Dans la famille des glisses les plus stylées de la planète, je voudrais le télémark. Bonne pioche ! L’ancêtre du ski fait l’unanimité lorsqu’il s’agit d’évoquer la grâce et la beauté du mouvement.
Tout repose sur cette fameuse génuflexion permise par la totale liberté du talon du skieur, sur cette espèce de révérence concédée à chaque virage et qui ramène le télémarkeur au plus près de la neige. Tel un piston, il monte et descend au gré de ses courbes. Les cuisses chauffent un peu – beaucoup – mais c’est beau, efficace et fluide. C’est la classe à Dallas !
Et cela fait un siècle et demi que cela dure. Depuis qu’un charpentier norvégien du comté de… Télémark bien sûr, a confectionné des skis en bois avec des lanières en cuir en guise de fixations. L’attirail laissait le talon libre et permettait la convergence des skis par une flexion du genou intérieur. Kul, ikke sant ? (Génial, non ? En norvégien).
Tout droit venu des US
Au pays du frilufsliv (art de vivre en plein air et mot imprononçable), la trouvaille de Sondre Norheim fait sa trace dans la neige fraîche dès 1868. Le ski, tel qu’on le connaît, n’est même pas le début d’une idée dans l’esprit fertile d’un homme qui voit la vie en pente. La révolution viendra toutefois bien assez tôt en Europe, reléguant le télémark aux oubliettes jusqu’aux années 1980. « L’âge d’or du télémark c’est vraiment dans les années 90 ».
Et tout cela part d’Amérique du Nord et de la randonnée à ski. Comme il n’y avait pas encore de fixations de ski de randonnée légères, les pratiquants se sont tournés vers le matériel de télémark avec les fixations à câble », explique Yoann Barnel.
Avec Laurent Jacquemoud, il est à la tête de Télémark Shop, magasin spécialisé installé à Saint-Jean-de-Sixt en Haute-Savoie, mais surtout site de vente en ligne incontournable en France, Autriche, Allemagne et Italie. À l’heure actuelle l’enseigne voit frémir un micro-marché de passionnés, notamment grâce à l’évolution du matériel. L’arrivée de fixations plus robustes ou plus légères avec des inserts similaires à ceux désormais répandus dans le ski de randonnée booste la pratique, ou plutôt les pratiques. Piste, freeride, freestyle, randonnée… le télémark est multiple.
« Après la fixation hybride qui permet de tout faire – télémark, ski classique avec talon fixe, randonnée – ça continue de bouger, se satisfait Yoann. Une marque de ski spécifique a vu le jour, une autre ne va pas tarder et la chaussure légère que l’on attend depuis des années, arrive enfin. »
Le style, ça a un prix
Tout cela n’est évidemment pas donné – compter entre 1 200 et 1 800 euros pour s’équiper – mais les candidats à la fente glissée savent en général ce qui les attend. « La grande majorité de ceux qui passent au télémark sont de très bons skieurs mais ils ont fait le tour du ski de piste en station. En gros, ils s’ennuient. Là, ils se mettent en situation d’apprenant et retrouvent le goût de skier. Le plus du télémark, c’est que sur la plus petite piste bleue, on se fait plaisir. »
« C’est une glisse de plaisir qui se partage »
Une nouvelle technique, de nouvelles sensations, un nouvel esprit aussi. Muriel Gasc l’entretient au sein de Générations Télémark. L’association basée à Viuz-en-Sallaz en Haute-Savoie témoigne du caractère communautaire de la discipline. « C’est une glisse de plaisir qui se partage, ce qui prime c’est la recherche du beau geste, de la liberté », résume la présidente d’un collectif de 50 licenciés, porteuse de l’esprit « talon libre, esprit libre », notamment lors d’opérations de découverte auprès des écoles ou du grand public.
La discipline a pour ainsi dire tout pour plaire et sans y paraître son image est finalement intemporelle. Ranimée par des skieurs en pantalon de velours et chemise à carreaux, dessinant leurs virages au pachon (*) lors des fêtes en station. Exaltée par des résultats des télémarkeurs tricolores, parmi les meilleurs compétiteurs sur le circuit mondial. Il ne lui manque qu’une chose, au télémark, pour définitivement s’inscrire dans la mémoire collective : une entrée dans les épreuves olympiques.
(*) Le télémark se pratique avec des bâtons de ski classique ou avec un bâton de bois qui sert à prendre appui à l’intérieur du virage, un style très à l’ancienne.
Article issu du Dauphiné Libéré
