Il était une fois les sports d’hiver : et le câble mit le ski en piste

L’un était exploitant forestier à Sallanches, l’autre charpentier à Grenoble. Outre un prénom alors à la mode, tous deux partageaient l’intérêt du câble pour descendre le bois des versants et cette même l’idée lumineuse de s’en servir pour hisser cette espèce en voie d’apparition qui s’épuise à remonter la pente à peaux de phoque.

Photo Le DL/Greg Yetchmeniza
Photo Le DL/Greg Yetchmeniza

C’est ainsi que l’entrepreneur Charles Viard inaugurait en décembre 1933 sur les pentes du massif de Rochebrune à Megève, le premier téléphérique à usage hivernal en France. L’hiver d’après, Charles Rossat installait au col de Porte en Chartreuse le premier véritable prototype du téléski à la française. Une révolution pour l’or blanc dont la source frémit en nos massifs. La clientèle d’abord élitiste n’a plus de temps à perdre pour goûter à l’ivresse de la glisse. Et bientôt, les congés payés vont gonfler le bataillon des skieurs à acheminer en haut des pentes.

Les Suisses ont été pionniers du transport d’altitude

Au risque de froisser notre patriotisme, avouons le tout net : les Suisses ont été pionniers du transport d’altitude. Dès 1907 la station de Grindelwald dans l’Oberland accueillait le premier ascenseur à câble quand les flancs du Mont-Blanc s’équipent à peine de ces trains crémaillère touristiques que les Helvètes lançaient au siècle précédent. La machine volante allait inspirer dans les années 20 le premier téléphérique français, les Glaciers, ancêtre de l’aiguille du Midi. Mais aussi ceux d’en face, sur le versant sud de Chamonix, Planpraz aux pylônes de béton cyclopéens, et le Brévent, qui sera pendant 25 ans le plus haut de France avec sa gare à 2525 m. L’œuvre de l’ingénieur Rebuffel qui sévira aussi au Salève, dominant Genève, au Revard, sur les hauteurs du lac du Bourget, à la Bastille à Grenoble. Des appareils desservant des belvédères, pensés pour le touriste estival, contemplatif, et non skieur.

Cabines du premier téléphérique français, créé pour les jeux olympiques de 1924 à Chamonix. D’abord à vocation panoramique, le téléphérique desservira la piste des Glaciers, théâtre du Kandahar dans les années 30 avant d’être remplacé par l’aiguille en 1955. Photo Le DL/Rémi Milleret
Cabines du premier téléphérique français, créé pour les jeux olympiques de 1924 à Chamonix. D’abord à vocation panoramique, le téléphérique desservira la piste des Glaciers, théâtre du Kandahar dans les années 30 avant d’être remplacé par l’aiguille en 1955. Photo Le DL/Rémi Milleret

Celui commandé par Viard, de conception allemande, n’est que le quatrième du genre en France mais il initie une rupture par son usage. Ce téléporté aux cabines de 20 places dessert en à peine dix minutes deux véritables pistes de 650 m de dénivelé dédiées à la descente. L’année d’après, Morzine suit la même pente en équipant le Pleney. « Avec le ski le nombre de téléphériques double en France », note l’auteur et historien du câble Pierre-Louis Roy.

Mais comme l’observe Pierre Montaz, figure des remontées mécaniques françaises, l’engin péchait encore par sa lourdeur, obligeant le skieur à déchausser. Et son coût. Les Suisses, toujours eux, expérimentaient déjà depuis deux décennies un usage ludique du câble au sol. À Davos, dès 1934, le constructeur Constam invente le premier tire-fesses à enrouleur, entraînant le skieur par un archet, qui l’année d’après sera adapté en France, à Megève encore. La station des Rothschild s’affirme comme le berceau du ski, entre l’invention du fuseau et de la théorie de la glisse avec son illustre enfant Émile Allais, numéro 1 de nos moniteurs de ski.

Mais le « monte piste » créé au col de Porte par le père Rossat, bien qu’il s’apparente à du bricolage a le mérite d’être de conception française. Surtout il tend la perche à celui qui va devenir la référence mondiale de l’industrie de la remontée mécanique accélérant les débits. Un certain Jean Pomagalski, immigré polonais dont la famille s’est réfugiée à Fontaine dans la banlieue de Grenoble.

À l’Alpe d’Huez, la fréquentation double grâce au premier « tire-fesses »

L’ingénieur en bâtiment crée le sien sur les pentes de l’Alpe d’Huez, à partir de 1935, avec des poteaux téléphoniques au rebut et des câbles forestiers, animé par un moteur de camion. Le site de l’Éclose devient un laboratoire. Le conseil municipal d’Huez constate impressionné que l’appareil double la fréquentation. Ses mutations progressives vont conduire à la version que l’on connaît aujourd’hui du « tire-fesses », à démarrage progressif (breveté le 6 mars 1936) puis à perches débrayables grâce à une attache qui se désolidarise du câble.

Voilà que le Poma fait florès hors d’Oisans. Installé sur la piste de la Boule de Gomme, il transforme le village des Gets en Haute-Savoie en centre de ski. Le début de la conquête des versants. Aujourd’hui encore, les deux tiers des remontées mécaniques françaises sont des téléskis. À l’époque nul ne songe encore à réguler le robinet à or blanc, qui s’ouvre à peine et voit l’hébergement pousser pour absorber la fréquentation croissante de touristes spatulés. De l’autre côté des Alpes, dès 1934 la famille Agnelli crée une ville des neiges en site vierge pour les salariés de Fiat : Sestrières.

En 1953, inauguration d'un télébenne à Saint-Pierre-de-Chartreuse. Photo Archives Le DL
En 1953, inauguration d'un télébenne à Saint-Pierre-de-Chartreuse. Photo Archives Le DL

Voilà qui préfigure l’après-guerre, la course à l’équipement des versants. Dans les airs, Valloire en Savoie invente le télébenne en 1947. Les nacelles tournent comme dans un manège, il faut les prendre au vol. Les Américains, soucieux du confort des usagers, n’ont pas attendu pour lancer le télésiège à Sun Valley. En France, l’engin sera d’abord monoplace. Aux Houches, il sera même combiné au téléski, les sièges remplaçant les perches en été.

Un premier « œuf » français à Villard-de-Lans en 1951

Idéal quand il fait beau, mais il faut songer à transporter le skieur à l’abri des intempéries et avec davantage de débit. De nouveaux objets volants sillonnent le ciel. Le premier « œuf » français est pondu par la société Mancini en 1951 à la Cote 2000 à Villard-de-Lans (Isère). L’entreprise Sigma se fera une spécialité de ces cabines dont le côté vintage fait désormais un tabac dans les ventes aux enchères.

Aujourd’hui, l’innovation réside dans l’insertion paysagère, la réduction des pylônes. L’exploitation de la remontée mécanique est devenue une filière. Qui s’étonnera qu’en 1938 à l’origine du premier syndicat des téléphériques de France (ancêtre de Domaines skiables de France) un certain Charles Viard ait joué un rôle actif ? Comme un signe, l’hiver prochain, le téléphérique de Rochebrune doit subir une nouvelle mutation rappelant le caractère pionnier du lieu. Avec Poma à la manœuvre.

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