n’a rien à voir avec l’ancien. Il incarne la nouvelle génération de refuges d’avant-garde, dans l’air du temps. 

Mais si Gramusset, avec sa chaudière à granulés et son poêle à bois, est emblématique, c’est par son fonctionnement autonome. Comme tous les nouveaux refuges, son groupe électrogène (au gaz) n’est là qu’en dépannage, seule source d’énergie fossile d’appoint. « Au-delà de trois jours de mauvais temps, quand les batteries sont à plat », selon le gardien.

Ce point faible du stockage de l’énergie solaire, le Parc de la Vanoise, tente de le surmonter depuis 2016 en diversifiant le « mix ». Le col du Palet expérimente une pile à hydrogène et 5 refuges de son périmètre, près de torrents, sont alimentés par des pico-centrales hydroélectriques.

Infographie Le DL
Infographie Le DL

Dans les Alpes, les grands travaux

À deux vallées de Gramusset, aux confins du Mont-Blanc et du Beaufortain, on retrouve la même ambiance entre cuisine vegan, dortoirs douillets et cloisonnés, autonomie énergétique ou toilettes sèches. Mais sur les hauteurs des Contamines, le refuge des Prés, 30 couchages, avec sa toiture de 38 m linéaire équipée de panneaux, est une nouvelle adresse. Un autre spot de ski de randonnée. Ouvert depuis juillet 2021, son activité se répartit équitablement entre été et hiver selon Adeline Métral, l’une des deux gardiennes. Ici les gens passent deux nuits en moyenne. « C’est un camp de base ». Point de départ vers une dizaine d’itinéraires ou étape sur des parcours itinérants : l’hiver la traversée du Beaufortain, jusqu’à Presset ; l’été le tour du Val Monjoie.

Ce nouveau visage inspire le géographe Philippe Bourdeau. Ce spécialiste de la transition et de ces sentinelles du climat l’assure : « Les refuges sont des figures classiques du tourisme de montagne longtemps considérés comme de simples lieux de passage, en train de devenir des entités touristiques structurantes portées par une convergence croissante des pratiques mi-spontanées, mi-organisées. »

C’est un vaste plan de remise à niveau à 50 M€ concernant un quart de ses refuges gardés que la Fédération française des clubs alpins et de montagne (FFCAM), a lancé en 2017. Soit 26 bâtiments d’altitude à rénover ou reconstruire d’ici 2026. À ce jour une dizaine ont déjà fait leur mue, comme Temple-Écrins (Isère), la Dent Parrachée (Haute-Maurienne) ou trois refuges pyrénéens. Le célèbre Couvercle, dominant la mer de Glace, a vu sa capacité réduite de moitié, en lien avec la baisse de fréquentation dans ce bassin où les itinéraires souffrent du climat. Le Covid a un brin ralenti le tableau de marche et l’indice des prix à la construction, lié à l’inflation a fait grimper la note. Qu’importe la FFCAM tient ses engagements. Les refuges représentent la moitié de son chiffre d’affaires annuel (12 M€), que la fédération réinvestit dans ce patrimoine. Chaque projet bénéficie de 50 à 60 % de subventions.

Le refuge de plan du lac, en Vanoise, a été rénové récemment pour gagner en autonomie énergétique. Photo H.R.
Le refuge de plan du lac, en Vanoise, a été rénové récemment pour gagner en autonomie énergétique. Photo H.R.

118 ans après

L’an prochain, le nouveau Pavé (Écrins) devrait être achevé. Les rénovations du Chatelleret et la Lavey (Vénéon, Isère) sont à l’étude. Comme celle des Evettes, à Bonneval sur Arc, où des fans de l’architecture modulaire des années 70 aimeraient faire classer ce modèle particulier aux airs de préfabriqués. Et la concertation est lancée pour le nouveau visage des Merveilles (Mercantour), de la Croix du Bonhomme (Beaufortain) ou du Parmelan, au-dessus d’Annecy. Idem pour les deux phares haut-alpins, le glacier Blanc et les Écrins où les scientifiques apporteront leur éclairage afin d’adapter ces deux étapes, tributaires de la fonte glaciaire, pour un avenir complémentaire.

Autre acteur des refuges, le Parc National de la Vanoise a consacré 10 M€ en 10 ans à ses 16 hébergements. Son navire amiral, l’Arpont, (92 places) a été rénové pour 3 M€ en 2014 montrant la voie de l’autonomie énergétique. Durant le Covid, Prariond (Val d’Isère) a suivi. Cet été, c’est Plaisance à Champagny qui s’agrandit. « Le chantier a bénéficié du plan France Relance qui a permis de réaliser des travaux d’amélioration pour l’eau potable et l’assainissement d’autres bâtiments ou renforcer leur autonomie énergétique » indique Samuel Cado, directeur adjoint du parc. En 2024, Turia, à Villaroger sera agrandi et des études seront lancées pour rénover l’Orgère, sur les hauts de Modane et la Leisse, sous la Grande Casse, à Termignon.

À Chamonix, la Charpoua entame un nouveau chapitre après 118 ans d’histoire. Le petit refuge niché au pied des Drus, à 2 841 mètres, géré par la compagnie des guides, est en cours de réhabilitation. L’abri historique de planches de mélèze clouées faisait face à l’érosion du rognon qui lui sert de socle.

Troisième acteur clé des refuges alpins : la Société des Touristes Dauphinois. dans l’Oisans En 2017, la STD a procédé à l’extension d’Adèle Planchard, sous la Grande Ruine, désormais doté de toilettes sèches, d’un assainissement moins polluant en rejets et d’un nouveau captage d’eau. Et ce printemps, la Selle, sous le Râteau, fait l’objet d’une mise aux normes.

Le Parc national de la Vanoise gère 16 hébergements en Savoie. Photo H.R.
Le Parc national de la Vanoise gère 16 hébergements en Savoie. Photo H.R.
Quelques chiffres

➤   15 à 20 % le surcoût de construction pour la Fédération française des clubs alpins et de montagne (FFCAM) entraîné par un mode de conception plus écologique.

➤   50 litres d’eaux usées générées par une personne en refuge (WC, cuisine, vaisselle, douche).

➤   20 à 80 litres  : la consommation d’un usager en demi-pension dans un refuge

➤  500 g : le poids de déchets produit chaque jour par un pensionnaire.

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