Après avoir enlevé ses chaussures (une tradition savoyarde), à l’entrée d’un trois-pièces tignard, il inspecte chaque détail. Le linge mal plié, une capsule de café manquante, un ruban décoratif pour les toilettes, rien ne lui échappe. « On est claqués en fin de journée et on passe à côté de petits rien », atteste le Lyonnais, passé par les ménages à ses débuts.
« On leur conseille d’offrir une bouteille de génépi ou des chocolats en cadeaux de bienvenue »
Les premières secondes sont déterminantes pour satisfaire les locataires qui ont réservé à la semaine, souvent via Airbnb. « Notre mission première est d’accompagner le propriétaire, souvent à distance, pour mettre en valeur son bien. » Les convaincre de retirer la tête de taureau chassé par le grand-père, les draps à fleurs, et même raisonner ceux qui ont décoré façon bord de mer leur logement à la montagne… « On leur conseille d’offrir une bouteille de génépi ou des chocolats en cadeaux de bienvenue. » Victime de son professionnalisme, la conciergerie créée en 2017, est parfois confondue avec un hôtel.
Faire le lit le matin, changer le linge, assurer la livraison de repas à domicile, tous ces services sont proposés par la conciergerie Yes. Son credo : répondre à chaque demande par l’affirmative, à quelques exceptions près, notamment la drogue et le sexe. « Le grand classique est de vouloir s’installer bien avant l’heure convenue. C’est comme si on avançait la projection d’un film au cinéma. »
« Réveillé à 6 heures du matin par un client qui me demandait du papier toilette »
Ce samedi est la preuve que le programme du jour est imprévisible. Johan apprend que la fabrication d’un double de clé spéciale n’est possible qu’à Paris et sous trois semaines. Une famille qui devait se signaler lorsqu’elle avait fini de skier, lui annonce, qu’elle se trouve devant la porte de l’appartement. « Un jour, j’ai été réveillé à 6 heures du matin par un client qui me demandait du papier toilette », raconte-t-il.
Johan doit composer avec le stress des vacanciers, accru par les bouchons sur la route. « Nous les mettons en contact avec des transporteurs car ils n’ont pas l’habitude de conduire en montagne et encore moins de chaîner. » Le sourire des touristes à la fin du séjour est la récompense pour la dizaine de personnes qui œuvrent pour la conciergerie. La clientèle peut être aussi bien un jeune couple au budget limité, que d’une famille fortunée.
« À Val d’Isère, on a une clientèle de luxe »
« À Val d’Isère, on a une clientèle de luxe. » Jack Dorsey, le fondateur de Twitter, le footballeur Kylian Mbappé ou encore le chanteur David Halliday ont fait appel au service du quinquagénaire. « Ce sont des gens très simples, qui ont l’habitude d’avoir des employés à leurs services », confie le Tignard d’adoption.
Les tendances de la jet-set de Saint-Tropez s’exportent jusque dans les stations. Les soirées blanches en sont l’exemple typique. Un chalet est recouvert de tissu blanc, et décoré avec des lumières violettes pour que les invités vêtus de blanc, rayonnent durant la fête. Le lendemain, tout doit être remballé pour remettre l’appartement comme à l’origine. « Un client nous a commandé du vin Pétrus pour 10 000 euros. On est allés le commander dans un palace cinq étoiles à Genève puis transféré en hélicoptère, le soir même. » Même s’il côtoie le luxe, les charges et les salaires le font revenir à la réalité. À l’heure où la clientèle ne se cantonne plus qu’au ski, la demande de loisirs explose.
« Je fais appel à des acteurs locaux pour faire découvrir la montagne »
« Juste récurer les toilettes et laver le linge, ne suffit plus. Beaucoup se sont lancés mais ont dû fermer quelques jours avant Noël. » L’ancien directeur commercial de Tignes a l’avantage de s’être constitué un réseau solide. « Je fais appel à des acteurs locaux pour faire découvrir la montagne, sous tous ses aspects. » La motoneige, les chiens de traîneau et le quad font fureur. Johan a même investi un lieu où igloo, lancer de haches, et repas autour du feu cohabitent. La plongée dans l’univers de la montagne en charme plus d’un.
La conciergerie organise des visites d’une ferme à Val d’Isère, des dégustations de raclette à base de tomme, et la livraison du lait tiède, trait le matin. Une entreprise fructueuse mais pour combien de temps ? « Avec le dérèglement climatique, de plus en plus de stations disparaissent. On ne sait pas si le ski restera attractif dans 10 ans », affirme avec pragmatisme le chef d’entreprise, qui compte créer des franchises de sa marque à l’étranger.
Article issu du Dauphiné Libéré
