La fondue est-elle savoyarde ou suisse ?

Au moment de se pencher sur l’histoire de la fondue et d’aller se mettre une peignée avec nos amis suisses pour trancher une bonne fois pour toutes qui est à l’origine du plat, la scène des Bronzés nous est revenue. Quand Marius, le copain de Christiane l’esthéticienne, expert en perruques, postiches et toupets, met du fil dentaire dans le fromage, en croyant être drôle. Résultat : le repas est foutu, la soirée aussi et c’est Bernard (Gérard Jugnot) qu’on accuse. « Merci Bernard, c’est une blague de crétin ça. »

Parenthèse refermée, mais qui confirme bien que dans l’imaginaire des Français, la fondue reste avec le scrabble et les pulls moches l’un des basiques de nos vacances aux sports d’hiver. Mais aussi et on va le voir, un possible motif de crise diplomatique avec nos Helvètes de voisins. Car ce trésor national, les Français l’ont peut-être tout simplement emprunté, avant de lui coller le nom de Savoyarde. Ce qui avouez-le, lui donne une tout autre allure.

Surtout ne pas se fâcher avec les Suisses, non, un pays qui a enfanté Roger Federer ne peut pas être fondamentalement mauvais, et puis ça reste une très jolie destination pour les vacances et l’argent liquide (diront certains). L’enjeu est donc d’essayer d’aller chercher au mieux la vérité. Et tout commence (mal) à la page 431 du dictionnaire, le Petit Larousse illustré. “La Fondue est un plat d’origine suisse, composé de lames de gruyère et d’emmental que l’on fait fondre dans un caquelon avec du vin blanc et du kirsch et qui se mange à l’aide de cubes de pain…” Bon…

La fondue pourrait en effet remonter à l’Antiquité

L’histoire pourrait s’arrêter là, mais avec un peu plus de recherches et de mauvaise foi, on s’est dit qu’on avait une chance de sauver l’honneur des deux Savoie. Il suffit d’ailleurs d’aller sur le web pour voir que le sujet passionne et qu’on peut lire tout et à peu près n’importe quoi.

La fondue pourrait en effet remonter à l’Antiquité. Aux Grecs et à leurs calendes. Carrément. Dans l’Iliade , Homère évoquerait déjà un plat mélangeant du fromage de chèvre fondu, du vin et un peu de farine. Alors que la guerre de Troie fait rage.

Après l’Antiquité, place au grand siècle. L’Histoire retient alors deux dates. 1651 : en France le cuisinier François Pierre de La Varenne publie dans son recueil Le Cuisinier François une recette à base de fromage fondu et de pain, intitulée le ramequin de fromage. Et 1699 : en Suisse, Albert Hauser écrit Pour cuire le fromage avec du vin. Match nul ou presque.

L’introduction du vin dans les recettes n’intervient qu’en 1911

Il faudra donc attendre 1885 et un livre de cuisine intitulé La cuisine pratique, distingué de la mention honorable à l’Exposition culinaire suisse à Zürich qui, lui, fait clairement référence au plat. Il faut ajouter, puisqu’on l’a appris à l’école, que 1885 n’est pas restée comme la date de la fondue car un certain Victor Hugo est mort la même année.

L’introduction du vin dans les recettes n’intervient qu’en 1911 et celle du kirsch en 1923. La recette va alors connaître son essor dans l’après-Guerre, l’industrie laitière voulant, dans les années 30, relancer les fromages suisses face à la concurrence étrangère.

Consécration : lors de l’Exposition universelle de New York, en 1940, les visiteurs peuvent goûter la fondue, présentée comme le plat national de la Suisse. Nous voilà battus. Même la Savoyarde Marie-Thérèse Hermann, auteure d’un livre sur la cuisine paysanne de la région ne dit pas autre chose : « Avant-guerre, on ne faisait pas de fondue en Savoie. C’était alors un plat de luxe, que nous avaient fait connaître les Genevois. La Savoie ne revendique pas l’origine de la fondue. » Et s’il s’était autant répandu c’est qu’il permettait aux paysans de manger pour pas cher, du pain avec du fromage. Si c’est une Savoyarde qui le dit, on ne peut que la croire.

Victoire suisse sans appel donc. Même si la recette de la vraie fondue savoyarde est aux trois fromages : Comté, le Beaufort et le gruyère de Savoie. Alors que les Suisses, eux, suivent généralement un procédé dit moitié-moitié, la préparation comprenant un mélange à dose égale de gruyère et de vacherin.

Alors pour sauver ce qui peut encore l’être, à savoir l’honneur, on dira que la Suisse a inventé la fondue et que les Savoyards l’ont bonifiée.

La recette de la maison Carrier à Chamonix

« La fondue a longtemps été un plat pour les paysans en Suisse ou en Savoie. » C’est-ce que nous rappelle Pierre Carrier, de la Maison Carrier à Chamonix, l’une des excellentes tables (Bib Gourmand) de la ville. Et l’une des plus réputées du pays pour sa fondue.

« Les paysans faisaient fondre du fromage et trempaient du pain dedans. C’était des gens pauvres qui mangeaient ce qu’ils avaient sous la main. »

Et si la fondue est aujourd’hui un plat populaire, incontournable pour les skieurs et les vacanciers, elle figure aussi au menu des restaurants gastronomiques qui proposent la recette traditionnelle mais avec des variantes.

« Il faut savoir, poursuit Pierre Carrier, que la fondue valdotaine, avec une truffe blanche et un œuf était un plat pour les rois du Piémont. Dans notre restaurant la Maison Carrier, nous, nous proposons la recette moitié - moitié, comme les Suisses le font, sauf que la nôtre est un mixte de fondue suisse et de fondue savoyarde car nous associons une moitié de vacherin fribourgeois (du gruyère de montagne), et une moitié de fromage Beaufort, ce qui nous donne une fondue très onctueuse. »

Pour les vins accompagnant le plat, il faut rester dans la région. « Des vins blancs, que l’on soit en vallée d’Aoste, dans le canton de Vaud ou chez nous. En Suisse, vous pouvez, par exemple, choisir un Johannisberg ou un Fendant. Dans les Savoie, ce sera plutôt un Chignin Bergeron. »

Pour ceux à qui le plat ne suffit pas, sachez qu’on peut accompagner une fondue de charcuterie et de pommes de terre, « des pommes de terre cuites à l’eau en robe de chambre. ».

Et pour ce qui est du kirsch, Pierre Carrier précise « C’est à la fin repas que l’on met une rasade de kirsch dans le caquelon (en fonte émaillée). On peut également mettre un œuf pour finir la fondue. » C'est dit.

Article issu du Dauphiné Libéré

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