Certains rêvent d’incarner Superman. Lui c’était… Gilbert Seldman. Il est des acteurs dont on connaît le visage mais dont on ne saurait dire le nom. Plus petit des premiers rôles, plus grand des seconds rôles. « Un copain m’a dit que j’avais le meilleur rapport notoriété/temps de jeu », sourit Bruno Moynot. Dans la troupe du Splendid, c’était le 7e mercenaire, pour reprendre le titre d’un article de Première, affiché dans le hall du théâtre qu’il dirige depuis plus de 40 ans.
Il a attendu ses 71 ans, et 2022, pour prendre la lumière tamisée de sa scène avec un one-man-show audacieux, “Bruno Moynot imite mal les humains”. Quelques dates, pour roder son numéro, « essayer des trucs. » À l’entrée, son fils Max prévient : « Attention, humour spécial. »
Amélie Nothomb l’a trouvé « surréaliste »
Décalé, comme les mots de son personnage des Bronzés font du ski, Gilbert Seldman, collier de barbe de prof syndicaliste et répliques qui tombent à plat, « l’homme qui fait la pluie et le beau temps à la télé », chiant comme la pluie. Ce soir-là dans la salle, il y a les cousins, ses sœurs, l’auteure Amélie Nothomb qui l’a trouvé « surréaliste ». Et Patrice Leconte, son réalisateur préféré, celui des Bronzés, dont l’avis importe tant. « L’enjeu c’est de se faire plaisir, sans rien à prouver à personne mais je n’ai pas envie d’être ridicule. »
Dernier à avoir intégré le Splendid, un beau jour de ces années 70 où tout était possible, ce banlieusard d’Asnières avait poussé la porte pour la réparer. Adoubé pour ses talents de bricoleur et son flirt avec Josiane Balasko qui l’avait précédé.
Promis à une carrière d’ingénieur, Moynot a bifurqué après un an passé à l’école polytechnique de Lausanne. « Ça m’ennuyait profondément. » Au service militaire à Melun, le soir il traîne dans le petit monde du café-théâtre en vogue. Par un copain guitariste, le bidasse rencontre Josiane qui remplace Valérie Mairesse, petite amie de Thierry Lhermitte, dans la troupe qui monte.
Enrôlé comme technicien dans leur petite salle de Montparnasse, il fera les travaux de la seconde adresse, rue des Lombards au Châtelet. « Très vite ils m’ont proposé la gérance de leur SARL (Société à responsabilité limitée), ça les emmerdait. Mais tout le monde faisait tout, le ménage, la caisse, donc j’ai participé aux séances d’écriture. Et vu que j’étais là ils m’ont proposé de jouer. »
Dans Le Père Noël est une ordure, il est Monsieur Preskovic
Il y a pris goût. Intermittent des premières pièces, Le pot de terre contre le pot-de-vin et Amours, coquillages et crustacés, qui deviendra Les Bronzés au ciné. Il lui arrive d’assurer à la fois les lumières, en régie, et la scène. Ce don d’ubiquité lui confère ce statut de personnage ponctuel, tel un gimmick.
Dans Le Père Noël est une ordure, Bruno est Monsieur Preskovic, « mon préféré », le voisin casse-pieds de SOS Détresse Amitié qui déboule à l’improviste avec ses spécialités slaves infectes. « Au bout de trois mois, il y avait tellement de monde qu’on est allé jouer la pièce à la Gaîté Montparnasse. Réalisant qu’on faisait le plein, on s’est mis à chercher une vraie salle. »
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« J’ai un fan-club de la crêpe au sucre »
C’est là que la troupe a mis la main sur cet ancien music-hall, rue du faubourg Saint-Martin, au nord de la capitale où Maurice Chevalier chantait, avant de devenir… un ciné porno. 45 ans plus tard, c’est toujours le Splendid dont il occupe le bureau directorial. « Gérant », précise-t-il, associé à Arthur Jugnot. Les coulisses en sous-sol embaument l’humidité et les souvenirs.
Le discret fut de tous les succès. L’homme au slip noir dans Les Bronzés ou l’aviateur anglais dans Papy fait de la résistance. Et puis son personnage incarné à Val d’Isère, pipe à la bouche, bonnet sur la tête. Gilbert Seldman, qui se fait flanquer à la porte pour avoir eu l’outrecuidance de réclamer une crêpe au sucre. « Depuis, j’ai un fan-club de la crêpe au sucre. » Un soir dans une crêperie, le patron, 30 ans, lui lance : « Il y a trois personnes qui ont éclairé ma jeunesse : Tyson, Zidane et vous. » Du lard, du cochon ? Lui-même ne se souvient plus du nom exact du personnage : « Seldman ou Sezman ? Un emmerdeur, un mec rabat joie. Le faux-cul qui, dans le refuge, dit qu’il va prendre l’air alors qu’il va mater par la fenêtre. »
« Des gens ont vu le film 150 fois et le connaissent par cœur »
Il y a toujours quelqu’un pour lui rappeler ses répliques. « C’est dingue ! Des gens ont vu le film 150 fois et le connaissent par cœur. » Il a bien vieilli ce deuxième opus des Bronzés. « Le premier était un peu kitch. » Il doit son succès au boom du magnétoscope. « Certains fans n’étaient pas même au stade de l’échographie à sa sortie », s’amuse Patrice Leconte.
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Les exégètes dissèquent le style Moynot. « Nos textes étaient très écrits. Mais dans le jeu, on improvisait pour rigoler. » Comme quand il lâche : « Ça tombe bien mon frère est gendarme » ou lorsque, perdu dans la montagne, du côté du massif de la Touffe – ne cherchez pas sur un carte – il s’exclame, apercevant une chapelle: « Je vois le Christ ». C’est le seul que la liqueur de crapaud ne parvient pas à abattre, lâchant ce verdict désopilant : « Ça a du retour. »
Il garde un souvenir mémorable de la scène du refuge. « Thierry avait des fous rires qui entraînaient tout le monde. » Quand ses camarades feront les carrières qu’on connaît lui est resté au théâtre, dénicheur de talents. Il fallait quelqu’un pour garder la maison et son esprit. « Sans regret, on a aidé à la découverte de plein de gens. » Muriel Robin, Bigard, Élie et Dieudonné, Eric et Ramzy, Foresti, Lemercier ont été lancés par ce Splendid que Mimie Mathy a consacré “Olympia du rire”.
Et puis c’est à la faveur des Bronzés 3 , en 2006, plus gros carton de la troupe (10 millions d’entrées) mais descendu par la critique, qu’il est revenu au théâtre avec Balasko pour quelques piges. Sa chère Josiane lui a remis le pied à l’étrier, réveillant sa vocation tardive. Le Moynot nouveau est remonté sur scène comme on remonte sur les skis.
Article issu du Dauphiné Libéré