Idée rando: à l’assaut des Trois Becs, dans la Drôme

Le massif des trois becs, vu de Saillans et des vignes où l'on produit la célèbre clairette de Die. Photo Le DL/Antoine CHANDELLIER
Le massif des trois becs, vu de Saillans et des vignes où l'on produit la célèbre clairette de Die. Photo Le DL/Antoine CHANDELLIER

« Mais vous êtes sûr que ça passe ? » Elles semblent perdues ces deux Hollandaises, obligées de poser les mains sur les gradins qui mènent au pas de Siara. Leur regard se fracasse sur les falaises qui barrent l’horizon. Mais bien vite le sentier balisé jaune serpente entre les buis et s’assagit. La végétation hésite entre garrigue, lavande sauvage et alpages, jusqu’au bien nommé pré de l’Âne. Les voilà hissées sur ce piédestal, fierté des habitants de la Drôme, visible de l’autre côté du Rhône.

Le vide effrayant laisse alors la place à un paysage vert et débonnaire. Spectacle saisissant qui évoque ces paradis perdus et luxuriants des romans d’aventure ayant traversé les âges, à l’abri du regard des hommes. Une forêt de hêtres, sapins et chênes blancs s’étend à nos pieds, remplissant une vallée aussi oblongue que profonde, cernée par les falaises de 300 mètres. On est là au bord du synclinal perché de la forêt de Saoû, vaisseau suspendu, dont la coque aurait été constituée de calcaire. Surgi de terre il y a 90 millions d’années c’est une curiosité rare. La dent d’Arclusaz dans les Bauges (Savoie) ou le désert Platé (Haute-Savoie) relèvent du même phénomène d’érosion et de pli sédimentaire.

Chemin de pierre

Mais celui-ci est le plus vaste d’Europe, surmonté à sa poupe de trois sommets. Vus de l’extérieur, on dirait des becs ; vus de l’intérieur du synclinal, ils évoquent des mamelons. Leur caractère bicéphale a le mérite œcuménique de réunir en leur faîte, randonneurs venus par son versant doux aux chemins aménagés et grimpeurs, partis à l’assaut des parois raides de ce navire rempli de verdure sur 12 km de long pour 2 de large. Essoufflées, nos deux Bataves, ne comptaient pas suivre la ligne de crête et aller si haut. Et les voilà qui foulent le Veyou (1 589 m), le premier des Trois Becs, mais aussi le plus haut. Dopées par les paroles de Lyneka et Wolt, deux compatriotes, elles ont poursuivi le sentier en lacets qui donnerait presque au lieu des airs de montée de l’Alpe d’Huez.

En ce début d’été, c’est la montagne des Hollandais. Ils se rassasient de la vue qui s’étend de la vallée de la Drôme aux Écrins. On voit le Grand Veymond, le Dévoluy, Belledonne, le mont Aiguille et même, par beau temps, le Cervin et le mont Rose en Italie.

Et puis le sentie r est si bon. Il n’en a pas toujours été ainsi. Après deux accidents mortels, l’itinéraire du pas de Siara a été fermé durant quatre ans. L’occasion, pour les services du département, de remodeler l e sentier des Trois Becs, à partir de 2007. Il a fallu modifier l’historique voie pour s’affranchir des difficultés foncières et négocier avec les propriétaires. Mais aussi l’adoucir, pour éviter les ravinements d’eau. Aujourd’hui conforté de marches en pierre, le chemin accompagne le randonneur vers les plus beaux points de vue. « On s’est inspiré de ce qui a été fait à la Sainte Victoire et même en Écosse », précise Olivier Chambon, ingénieur en charge de la gestion de la forêt de Saoû. Un travail de Romains ciselé à la pioche.

Capture d'écran Géoportail.
Capture d'écran Géoportail.

La Pelle, chargée d’histoire

La restauration a rendu accessible, au fil de la crête, une ambiance naguère monopole des insensibles au vertige. Le regard dans le vide à l’extérieur du synclinal, mais les deux pieds à l’intérieur, le marcheur épouse son pourtour pour atteindre le Signal (1 559 m), face au Vercors. Funambule de pacotille !

Le pas de Picourère permet de prendre pied sur le troisième bec. Roche Courbe est le moins haut du trio mais le plus mythique chez les grimpeurs. Sa face Est, au terrible final en surplomb, lui donne l’allure d’une pelle. En 1961, les Parisiens Paragot, Berardini, Gicquel et Trotskiar, alias les prolos de cordée, furent les premiers à trouver un passage dans ces 280 m de paroi si raide qu’aujourd’hui encore elle donne du fil à retordre aux as de l’escalade. Ces derniers sentent au-dessus de leur tête le battement d’ailes de l’aigle royal ou du faucon pèlerin. Quand ce n’est pas celui des amateurs de wingsuit, dont la Roche constitue une base de lancement illicite.

C’est que ce massif est bardé de protections : site classé, espace naturel sensible, Natura 2000… Pour ne pas perturber les nidifications, les grimpeurs s’abstiennent d’équiper certains secteurs. Mais avec 800 voies, il dispose d’un espace de liberté suffisamment vaste. Le guide de Crest Manu Ibarra, parle des Trois Becs, comme d’une île-montagne. « Un monde saturé de très hautes falaises en forme de “u” ».

Quant à Wolt et Lysenka, ils nous enjoignent de pousser encore plus loin, au bord du synclinal. À travers la Laveuse, étonnant trou dans la roche, on devine le village de Saillans et les vignobles de la Clairette de Die. On aperçoit aussi le camping « naturiste » de nos amis néerlandais, pourtant très pudiques. Oups, ils voulaient dire “naturaliste”. Enfin “éco responsable” ou quelque chose dans ce genre. Et l’on s’en retourne avec eux vers le pas de Siarra, par le GR 9, entre forêt et prairie. On aurait aimé percer les secrets d’un écosystème où cohabitent sangliers, loups, bouquetins, cerfs, chevreuils et chamois, comme dans un film de Walt Disney.

La randonnée ne s'arrête pas au troisième Bec. Il faut pousser jusqu'au rocher de la laveuse. Curiosité que cet oeil dans la barrière du massif à travers lequel on voit le village de Saillans en bas dans la vallée. Photo Le DL/Antoine CHANDELLIER
La randonnée ne s'arrête pas au troisième Bec. Il faut pousser jusqu'au rocher de la laveuse. Curiosité que cet oeil dans la barrière du massif à travers lequel on voit le village de Saillans en bas dans la vallée. Photo Le DL/Antoine CHANDELLIER

Le Trianon drômois

Voilà qu’au carrefour suivant, une colonne de randonneurs éclaire notre lanterne. Eux sont partis de beaucoup plus bas. Du fond de la cuvette, sur les hauts de Saoû. Ils ont garé leur voiture à 400 m d’altitude à peine, près d’une bâtisse que l’on appelle le Trianon drômois. Après 70 ans de sommeil, l’auberge des Dauphins, propriété du département depuis 2003, revit. Le 7 juillet, on inaugurait cette maison de site « comme un salon au milieu de la forêt ». Elle cumule les fonctions de musée, cabinet de curiosité et de halte restauration. Au randonneur éveillé, elle donnera les clés de cette nature. En 2021, 164 000 visiteurs ont fréquenté le massif de la forêt de Saoû et ses 2 355 hectares. Mais combien se sont aventurés jusqu’à son toit ?

Infos sur le parcours:

■ Départ : depuis le col de la Chaudière (990 m) au parking de Siara, accessible par la D156 depuis Saillans ou Bourdeaux.
■ Difficulté : 900 m de dénivelé, pour 10 km et 5 h 15 de marche
■ Autre accès : depuis la forêt de Saoû et l’auberge des Dauphins à 460 m d’altitude. Accessible depuis Saoû par la D136 en direction du Pertuis. Plus long.
■ Conseils : partir tôt le matin, pour éviter les chaleurs et trouver une place pour se garer. Si possible éviter la haute saison.
■ Hébergement : Gîte au col de la Chaudière.

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