Grâce à eux des stations ont pu faire la bascule sur les vacances de Noël 2022-2023 qui avaient démarré difficilement. Ils ont inversé la tendance dans certains massifs, offrant une troisième semaine bien remplie au début du mois de janvier dernier en guise d’étrennes. Et si ce premier mois de l’année a battu des records dans les massifs (+12,5 points), c’est aussi le signe du retour de la clientèle internationale après le Covid.
Lors de la saison 2021-2022, les Anglais, inconditionnels de ski et deuxième clientèle de nos stations (après les Français), ont été empêchés de venir skier jusqu’au 14 janvier en raison du variant Omicron. Certaines stations, telle Val d’Isère, pour qui un client sur deux est Britannique, ont parlé de semi-confinement. « Leur retour a porté la croissance exceptionnelle en janvier dans les stations d’altitude offrant la meilleure garantie neige » confirme Tamara Mejias, en charge des études pour le cabinet G2A consulting. Et les Hollandais, aussi, qui naguère préféraient l’Autriche.
À l’automne 2021, Vienne avait fermé ses portes, pour cause de reflux de Covid, pile au moment des réservations. Et l’hiver dernier, les stations françaises avaient tiré les marrons du feu, attirant les Bataves, troisième clientèle étrangère de nos massifs -derrière les Belges- d’habitude plus friands de Tyrol et d’Apfelstrudel que de Tarentaise et de diots au vin blanc.
Résultats : selon le cabinet G2A, qui observe l’activité des hébergements en montagne, 31,3 % des nuitées dans nos stations en 2021/22 ont été réservées par des skieurs venus de l’extérieur de nos frontières. Selon les experts du tourisme mondial, le flux international à l’échelle du globe devrait retrouver 85 à 90 % de son niveau Covid en 2023. Au vu des premières tendances, en montagne, la saison en cours marque déjà un retour à la situation d’avant crise. Les Anglais reviennent en force, malgré la crise inflationniste qui les frappe plus durement encore.
➤ Le poids des clientèles internationales dans les massifs
En France : 31,3 %
Alpes du nord : 35 %
Alpes du sud : 25 %
Pyrénées : 13 %
Source G2A consulting, hiver 2021/22
➤ Les principales nationalités par massifs
Alpes du nord :
1- Royaume Uni : 31,8 % ; 2- Pays Bas : 12,3 % ; 3- Belgique : 11,6 % ; 4- Suisse : 6,7 % ; 5- Suède et Pologne : 3,2 % ; 6- États-Unis : 2,8 % ; 7- Allemagne : 2,7 % ; 8- Danemark : 2,5 % ; 9- Brésil et Émirats Arabes Unis : 2,1 % ; 10- Espagne : 1,9 % ; 11- Italie : 1,7 % ; 12- Israël : 1,4 %.
Alpes du sud :
1- Belgique : 20 % ; 2- Royaume Uni : 14 % ; 3- Pays-Bas : 12 % ; 4- Italie : 10 % ; 5- Pologne : 9 % ; 6- Allemagne, Suède, Suisse, République Tchèque : 4 % ; 7- Espagne : 3 %.
Source G2A consulting, hiver 2021/22
➤ Top 5 des destinations (clientèles hors Europe) 2021/22
1- Courchevel ; 2- Chamonix ; 3- La Plagne ; 4- Val Thorens ; 5- Megève
Source G2A consulting en nombre de nuitées
➤ Top 5 des destinations (clientèles européennes) :
1- La Plagne ; 2- Les Arcs ; 3- Les Menuires ; 4- Tignes ; 5- Méribel
Les Anglais avant la crise :
41 % de la clientèle étrangère (12 % du total), devant les Belges 15 % et les Hollandais 11,7 %.
51 % de la clientèle totale à Sainte-Foy en Tarentaise ; 42 % à Val d’Isère ; 36 % à Méribel.
Source G2A consulting
➤ Et ailleurs (avant-crise) :
Autriche : 66 % de clientèle étrangère ; Norvège : 47 % ; Suisse : 46 % ; Italie : 35 % ; Canada : 26 % ; Suède : 16 % ; Espagne : 10 % ; Japon : 10 %
Source rapport annuel sur le marché mondial du ski 2019, journées skieurs, Laurent Vanat
Au nord les Anglais, au sud les Belges
Évidemment, c’est dans les Alpes du nord que les étrangers pèsent le plus lourd. Selon Michaël Ruysschaert, directeur de l’agence Savoie Mont-Blanc, ils représentaient 34 % de la fréquentation en Savoie et Haute-Savoie avant crise (28 % pour l’hiver 2021-2022).
Il faut dire que la destination concentre les plus grandes stations aux standards internationaux. « Ils se distinguent par leur pouvoir d’achat, avec un panier moyen bien supérieur aux séjours français. Cette clientèle consomme, est plutôt festive et apprécie la gastronomie ». Et pour l’attirer, les stations sont tentées de monter en gamme.
« Mais c’est aussi une clientèle de complément ». Deuxième raison de la draguer : elle permet de lisser la fréquentation sur l’hiver et notamment les intervacances d’hiver ou mars quand leurs vacances ne coïncident pas toujours avec les nôtres. Dans les Alpes du sud, les Belges sont nos plus chers visiteurs, avec un nouveau paramètre cette année, Wallons et Flamands font désormais calendriers scolaires séparés. Outre-Quiévrain se trouve le principal contingent de visiteurs étrangers qui aujourd’hui, au total, représentent plus de 20 % des touristes dans les Alpes méridionales. « Une hausse significative ces dernières années. En 2015, on n’était qu’à 15 % » relève Yvan Chaix, le directeur de l’Agence de développement économique et touristique des Hautes-Alpes.
« Le fruit des efforts dans l’offre mais aussi du travail de commercialisation et de prospection sur ces marchés très intermédiés ». Si les Belges, comme les Italiens autre grosse clientèle des Alpes sud, viennent en individuels, Hollandais et Anglais passent par des tours opérateurs. « Des clientèles qui viennent de plus loin, donc pas pour du court séjour, et d’abord pour faire du ski. Cela induit de la location de matériel, des cours, des ventes de forfaits ». Elles sont aussi moins sensibles que les Français à la diversification des activités. Mais Yvan Chaix constate que l’international contribue également à la forte progression de l’été. « Depuis deux ans, on voit beaucoup d’Allemands ».
Viser les Allemands, Suisses ou Scandinaves
Le marché germanique est d’ailleurs un de ceux encore trop délaissés en hiver, aux yeux de Michael Ruysschaert, pour qui, malgré une demande européenne plutôt mature, d’autres leviers de croissance sont à trouver sur le continent. « Il y a les Suisses à qui on ne parle pas suffisamment (NDLR, au pouvoir d’achat dopé par un franc fort) et les pays scandinaves. Il y a des points à aller chercher quand nos mastodontes que sont les Anglais, Belges et Néerlandais ne progressent plus ».
Mais la concurrence est rude, notamment venue d’Autriche grand pays de ski, qui doit les deux tiers de sa fréquentation aux skieurs venus d’ailleurs. Pour Yvan Chaix, « l’équilibre entre clients français et étrangers est déterminant pour la réussite d’une bonne saison ».
Les crises, qu’elles soient sanitaire (Covid), géopolitique (Ukraine) et économique (inflation), sont passées par là. Et puis l’enjeu climatique bouleverse la donne. En principe, l’heure n’est plus à aller chercher le chaland au bout du monde. L’agence Savoie Mont-Blanc a décidé il y a 3 ans de ne plus explorer les marchés lointains. « On considère que le monde touristique doit désormais raisonner dans l’idéal sur les moyens courriers », estime Michale Ruysschaert.
Rappelons que le transport (voiture ou avion) et le point noir du bilan carbone d’un séjour aux sports d’hiver. Les Chinois qui, en 2019, représentaient 1 % des nuitées étrangères en Savoie Mont-Blanc ont disparu. Et les Russes (6 %) aussi, bien que certains, ayant plusieurs passeports, pointent encore les spatules à Courchevel.
Cependant, cela n’empêche pas stations ou gros hébergeurs de voir plus loin. À l’instar du Club Med avec les Brésiliens, très présents en janvier. « Des amateurs de ski qui passent souvent 2 voire 3 semaines, ce qui nuance le bilan carbone » précise Micheal Ruysschaert. Dans les stations comme Chamonix, Courchevel ou Val Thorens attirent plus de 40 nationalités différentes. Mais à leurs détracteurs, qui contestent l’empreinte du ski, les grands institutionnels, tels que Domaines skiables de France, le syndicat des opérateurs de remontées mécaniques, ou l’Association nationale des maires de stations de montagne (ANMSM), rappellent que les visiteurs venus d’autres continents ne représentent que 2 % de la clientèle des stations hexagonales.
Chamonix et les 3 vallées dans des forfaits « monde »
Parmi les deux stations les plus attractives pour les clientèles lointaines on retrouve sans surprise Chamonix et Courchevel. Les domaines skiables de la capitale de l’alpinisme et celui des 3 vallées figurent dans l’offre de deux forfaits « monde » lancée par les deux grands opérateurs américains. Ainsi la première est dans le forfait illimité lIkon pass, au même titre qu’Aspen, Mammoth Mountain, Jackson Hole (USA), Zermatt (Suisse), Kitzbühel (Autriche), Super Dolomiti ski (Italie), des station pour 5 jours maximum.
Ce forfait qui permet de skier dans 50 destinations, y compris au Japon et dans l’Hémisphère sud est commercialisé par Altera Mountain Company qui exploite plusieurs stations américaines. Son rival Vail Resorts, numéro 1 mondial, avait dégainé le premier avec l’Epic pass qui inclut donc les 3 vallées. En janvier, à Courchevel et Chamonix on a beaucoup entendu parler américain, avec des ressortissants de San Francisco, New York ou d’Amérique du sud.
Des clients qui, en moyenne, restent 4,6 jours sur place et s’offrent une tournée des stations européennes. Les Américains sont à la pointe des forfaits saisons ou annuels multi stations.
Pour Benoit Robert directeur du Cluster montagne, qui fédère les entreprises de l’aménagement, c’est l’arme qui leur a permis de passer d’une fréquentation de 50 à 60 millions de journées skieur, et devenir la destination numéro 1 pour le ski. Les Suisses aussi ont éprouvé la méthode avec le Magic Pass. En France, les opérateurs ne semblent pas prêts à franchir le pas. 70 % des skieurs américains sont titulaires de ce type de forfaits qui permet de skier à l’échelle du pays et même au-delà.