Le train Alpazur refait surface dans les conversations grâce aux JO de 2030

Dans les archives du Dauphiné Libéré , la photo prise en gare en juin 1981 fleure bon les vacances – et le style des années 1980. Il y a le port de bobs, de chemises légères et de lunettes de soleil, ainsi qu’un écriteau prometteur : Genève-Nice, en passant par Grenoble et Digne-les-Bains. Bienvenue à bord de l’Alpazur.

Prenez la saison d’été 1982. En partant de Genève, à 10 h 30, vous arriviez à 19 h 50 à Nice en passant par Aix-les-Bains, Chambéry, Lus-la-Croix-Haute, Veynes, Sisteron ou Saint-André-les-Alpes. “Du point de vue strictement touristique, panoramique, le trajet sort du commun”, lit-on dans nos colonnes le 20 mai de cette année-là. “Dans les rames, les hôtesses sont là pour accueillir les voyageurs, décrire le paysage, renseigner sur les pays traversés, sur les excursions possibles”. Sans oublier ce conseil aux allures de slogan : “Laissez votre voiture, prenez l’Alpazur.”

Les JO 2030 dans Alpes, suffisant pour pousser à son retour ?

Si le principe de la liaison entre Helvétie et Méditerranée voit le jour dès 1959, c’est surtout sa circulation dans les années 1980 – entre 1981 et 1989 – qui a marqué des esprits (lire par ailleurs). Dont celui de l’Annécien Jean-Bernard Lemoine. « Je l’ai pris plusieurs fois, c’était une balade extraordinaire », se souvient cet homme de 83 ans, membre de l’association franco-suisse Alprail. « On pouvait déjeuner à bord. À Genève, le contrôle demandait de se signaler et, à Grenoble, un traiteur avait préparé les plateaux-repas. »

Alors, le Haut-Savoyard a entrepris de rencontrer les élus. Il veut les convaincre que l’Alpazur aurait intérêt à renaître à la faveur des Jeux olympiques de 2030. « Cette ligne est tout à fait appropriée pour amener un maximum de gens sur les sites olympiques dans les Alpes du Sud et du Nord », expose Jean-Bernard Lemoine. Des rencontres ont eu lieu comme avec le maire de Veynes Christian Gilardeau-Truffinet, d’autres sont programmées avec les élus des Alpes du Nord.

La fréquentation était au rendez-vous...

L’adage est connu : l’important n’est pas forcément la destination, mais le voyage. L’Alpazur rellait certes Genève à Nice mais, le 10 juin 1982, l’édition iséroise du Dauphiné Libéré faisait un focus sur ceux qui décident de s’arrêter au fil des 505 kilomètres parcourus. “Le Trièves compte beaucoup sur la voie ferrée pour lui apporter randonneurs à pied ou à vélo, gens d’ici et d’ailleurs venus pour les beautés naturelles du site”, peut-on lire. “Marcher un jour ou deux et reprendre le train un peu plus loin”, préconisait, quelques semaines avant, l’édition du 20 mai 1982. La preuve par le chiffre ? À bord du train, le guide distribué proposait 75 balades à effectuer le long de la section Digne-Nice (aussi connu sous le nom de train des Pignes ).

L’espoir était grand

Une notion de périple compréhensible dès le logo Alpazur : une cime enneigée sur le A près d’un drapeau helvétique, une vague tricolore après le R. Et l’idée séduit. Selon des chiffres de l’AEDTF, la fréquentation était bonne, estimée à 75 % – et 82 % en haute saison. La revue spécialisée Ferrovissime (n° 114, décembre 2021) faisait le compte de la saison 1981 : 106 jours de circulation, 18 473 voyageurs pour la SNCF, 21 760 sur le réseau des Chemins de fer de Provence, alors exploitant sur la ligne Digne-Nice. Et 17 580 voyageurs transitant d’un réseau à l’autre, en gare de Digne, tout de même.

Et si l’Alpazur va rejoindre le programme “Loisirail” dans ces mêmes années 1980 – il faut imaginer “des animateurs professionnels [qui] assurent le spectacle”, précise Ferrovissime – la liaison ne va vite plus être complète en raison de financements manquants. « À la moitié des années 1980, il ne fonctionnait que sur la partie Grenoble Digne », confirme Bernard Collignon, représentant de la section Drôme/Hautes-Alpes au sein de l’Association rail Dauphiné Savoie Léman (ARDSL).

L’espoir était pourtant grand : “Jadis, l’Alpazur était impensable et aujourd’hui, on parle de tenter une expérience cet hiver. Le temps n’est pas loin où il deviendra… quotidien…”, espérait l’article de juin 1982. “L’Alpaneige” n’a existé qu’une saison entre décembre 1982 et avril 1983, selon les relevés de l’AEDTF. Quant à l’Alpazur, la fin des années 1980 a eu raison de lui.

Jean-Bernard Lemoine, de l’antenne Savoie de l’association franco-suisse Alprail, milite pour remettre en fonctionnement la ligne ferroviaire Genève Nice qui passait en gare de Veynes (notre photo).   Photo Le DL /Marie Lemaire
Jean-Bernard Lemoine, de l’antenne Savoie de l’association franco-suisse Alprail, milite pour remettre en fonctionnement la ligne ferroviaire Genève Nice qui passait en gare de Veynes (notre photo). Photo Le DL /Marie Lemaire

Un périple réalisé en train ? « Faut pas rêver, c’est la bagnole, hélas… », peste Jean-Bernard Lemoine. Il est vrai que Digne se mérite depuis Genève, par exemple : comptez de 6 h 30 à 9 heures de trajet avec deux correspondances dont l’une en autocar. Il ne mâche pas ses mots quant à la gare bas-alpine : « J’ai été effaré par son état de délabrement , un désert ferroviaire de l’époque du far west. »

Grenoble-Marseille avant le reste ?

Les liaisons intra-alpines, c’est un cheval de bataille engagé de longue date par de multiples associations, cadre Bernard Collignon. Il est représentant de la section Drôme/Hautes-Alpes au sein de l’Association rail Dauphiné Savoie Léman (ARDSL), filiale de l’Association européenne pour le développement du transport ferroviaire (AEDTF) et membre de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports. Exemple en 2017 : dans un appel à “Sauver la ligne des Alpes”, l’AEDTF convoquait le bon souvenir du “succès du train Alpazur” pour “exploiter le potentiel touristique” d’une ligne Grenoble-Marseille. “Un modèle qui pourrait être reproduit”, écrivait l’association. Bis repetita en 2023 avec une demande, en comité technique, d’un train Grenoble-Marseille via Veynes.

L’Alpazur de retour ? « On procède par étapes, il faut être réaliste, estime Bernard Collignon. Pour un Grenoble-Marseille, on a préconisé le rattachement entre une rame qui ferait Grenoble-Veynes et une Briançon-Marseille, à Veynes. Avec au moins un aller-retour. » Une idée entre autres portée par l’ARSDL, mais aussi l’association pour le développement des transports en commun de Grenoble ou l’association pour la promotion de la ligne Grenoble-Veynes. Pas de Genève-Nice en tant que tel, donc, mais des prémices d’un trajet plus proche de celui passé. Aujourd’hui, si les deux villes peuvent être reliées en 8 heures environ, c’est via Lyon ou Marseille en TGV. Sans paysages alpins à l’horizon.

Reste à savoir quel écho sera trouvé auprès des financeurs de tels projets. À commencer par les Régions. Pour la seule Provence-Alpes-Côte d’Azur, Bernard Collignon rappelle d’ores et déjà : « Les axes Marseille-Briançon et Briançon-Valence sont concernés par la mise en concurrence. »

Ces vingt-deux kilomètres manquants

Vingt-deux kilomètres de voie ferrée vous manquent, et tout vous paraît dépeuplé. Tout du moins, un train Genève-Nice ne pourrait plus circuler à l’heure actuelle quand bien même tout le monde le souhaiterait. Car le 23 septembre 1989, dans le sillage des fermetures des petites gares des Alpes du Sud , un dernier Alpazur circule puis la portion Saint-Auban-Digne-les-Bains ferme. En 1991, cette portion est même dite “neutralisée”. « On a tout démoli quand on a foutu en l’air ces vingt kilomètres », s’émeut Jean-Bernard Lemoine, un Haut-Savoyard partisan d’un retour du trajet Genève-Nice.

Cette section ferrée n’a toutefois pas manqué d’être au cœur de plusieurs projets. « Des usagers ont formé une association pour le rétablissement d’une liaison ferrée lourde ou le prolongement du train des Pignes jusqu’à Saint-Auban [il s’agissait de convertir les voies, NDLR] », constate Bernard Collignon, de l’Association rail Dauphiné Savoie Léman (ARDSL). Autre solution ? Un transport collectif sur rail, écologique et éco-conçu, auquel Provence Alpes agglomération (PAA) réfléchit depuis 2019. Las, début mars 2024, les acteurs mobilisés constataient une situation en pause auprès du Dauphiné Libéré. « Aucun financement n’est acquis », évoquait l’élu de PAA chargé du dossier. « On a ouvert un dialogue pour examiner la pertinence d’un train léger », commentait pour sa part la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Article issu du Dauphiné Libéré

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