Hiroshi Tsuda, un skiman japonais à Chamonix depuis 48 ans

Dans ses mains se lit un demi-siècle d’expérience. L’une tient la perceuse, l’autre un gabarit. Avec l’économie de gestes qui caractérise le travailleur manuel habitué à répéter la même tâche, Hiroshi Tsuda perce une paire de skis flambant neuve pour l’équiper des dernières fixations de randonnée. « Le matériel de rando est celui qui a le plus évolué ces dernières années », glisse au passage le skiman, toujours à pied d’œuvre du haut de ses 75 bougies.

Trouvez-moi un employé qui parle anglais, un peu allemand et japonais

Donald Snell

D’un village de pêcheur aux hauteurs chamoniardes

Rien ne prédestinait pourtant ce Japonais ayant grandi dans un village de pêcheur à venir s’installer à Chamonix. Celui qui s’imaginait plutôt faire carrière dans l’enseignement a vu sa vie changer de cap le jour où un élève de son université lui a projeté des films de Gaston Rébuffat. « Je suis tombé amoureux du ciel bleu et du granit du massif du Mont-Blanc », se souvient celui qui se met dans la foulée à l’alpinisme et voyage une première fois jusqu’à Chamonix, en 1972, pour arpenter les cimes.

L’année suivante, Hiroshi revient dans les Alpes pour six mois avec la ferme intention de multiplier les courses estivales et gagner en expérience. « Je n’étais pas un enfant de riche, il me fallait donc travailler », raconte celui qui se dégote un emploi à Stuttgart dans un magasin de ski. « À l’époque, le deutsche mark était la monnaie la plus forte. C’était pour nous le bon plan. » Là, le novice apprend les bases de son futur métier, une profession qui n’avait pas encore de nom. « À l’époque, il y avait cinq à six marques allemandes de ski, aujourd’hui seule Völkl est encore là », note celui, qui, en près de 50 ans de carrière, a vu un grand nombre de fabricants déplacer leurs usines de production vers l’Europe de l’Est ou la Chine.

Hiroshi Tsuda travaille depuis plus de 48 ans au sein du magasin Snell Sports à Chamonix. Il a côtoyé les quatre générations ayant dirigé la boutique.  Photos Le DL /B.S.
Hiroshi Tsuda travaille depuis plus de 48 ans au sein du magasin Snell Sports à Chamonix. Il a côtoyé les quatre générations ayant dirigé la boutique. Photos Le DL /B.S.

Adaptation éclair puis longévité

Très satisfait de son jeune apprenti japonais, son patron allemand cherche à l’embaucher mais rencontre des difficultés administratives. Des compatriotes, déjà installés à Chamonix, lui parlent en même temps du magasin Snell Sports, où une place l’attend en avril 1975. Donald Snell se bat alors pour lui obtenir une carte de séjour. « Trouvez-moi un employé qui parle anglais, un peu allemand et japonais », écrit le chef d’entreprise à la préfecture qui obtient au bout du compte le droit de garder dans ses rangs ce travailleur efficace et dévoué. « La clientèle japonaise était aussi bien plus importante que maintenant. Les grandes expéditions nationales menées par le Japon, comme celle de 1956 au Manaslu ou celle féminine ayant triomphé de l’Everest en 1975 avaient contribué à pousser une partie du pays à s’essayer à l’alpinisme  », se souvient le salarié.

48 ans plus tard, Hiroshi travaille toujours au même endroit, mais c’est désormais la petite fille de Donald qui signe ses contrats avant chaque hiver. Au sous-sol, dans l’atelier, le mur qui surplombe son établi est parsemé de vieilles fixations. Des pièces collectors qui rappellent l’évolution technique dont a été témoin le Japonais devenu Chamoniard. Les larges lattes de freeride coincés dans les étaux n’ont en effet plus grand-chose à voir avec les fins skis aux spatules relevés qui pouvaient être à la mode au début de sa carrière.

« Les skieurs sont parfois plus exigeants qu’avant. Ils tendent surtout à mettre trop vite leur matériel au placard »

« Les matériaux ont bien changé. On est capable de fabriquer des skis bien plus légers mais très robustes. Tous sont plus petits qu’avant et se sont élargis. Mais la grande différence c’est peut-être plutôt dans la diversité des modèles. Il y a maintenant du matériel pour toutes les pratiques et tous les niveaux », observe le travailleur pour qui l’inventivité reste la qualité première d’un bon skiman.

En autant de temps, l’artisan soignant les carres et les semelles a vu la clientèle se renouveler. « Les skieurs sont parfois plus exigeants qu’avant. Ils tendent surtout à mettre trop vite leur matériel au placard », regrette celui qui fut aussi guide de haute montagne. Pourtant, certains continuent à venir de loin pour confier leurs skis à Hiroshi. Précis, patient et fort d’une expérience quasi unique, ce fils de mécanicien aime trouver des solutions quand d’autres abandonnent. Aujourd’hui, des employés plus jeunes que son fils exercent et apprennent à ses côtés. « Les nouveaux me demandent souvent pourquoi je continue à travailler alors que j’ai l’âge de me reposer, mais j’aime mon métier et j’aime être occupé. » Les paroles d’un sage respecté, qui veut attendre encore un peu avant de rendre son tablier.

Article issu du Dauphiné Libéré

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