Les Bronzés font du ski : les acteurs qui skiaient mal, le blues de Lavanant… Patrice Leconte se souvient du tournage

Dans son bureau de Montparnasse, on est presque gêné de le déranger. Pas pour parler de ses films consacrés par la critique, Tandem ou Ridicule. Mais pour le deuxième volet de sa trilogie au panthéon de la comédie populaire, sorti le 21 novembre 1979. « Mais vous êtes fous ? Non seulement ça ne me surprend pas mais ça me plaît. Je n’oublierai jamais “Les Bronzés”. Des films dont je suis très fier, inusables, qui repassent à la télé et font des scores de dingue. Ils ont changé ma vie. »

« On a plaisir à retrouver les personnages et les décors restent immuables »

Diplômé de l’IDHEC, passé par la BD et Pilote, Patrice Leconte s’est senti devenir cinéaste avec la troupe du Splendid à ses deuxième et troisième films, après son baptême avec « Les WC étaient fermés de l’intérieur » (et Coluche), enterré au cimetière des nanars. À la différence du numéro 1, tourné au village vacances d’Assouindé (Côte d’Ivoire), qui cartonne d’emblée à sa sortie, l’alchimie avec le public des Bronzés font du ski s’est opérée sur la durée, au fil de la vingtaine de diffusions télé en 43 ans. Il figure aujourd’hui au top 10 des films préférés des Français. Avec 1,5 million d’entrées en salles, il était pourtant loin derrière « Le Gendarme et les extraterrestres » fin 1979. « Seulement son humour n’a pas vieilli. On a plaisir à retrouver les personnages et les décors restent immuables. » Aucun autre film ne symbolise mieux les sports d’hiver. Un “mythe” au sens que donnait Roland Barthes à ce mot, par son pouvoir d’évocation.

Patrice Leconte. Photo Le DL/Antoine Chandellier
Patrice Leconte. Photo Le DL/Antoine Chandellier

À la dernière rediffusion, Leconte s’est surpris à venir s’asseoir avec son épouse pour le revoir et rire avec elle. « Ça reste bidonnant. » Le rythme, le génie de la troupe du Splendid, et un caractère plus acide que dans le premier. « Pas un humour gentil. Il y a une espèce de méchanceté qui circule. » Sans doute parce qu’il est né dans un soupçon de mauvaise humeur, la contrainte, sur insistance du producteur Yves Rousset-Rouard. « Quand le premier était l’adaptation de leur pièce Amours, coquillages et crustacés , pour le suivant, avec le Splendid nous partions d’un scénario original à écrire de A à Z. Notre seul capital c’était les personnages. »

« On a tourné sans arrêter les télésièges, au milieu des vacanciers »

Le 5 mars 1979, le tournage commence pour deux mois. Sans pression. « Pas de réels enjeux d’argent ou de succès. Contrairement à ce qu’on connaîtra sur le numéro 3 ». Le premier a bien marché mais les acteurs ne sont pas les vedettes d’aujourd’hui. Val d’Isère a les bras ouverts, mais affiche un relatif désintérêt. Bref, à la Savoyarde. « On a tourné sans arrêter les télésièges, au milieu des vacanciers. » Ça donne une succession de sketches plus qu’une véritable histoire.

Lhermitte et Clavier sont d’excellents skieurs, donc dans leur élément. « Jugnot n’avait aucun style mais passait partout. » Les autres skiaient comme des luges (Michel Blanc) ou débutaient (Marie Anne Chazel et Josiane Balasko), formées par Stéphane Clavier, frère de Christian, moniteur de ski et assistant-réalisateur. Ils ne seront quasiment jamais doublés.

De cette authenticité, le film tire son ressort comique. Authentiques sont les seconds rôles tenus par de purs amateurs du cru. Leconte y tenait. « On était gonflés car il y avait le risque qu’ils ne maîtrisent pas leur texte. » Parmi eux, Fernand Bonnevie, spécialiste du planté de bâton et du vin chaud, consacré superstar. « Plus vrai que nature, il m’a plu tout de suite. L’archétype du vieux moniteur à la peau tannée par le soleil des montagnes. » Idem pour le couple de paysans qui vient voir le médecin pour faire soigner Copain, leur cochon. Des cousins, Gabriel et Léonie Bonnevie, du hameau de la Gurraz à Villaroger. « Je voulais de vraies gens, des autochtones. » Faire couleur locale jusqu’à la caricature, sel de la satire, qui atteint son clou avec les Savoyards aux improbables spécialités à base de ramassis de vieux fromage et de liqueur de crapaud relevée à l’échalote.

« La neige m’angoisse, je déteste la montagne, je rentre à Paris »

Côté face, le froid et des conditions compliquées pour un réalisateur. « La météo changeait sans arrêt. Tous les jours on avait trois feuilles de services selon le temps : beau, incertain, neigeux. Et quand il neigeait, on se repliait sur des intérieurs, comme la scène du refuge avec les Italiens dans une grange transformée en studio provisoire. »

Ce tournage sera loin des vacances au Club Med. Là où tout le monde était rassemblé dans le même village à la plage, la troupe est éparpillée dans plusieurs hôtels. Et se retrouve le soir, au bar l’Aventure, dont le patron, Claude Bouillon, figure de Val, montera plus tard un restaurant avec Johnny. Dominique Lavanant a le blues. Son personnage est en retrait, elle arrive après. « Et la régie avait eu la mauvaise idée de la mettre seule à part dans son hôtel. Or elle s’est toujours sentie mal aimée du Splendid. » Le réalisateur « un peu psy » devra la consoler pour éviter qu’elle ne plie bagage : « Je me souviens de son appel ce soir-là : “Patrice il faut que tu viennes. La neige m’angoisse, je déteste la montagne, je rentre à Paris”. Je suis allé à son hôtel, on a bu des coups. Et je lui ai dit qu’elle était irremplaçable. »

Au sein du Splendid, Michel Blanc commence aussi à prendre ses distances, côté écriture. Dans “Sur un malentendu”, la biographie que lui consacre Alexandre Raveleau, l’acteur évoque une engueulade avec Lhermitte : « Il y a eu une ambiance relativement de chiottes entre nous. » Le réalisateur ne l’a pas ressenti. Un seul regret à ses yeux ou ses oreilles : la musique. Pas fan du générique virevoltant de Pierre Bachelet, “Just because of you”. « Paix à son âme ». Mais amusé par son fameux « Quand te reverrai-je ? » entonné par Blanc bloqué sur son télésiège. Version revisitée d’Étoile des neiges, composition de Jacques Plante popularisée par Line Renaud. « Les droits étaient d’un prix astronomique, alors on a repris les rimes et inversé les accords ». Stéphane Clavier, qui fut son assistant, confirme: Les Bronzés font du ski était « fait de bric et de broc ». C’est pour ça aussi qu’on l’aime.

« Le poids du personnage de Jean-Claude Dusse qui commençait à lui peser »

En plein tournage en Côte d’Ivoire, le premier film des Bronzés à peine bouclé, Rousset-Rouard, le producteur veut une suite à la neige. Coïncidence le contrat d’auteur est signé le 22 novembre 1978, jour de la sortie du numéro 1. Dans la troupe du Splendid, on n’est pas chaud. Trop commercial pour les uns. Et puis, selon le journaliste spécialiste du 7e art Alexandre Raveleau, Michel Blanc commence à avoir des divergences de vue dans l’écriture collective de la troupe. Pour Bruno Moynot, le 7e membre du Splendid, qui interprète Gilbert Seldman, monsieur Météo, c’est aussi « le poids du personnage de Jean-Claude Dusse qui commençait à lui peser ». Les six autres et Patrice Leconte sont considérés comme coscénaristes mais, selon le réalisateur « Les Bronzés font du ski a été principalement écrit par Jugnot, Lhermite et Clavier ». Le noyau dur de la troupe. « Les autres ont mis leur grain de sel, mais on n’est plus sur une vraie écriture collective. » Selon Alexandre Raveleau, le producteur a mis le paquet pour les convaincre, décuplant quasiment leur cachet par rapport au premier. Le contrat collectif serait passé de 21 875 francs de l’époque à 250 000, hors droits sur recettes.

« Nous étions tiraillés par le producteur qui voulait des gags dans la station et notre envie de faire une dépose en hélicoptère, emmenés par Popeye avec l’idée que les personnages se perdent. C’est ça qui nous amusait le plus », se souvient Leconte. D’où un premier scénario déjanté, inspiré d e la catastrophe aérienne du Vol 571 Fuerza Aéra Uruguaya en 1972. L’histoire de cette équipe de rugby rescapée d’un crash dans les Andes, où les miraculés s’abandonnent à l’anthropophagie pour survivre. J ugnot de retour à Val d’Isère pour les 40 ans du film nous confiera qu’il devait s’appeler « J’ai avalé l’hôtesse de l’air ». Rousset-Rouard mettra le hola à cet humour « macabre ». Mais l’idée d’une sortie en héliski qui vire à la débandade sera bien conservée. Le même Jugnot avait reconnu dans son autobiographie, Une époque formidable : « On y a mis moins de tendresse que dans le premier comme si on voulait s’en débarrasser. »

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