Dans la trace des Bronzés : à Val d’Isère, retour sur les lieux de tournage

Pour une fois, la chic Megève, prisée de Vadim et Cocteau, était snobée par des artistes. Car c’est dans la station des Rothschild, où la famille a ses habitudes, que le producteur Rousset-Rouard, oncle des frères Clavier, entendait tourner Les Bronzés font du ski. « Notre mère habite toujours à Megève », précise Stéphane Clavier, frangin de Christian, devenu l’acteur le plus “bankable” du cinéma français. À l’époque, le cadet avait monté l’école Topski, dans la station savoyarde. Chez les Clavier on a toujours aimé la glisse, à commencer par le père, chirurgien, qui fut en poste à Grenoble.

Et Stéphane a même fait de la compétition, passé par le ski-études du lycée climatique de Villard-de-Lans. « Je courrais pour le Racing au comité de Paris. On n’était pas très bons mais on faisait les championnats de France », explique celui qui vit désormais à l’année à Sainte-Foy en Tarentaise, au hameau du Miroir. Stagiaire sur les premiers Bronzés, quand Yves Rousset-Rouard lui parle de la suite, le mono, viré du lycée Pasteur de Neuilly, détourne le tonton vers Val d’Isère. « J’étais nommé deuxième assistant, à devoir trouver les décors et faire le casting des petits rôles. » Pour un tournage entre mars et mai, Val’ plus haut perchée en altitude offrait un meilleur profil. « J’avais dit à mon oncle de faire gaffe à la neige. Val d’Isère était encore un petit village, avec mes relations c’était facile. »

Fernand Bonnevie superstar

Pas étonnant que la régie s’installe dans le bureau de son école de ski, le magasin où officie Popeye, sa femme et son « cousin », devenu aujourd’hui un restaurant. Quant à la maison de Gigi (Marie-Anne Chazel) et Jérôme, le médecin interprété par son frère, c’est le chalet du Villaret du Nial, près du barrage de Tignes où vivait Stéphane. « C’est à partir de ce film que j’ai bifurqué vers le cinéma ». L’autre Clavier deviendra réalisateur, pour le cinéma, la télé, la pub. Et retrouvera Thierry Lhermitte sur la série Doc Martin ou Les secrets professionnels du docteur Apfelgluck.

Un révélateur pour lui mais aussi pour la station, peu habituée alors au monde du cinéma. « On avait peu de moyens, se souvient Stéphane Clavier. Et ça n’a pas été une partie de plaisir. C’est très compliqué de tourner en montagne ». Il pense à la fameuse sortie en héliski. « La moitié de l’équipe n’avait jamais vu la neige. On s’est retrouvé par jour blanc sous la Grande Sassière. Le matériel est resté bloqué trois jours et le pilote a eu à peine le temps d’évacuer ceux qui étaient à pied. » Et c’est dans le secteur hors-piste du Fornet, en allant vers le col de l’Iseran, que la séquence sera finalement tournée

Serge Bonnevie, fils de Fernand Bonnevie, le moniteur de Jean-Claude Dusse. Photo Le DL /Thierry GUILLOT
Serge Bonnevie, fils de Fernand Bonnevie, le moniteur de Jean-Claude Dusse. Photo Le DL /Thierry GUILLOT

Par son ancrage local, Stéphane Clavier a dégoté les seconds rôles, pur jus. À commencer par Fernand Bonnevie, le moniteur de Michel Blanc, alias Jean-Claude Dusse. Son atout ? Son accent à couper au couteau – «  ce qui ne va pas Monsieur Dusse, c’est le planté de bâton  »- et sa « gueule de Savoyard cassé », dixit son fils Serge qui a rebaptisé le chalet familial “Le planté de bâton”. En dessous, dans son magasin Jean Sport, le portrait du paternel s’affiche façon Hollywood. « Il avait pris ça comme une journée classique avec des clients. » Il en avait eu des célèbres auparavant, Gabin ou la famille Giscard, à qui il racontait l’histoire du pays, la contrebande avec l’Italie ou la construction de la route de l’Iseran. « Jusqu’à sa mort en 2013, à 98 ans, les touristes venaient le voir jusqu’ici pour un autographe. »

La crêperie de Gigi, reprise aux Anglais

Moniteur et guide, Jean Dubois alias Buddy, encadrait la dépose en héliski, où l’équipe a réellement failli se perdre. Sur le front de neige, il nous montre les décors des scènes cultes. Les terrasses où Jugnot fait tomber les skis et échange avec Michel Blanc sur l’art de la drague quand on ne peut pas tout miser sur son physique. La brasserie de la Grande ourse n’a pas changé. Mais l’hôtel le Brussels a été transformé par le producteur Stéphane Courbit en palace, les Airelles. En face, le télésiège pinces fixes Santel où Blanc resta coincé, a été remplacé par le rutilant débrayable le Bellevarde express. Et le téléski où Balasko déchirait sa combinaison a été démonté.

Et si on allait manger une crêpe au sucre ? Pendant 20 ans, le restaurant la Charpenterie était occupé par un tour-opérateur britannique. Mais l’an dernier, Félix Ramade a rouvert l’adresse, propriété de la famille Taillefer et sa grand-mère Marie-Paule. Avec sa porte saloon à battants, elle n’a pas changé, la crêperie un peu snob de Gigi, où le client Gilbert Selzman était éconduit pour avoir commis la faute de goût de commander un plat trop trivial. Hommage lui est rendu… aux toilettes. C’est là aussi qu’a été tournée la scène de la fondue. « À l’époque, il y a même eu une piste de danse, à côté. Bertignac de Téléphone venait souvent », explique Félix, dont l’établissement n’est pas du genre à proposer une crêpe au sucre. « Sauf pour la Chandeleur et les copains », sourit le patron.

La crêperie du film, également le cadre de la scène de la fondue. Photo Le DL/Thierry GUILLOT
La crêperie du film, également le cadre de la scène de la fondue. Photo Le DL/Thierry GUILLOT

La Gurraz, « studio » tarin

Si les scènes hors-pistes ont été tournées au Fornet, pas étonnant que la production ait choisi le restaurant logé sous la gare du téléphérique comme cantine. La patronne, Juliette Bonnevie -cousine de Fernand- a mis l’équipe sur la piste d’un haut lieu du tournage : le hameau suspendu de la Gurraz, perdu dans la montagne, à Villaroger, sous le dôme glaciaire du mont Pourri, avec ses maisons de pierre dans le pur style tarin. « Ils cherchaient un lieu pour reconstituer l’ambiance d‘un refuge. On leur a proposé la grange à foin que mes parents avaient là-haut », explique Christelle Bonnevie, qui a repris le restaurant de sa mère. « Ils avaient construit un faux mur en polystyrène avec une porte censée donner sur le dortoir mais qui en fait donnait sur nulle part ».

Photo Collection Christophel
Photo Collection Christophel

« Parisiens, têtes de chiens »

Il est un habitant qui s’en souvient. Christian Empereur, employé au déneigement à Val d’Isère, vit toujours à la Gurraz. Il avait onze ans quand, avec les copains du hameau, la production était venue les voir : « On traînait, c’était les vacances. Ils nous ont demandé de crier la phrase typique « Parisiens têtes de chiens, Parigots têtes de veaux ! » Je gueulais le plus fort. En deux prises, c’était plié et ils nous ont donné un paquet de bonbons. » C’est à la Gurraz que l’équipe trouvera le couple Guilain, les agriculteurs avec leur cochon.

À la Gurraz toujours, la maison des paysans savoyards semblant sortir de leur caverne. Le choc culturel. Là où les naufragés sont recueillis après s’être perdus dans la montagne. On leur servira la « fougne », ramassis des fromages de l’année, la gnôle au crapaud et ils croient être tombés chez les « goitreux ». En ce lieu hors du temps, le Splendid a posé son inspiration corrosive. Mais les Savoyards supportent la caricature. D’autant qu’ils apparaissent drôlement fortiches aux chiffres et aux lettres, inventant des mots, comme « Blumaise ». Patrice Leconte en rit encore : « On a visionné plusieurs émissions. Il fallait trouver un nom qui n’existe pas mais paraisse crédible et plus long que celui du candidat. Le jour où il entrera au Larousse, je serais curieux de savoir la définition ». À la Gurraz, on a cherché, en vain, dans le patois local.

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