Idée de rando panoramique : la couronne impériale de Chartreuse

Moins incisive que le mont Aiguille, la molaire qui borde la Chartreuse possède bien des similitudes dans son relief avec le monolithe du Vercors. Vue d’en bas, la Dent de Crolles dont l’étymologie évoque un écroulement, semble défendue de tous côtés par des falaises. Et le promeneur, après sueurs et sensations, est surpris de découvrir que sa cime est finalement presque plate. Un plateau incliné et herbeux, coloré de fleurs jaunes et bleues, rappelant que ce massif abrite 15 % de la biodiversité floristique française dont le sabot-De-Vénus. De jolies prairies dans lesquelles il ne faut toutefois pas relâcher l’attention. Jonchées de lapiaz, sol calcaire crevassé, et d’avens, elles rappellent que les mystères de ce sommet ne se cachent pas forcément dans ses contreforts.

« La Dent de Crolles est tellement creuse à l’intérieur qu’il suffirait de boucher toutes les sorties et de la poser sur la mer pour qu’elle flotte. » Ainsi parlait Fernand Petzl, spéléologue qui contribua à explorer ses entrailles jusqu’à 1 000 m de profondeur. Et fondera la société qui porte encore son nom, aujourd’hui basée dans la vallée, mondialement connue des amateurs de verticalité.

La face sud de la Dent s’embrase au couchant. Photo Le DL /Antoine CHANDELLIER3 /3
La face sud de la Dent s’embrase au couchant. Photo Le DL /Antoine CHANDELLIER3 /3

Au début de l’ascension, après avoir quitté les alpages et les moutons du col des Ayes, on a vite compris en contournant la dent par le fameux Trou du Glaz, où débouche l’un des plus grands réseaux souterrains en Europe, que cette montagne a d’abord été l’affaire des spéléos avant de devenir celle des grimpeurs à partir de 1920. En été, on apprécie la fraîcheur de la galerie, au bord du GR 9. Trente ans après les premières visites d’Edouard-Alfred Martel, fondateur de la spéléologie moderne en 1899, c’est par cette cavité qu’a débuté la grande exploration qui attisera les rivalités.

Grottes, failles et cheminées

Grimper à la dent par le Trou du Glaz est la façon la plus douce de l’aborder. La voie est si fréquentée que la roche est polie comme du marbre. Et les câbles sont bienvenus pour se hisser vers les failles étroites et ludiques qui mènent, au-dessus, vers la prairie sommitale. De là, les initiés poursuivront par le Sangle de Barrère, plus aérien, traversant la face Ouest. Et les plus familiers encore iront saluer l’arche de l’aiguille.

La dent, c’est la montagne des Grenoblois qui fuient les chaleurs de la cuvette. Heureusement qu’elle fait peur, vue d’en bas et de l’autoroute. Sinon elle serait encore plus courtisée.

Au déconfinement on s’y pressait pour un bol d’air. Mieux vaut s’y rendre tôt le matin ou en fin d’après-midi, pour admirer les jeux du soleil sur Chamechaude, seule cime qui la dépasse en Chartreuse, et le mont Blanc évidemment. Même au crépuscule on est rarement seul en été. Avant de toucher la croix, à 2 062 m d’altitude, il n’est pas rare d’entendre des cris s’échapper vers l’abîme, en face Est, la plus grande, là où sortent les as de l’escalade artificielle. D’autres experts un peu dingues explorent les lieux. Ceux-là ont percé ses secrets externes.

Infos pratiques

❏ Départ : Parking des Ayes, sous le col du Coq (1 400 m). Pour les plus costauds, possibilité de se garer au parking inférieur à 1 250 m.

❏ Accès : Depuis Grenoble, prendre l’autoroute A41 direction Chambéry, sortie 24.1 Saint-Ismier/Villard-Bonnot/Le Versoud. À Saint-Nazaire-Les Eymes, direction Le Plateau-des-Petites-Roches par la D30 puis prendre la route du col du Coq.

❏ Difficulté : 660 à 820 m de dénivelé. Soit 3 h 30 à 5 heures aller-retour.

❏ Autre accès : Depuis le nord et le hameau de Perquelin (Saint-Pierre de-Chartreuse) pour 1 000 m de dénivelé, côté nord.

Base de lancement

Voilà 20 ans les wingsuiters français, vêtus de leurs combinaisons ailées ont fait de la dent de Crolles leur base d’entraînement. Objectif : franchir le palier du Plateau des Petites Roches et Saint-Hilaire-du-Touvet, 1 000 mètres en dessous, pour atterrir encore 800 mètres plus bas dans la vallée du Grésivaudan. Grâce à la finesse de leur tenue, ils se sont mis à voler quand leurs ancêtres base-jumpers chutaient : « C’est là que les Français ont pu progresser grâce à ce défi. Et depuis, c’est l’un des coins où l’on saute le plus », explique Rodolphe Cassan, président de l’Association française de paralpinisme. « Il est rare d’avoir un saut aussi long et aussi rapide d’accès. »

Car pour monter sur leur rampe de lancement ces amateurs d’extrême sont au fond comme nous, les randonneurs du dimanche. En une heure ou deux, ils sont sur leur promontoire, empruntant le sentier que nous prendrons à la descente, dré dans l’pentu. Là encore des experts un peu orthodontistes l’ont tracé avec délicatesse entre vires herbeuses, baumes et barres rocheuses.

Nos oiseaux sont partis, d’autres restent au bord du vide. Un courageux s’est glissé dans son duvet, protégé d’un mur de pierres. Si le bivouac sous tente est désormais interdit dans la réserve des Hauts de Chartreuse, les esthètes peuvent dormir à la belle étoile. Et contempler le lever du jour sur la chaîne de Belledonne, en face.

Moins poète on redescend avant la nuit, par ce pas de l’Œille qui doit son nom à cette aiguille de roc plantée au milieu d’un goulet abrupt. Une simple chaîne permet de déjouer le seul verrou que l’itinéraire, raide mais astucieux, ne peut éviter. Visiteur du soir, un chamois semble se payer notre tête depuis sa vire herbeuse où il a installé son bivouac.

Le second point culminant du massif (2 062 m) s’adoucit en un plateau incliné percé de failles. Au nord, le mont Blanc. Photo Le DL/Antoine CHANDELLIER1 /3
Le second point culminant du massif (2 062 m) s’adoucit en un plateau incliné percé de failles. Au nord, le mont Blanc. Photo Le DL/Antoine CHANDELLIER1 /3

La meilleure montagne au monde ?

L’hiver les skieurs alpinistes qui n’ont pas froid aux yeux descendent par là. Tel l’un des plus fidèles de la dent, Lionel Tassan. Ce prof, grand arpenteur de versants, vit à Bernin tout en bas dans la vallée et l’a gravie 200 fois. De sa maison, à moins de 300 m d’altitude, il lui faut moins de deux heures pour avaler les 1 800 m de dénivelé, distance verticale maximale en Chartreuse. Bref à peine plus que le simple marcheur qui a garé sa voiture au col du Coq, à 1 400 m, là où jadis on faisait du ski, tiré par d’antiques téléskis.

« Pour moi, sans chauvinisme, c’est la meilleure montagne du monde. Si l’on prend les trois critères clés que sont l’accessibilité, la beauté et la diversité des activités que l’on peut pratiquer quel que soit le niveau, elle coche toutes les cases et obtiendrait la meilleure note moyenne. » La Dent de Crolles est un condensé de tous les bonheurs et les usages en montagne.

En redescendant vers l’alpage du col des Ayes, on a l’appréhension de croiser un patou. Mais pas le moindre aboiement pour perturber le chant du silence d’un soir d’été. Le berger a rassemblé ses brebis, alors que la face sud de la dent s’empourpre. Le coucher de soleil offre le plus beau des sons et lumières. La boucle du randonneur vespéral se conclut en prenant des airs de couronne impériale.

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