Comment un pisteur américain voit le ski en France

Un « homme chanceux ». Ou « a lucky man », avec ses mots, qu’il peine parfois encore un peu à trouver en français. Avec un grand sourire aux lèvres, la veille de la fin de la saison, Johnny Verdon (*) montre sa joie d’avoir vécu un premier hiver dans les Alpes. « J’ai vu l’envers du décor, d’autres façons de travailler en faisant le même job », s’enthousiasme celui qui a trouvé en France « comme une grande famille à l’autre bout de la planète qui aime aussi autant la montagne et le ski » que chez lui.

Débarqué des États-Unis, en novembre 2022, le correspondant de 52 ans s’est porté volontaire pour un échange professionnel entre Jackson Hole, une station dans le Wyoming et Les Arcs en Savoie qui dure depuis huit ans. « Je voulais grandir humainement parlant », traduit-il. Son homologue français, Eric Togourd, a enfilé la combinaison des “ski patrolers” américains tandis que lui a rejoint l’équipe des pisteurs tarins. Chacun laisse une place chez lui pour héberger l’autre et les clés de sa voiture pour faciliter son intégration.

« L’investissement personnel reste important », retrace Johnny Verdon qui a entamé les démarches pour son visa un an avant de décoller vers l’inconnu. Avec les quelques mots de français qu’il connaissait à son arrivée, « cela a été très compliqué au début », confie le quinquagénaire. Depuis, il a noirci des carnets de notes de traduction, gardés partout avec lui et a pris des cours deux fois par semaine à Bourg-Saint-Maurice.

« Impressionné » par la vitesse des secours héliportés

« Les phrases clés pour les secours s’apprennent vite », assure Sylvain Chneider, un de ses collègues pisteurs. Comme le vocabulaire pour communiquer au talkie-walkie. « Johnny pour centrale, homme blessé, genoux, ambulance », mime le Wyomingois, marqué par sa première intervention assurée seul après un mois d’acclimatation.

L’autre choc dans ses missions dont il se souviendra : le recours quasi-systématique en France aux hélicoptères pour les blessés graves. « Aux États-Unis, les patrouilleurs évacuent quasiment toutes les victimes en barquette », rappelle Sylvain Chneider qui a vécu l’échange en sens inverse, en partant outre-Atlantique en 2020. « Exceptionnel chez nous, ici, l’hélico est un outil incontournable. Il arrive en une vingtaine de minutes », s’étonne Johnny Verdon, aussi impressionné par la concentration des skieurs dans la station arcadienne.

Capture d'écran Google Map
Capture d'écran Google Map
« Un autre regard pour évoluer en montagne »

Célèbre pour son “Corbet’s couloir”, une descente mythique débutant par un plongeon dans le vide sur une pente à 55 %, la station de Jackson Hole, dans le nord-ouest des États-Unis, attire tous les adeptes de freeride. Mais c’est pour ses « grandes étendues sauvages » que Sylvain Chneider est parti vivre une saison outre-atlantique en 2019-2020 dans le cadre de l’échange avec Les Arcs.

« Le Wyoming ressemble un peu au Canada avec une faune et une flore extrêmement riches, témoigne-t-il. Aux portes du parc de Yellowstone, la station concentre beaucoup d’animaux. » Sa réputation vient des quantités de neige (astronomiques) qui y tombent chaque hiver et de sa qualité. « Il y a eu 15 mètres en cumulé cette année par exemple contre cinq ou six aux Arcs, relève le pisteur. Elle ne se transforme pas, reste sèche et légère puisqu’il fait très froid, jusqu’à -20 ° avec de rares journées de soleil. » Ce qui explique que « le ski de poudreuse représente la vie des Wyomingois, ils adorent ça », a constaté le quadragénaire.

À son arrivée, l’accueil des habitants lui a mis une « grosse claque ». « Ils sont très amicaux, ouverts, amoureux de la montagne avec une attitude très positive ». Loin du cliché des électeurs fermés de Trump en zone rurale. « Jackson est une grande ville et le ski là-bas reste réservé à une élite. » Le forfait coûte 200 dollars la journée (assurance comprise).

Avec les patrouilleurs, Sylvain Chneider a appris « d’autres méthodes pour évoluer en montagne, sur la façon d’analyser le manteau neigeux, par exemple en sondant beaucoup plus avec son bâton ». Il a aussi découvert « un autre regard » pour appréhender les risques avalancheux. De cet échange « humain et amical », il retiendra surtout « les copains et la poudreuse ».

Une densité de skieurs quatre fois plus élevée aux Arcs

« Je ne comprends pas que certains préfèrent ne pas venir en février à cause de l’affluence », témoigne-t-il. De taille comparable, la station de Jackson Hole accueille quatre fois moins de clients par rapport aux Arcs (jusqu’à 10 000 par jour contre 40 000). Proportionnellement, les secours sont aussi multipliés par quatre (500 par saison en moyenne contre 2 000). Pourtant, les pisteurs sont aussi nombreux d’un continent à l’autre. « Les chutes de neige nous imposent aussi beaucoup de travail de manutention et de balisage même en hors-piste puisque, pour des questions de responsabilité juridique, nous signalons les dangers sur tout le domaine », compare le patrouilleur.

Après avoir skié un maximum jusqu’au bout de la saison, Johnny Verdon est parti en camping-car pour un tour de France : profiter du savoir-vivre autour de la table, du « café-terrasse » de la gastronomie, mais aussi de cette ambiance de village qu’il a découverte les samedis matin à Bourg-Saint-Maurice. « Toute cette communauté, voisins, familles, amis, se rassemble entre générations au marché. » Une culture du vieux continent qui émeut le Wyomingois, ne connaissant que les grandes surfaces, au point d’en avoir (presque) les larmes aux yeux.

(*) Originaire du Verdon, sa famille qui faisait partie des huguenots persécutés sous Louis XV a quitté la France il y a 250 ans.

Aux États-Unis, la sanction du retrait de forfait

Déjà tranchée aux États-Unis (comme en Suisse), la question fait encore débat en France à chaque collision qui met en cause le manque de maîtrise des skieurs sur les pistes. Les patrouilleurs (ou pisteurs en France) ont la possibilité de retirer leur forfait aux clients dont le comportement est jugé à risques.

« Avant d’en arriver à cette sanction, ce qui reste rare, il faut déjà avoir reçu deux avertissements. Nous faisons aussi beaucoup de prévention », précise Johnny Verdon, “ski patroler” à Jackson Hole. Par ailleurs, d’autres employés de la station postés sur les pistes, les “speed wranglers”, ont pour mission de prévenir les skieurs aux abords des zones dangereuses en leur demandant de ralentir, à coups de sifflet si besoin.

Un dispositif que l’Américain ne recommande pas forcément à l’Hexagone. « Aux États-Unis, lorsque les skieurs veulent aller vite, ils savent sortir des pistes, contrairement à la France, où c’est la forte concentration de clients au même endroit qui crée la dangerosité. Le retrait de forfait ne changerait pas forcément l’accidentologie, la mentalité française n’aime pas les règles. »

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