Les framboises, c’est d’abord un souvenir d’enfance : « Quand avec ma sœur, je les cueillais en été, chauffées par le soleil… ou que je les chipais dans le champ d’en face ! » raconte Hubert Chanove. Les framboises, c’est aussi le nom d’une route, celle où se situe le Refuge des gourmets, restaurant étoilé, que le jeune chef de 35 ans a repris à ses parents, en 2019, avec son épouse Fanny. Les framboises, c’est aussi et surtout l’emblème de Machilly, elles en ont fait sa renommée dans les années 40-60, quand près de 80 % des terrains étaient dédiés à sa culture.
C’est un jardinier suisse qui a introduit la framboise dans cet ancien marécage au sol propice, longé par le Foron. Dans les années 40, Machilly et ses environs produisaient quasiment 800 tonnes de framboises par an, soit 23 % de la production nationale !
Le secteur comptait une coopérative qui a eu jusqu’à 1 500 adhérents et une usine pour traiter toute cette matière première et la transformer en confiture, en coulis mais aussi en fixateur naturel pour le parfum. Elle emploiera jusqu’à 30 salariés.
La production a dégringolé à partir des années 60 : en 1962, une rude sécheresse va mettre à mal la production, faisant tomber la récolte à 330 tonnes. La filière ne s’en remettra pas.
Aujourd’hui, maisons et immeubles ont remplacé les champs de framboises bien moins rentables que le mètre-carré constructible, dans cette petite ville frontalière de la Suisse. Sandra Lionnet est la dernière productrice de framboises à Machilly, sa passion pour ses petits fruits rouges a séduit Hubert Chanove : « Elle est plus exigeante que moi sur la qualité de ses framboises ! » Rondes et dodues, elles jouent d’ailleurs les vedettes dans le menu tout framboise servi l’été dans l’établissement, côté bistro et gastro.
De l’apéro (délicieux et surprenant mélange de jus de framboise, et poivron surmonté d’une mousse de citron) aux mignardises, la framboise se fait tantôt acidulée, tantôt douce pour accompagner omble chevalier, homard des côtes bretonnes, mais aussi bœuf et pigeon de producteurs locaux : « Nous sommes le seul restaurant à proposer un menu framboise du début à la fin », révèle le chef. « C’est un défi et tout un travail sur l’acidité, car je ne voulais pas tomber dans la facilité du sucré-salé. Il faut jongler pour trouver un équilibre et garder le plaisir et la découverte jusqu’à la fin. »
Le menu framboise change chaque année, sauf le plat signature : un crémeux de chèvre frais aux framboises (recette ci-contre), dans lequel on trempe généreusement une tranche de pain. Un plat aussi simple qu’étonnant de goût et de peps, créé pour Laïna, une des deux filles du chef.
Tout aussi efficaces, les plats servis côté bistro, comme ce gaspacho tomate et framboises. Hubert Chanove l’a même proposé lors de la kermesse du Sou des écoles de son autre fille Éleana, à des bambins heureux de cette découverte haute en goût.
De quoi créer de nouveaux souvenirs d’enfance…
Pour cela, Hubert Chanove travaille plusieurs variétés de framboises. Aux desserts, la Glen Ample, à gros grains, très juteuse : « Elle explose en bouche, c’est du sucre.» Côté salé, on cherche l’acidité et pas le sucre : la Tulameen est utilisée comme du citron tout en apportant du fruité. Et bien sûr la variété Héritage, la plus ancienne, le best-seller de Sandra Lionnet, très parfumée et gorgée du soleil de l’été, qui fut la première variété introduite à Machilly par un jardinier suisse…
Une cuisine « Très végétale, avec herbes sauvages »
Au Refuge des Gourmets, à chaque saison ou presque correspond un menu : framboise l’été, mais aussi tout champignon en septembre/octobre, tout gibier en novembre et truffe noire en janvier-février. Le chef revendique une cuisine « Très végétale, avec herbes sauvages. Mon jardin principal c’est les Voirons », le massif qui fait face au restaurant.
Tombé dans la marmite tout petit, il a appris la cuisine directement dans celle de son père qui a acheté le Refuge des gourmets en 1989, avec son épouse. L’année de naissance d’Hubert Chanove. Vingt ans plus tard, le futur étoilé entame « un circuit pour découvrir les différents terroirs » : la maison Troisgros à Roanne où il fut sous-chef, chez Jean Sulpice du temps de l’Oxalys à Val Thorens à Saint-Tropez La résidence de la pinède d’Arnaud Arnaud Donckele, “Ma plus belle expérience, où j’ai adoré travailler les produits de la mer”. Ou encore Mandelieu-la-Napoule chez les frères Raimbault.
« Le Michelin regarde trois choses pour la première étoile : la cuisson, les assaisonnements et la régularité »
Les problèmes de santé de son papa le font revenir au bercail en 2015. Il découvre une autre facette du métier : la relation avec les producteurs, le contact direct…et la montagne qui lui manquait aussi un peu : « Le sud, c’est un rythme intense. » La carte du refuge est alors revue et allégée en matière grasse, l’organisation est rationalisée.
« Le Michelin regarde trois choses pour la première étoile : la cuisson, les assaisonnements et la régularité » révèle-t-il. Trois qualités que les inspecteurs du guide rouge ont visiblement trouvées au Refuge des gourmets où brille depuis 2016 l’étoile qu’Hubert Chanove a obtenue en duo avec son père. Celui-ci avait créé le menu tout framboises dans les années 2000, pour raviver le souvenir de cette époque faste mais révolue. Toujours une histoire d’héritage…
- Pour 4 personnes
- Préparation 30 min
- 150 g de chèvre frais
- 100 g de crème liquide
- Huile d’olive
- Purée de framboises (50g de framboises + 10g d’eau)
- Framboises fraîches
- 20 g de noisettes
- Herbes fraîches
- Faites détendre le chèvre frais avec une peu de crème liquide dans un bol à l’aide d’un batteur ou à la main avec une cuillère.
- Obtenez une crème à tartiner, une texture onctueuse et homogène, ajoutez sel/poivre et de l’huile d’olive. Rectifiez l’assaisonnement à votre goût. Réservez au frais.
- Mettez les noisettes sur une plaque de four et enfournez à 150°C 10 minutes pour les torréfier. Attendez qu’elles soient bien froides avant de les concasser légèrement avec un petit mixeur ou le dos d’une casserole (mettez les noisettes dans un sachet avant).
- Réalisez une purée de framboises en mixant 50 g de framboises fraîches et 10 g d’eau.
- Au fond d’une assiette, étalez au pinceau (ou au doigt) un généreux filet d’huile d’olive puis tartinez le mélange de chèvre frais à l’aide d’une petite spatule (ou dos d’une cuillère à soupe), il doit recouvrir presque l’intégralité de l’assiette.
- Ajoutez les noisettes concassées, quelques framboises fraîches, quelques points de purée de framboises sur votre crémeux.
Conseil : On peut y ajouter quelques herbes fraîches comme la pimprenelle sauvage qui a un goût de concombre et noisette fraîche et se marie très bien avec la framboise et le chèvre. Mais aussi du thym, de la marjolaine ou de la sarriette.
En vente à partir du 28 mai en kiosques ou sur internet : boutique.ledauphine.com
Les étals des marchés ont troqué leurs couleurs ternes pour un nuancier estival : le rouge éclatant des fraises et des premières tomates, le vert tendre des fèves et petits pois, la blancheur immaculée des oignons nouveaux... Tout va bien sous le soleil. Si ce n’est l’inquiétude qui s’insinue chaque année un peu plus à l’arrivée des beaux jours : va-t-on encore battre des records de chaleur ? Une partie de la solution est dans nos assiettes. Notre magazine se fait l’écho du travail des agriculteurs, éleveurs, artisans et chefs. Du consommer local et de saison, des cultures bio ou raisonnées. Si le végétal est l’avenir de la planète, alors on va vous aider à consommer plus de légumes : suivez-nous pour une cueillette à la ferme dans le Rhône, découvrez des variétés de tomates paysannes dans la Drôme, goûtez aux préparations infusées au foin de l’Ardèche... On vous donne même quelques trucs pour ruser avec les enfants ! Ce numéro fait donc la part belle au végétal avec bien sûr les fruits : la figue longue noire de Caromb dans le Vaucluse, les prunes perdrigones des Hautes-Alpes…
On n’oublie pas pour autant les fondamentaux : le comté du Jura ou encore les salaisons de la Maisons Duculty dans le Pilat, accompagnés d’un verre de marsannay. De quoi faire un bon petit plateau estival… à l’ombre de préférence !