Idée rando : dans le Haut-Diois, sur les sentiers d’une montagne pour tous

En redescendant du Barral, belvédère sur le Dévoluy et le Vercors, l’humeur vagabonde. Et un aigle royal tourne au-dessus des têtes. Dire que ces alpages qui s’étendent à nos pieds, 137 hectares de pâturages et de forêts, ont failli terminer en chasse privée ou en terrain pour le rodéo des 4×4. Depuis 30 ans, l’ancienne ferme qui garde le domaine, à 1 338 m d’altitude, est le siège d’une résistance douce. La maison d’une certaine forme de bonheur. Quand on arrive sur sa terrasse, souffle comme un esprit de phalanstère et d’engagement. En faveur de la nature et d’une montagne pour tous. « Vous êtes venus voir les babos », ironise Sébastien, le tenancier intermittent du refuge de La Tour, qui précise : « Oui, notre association a une dimension politique par le modèle de société, accueillant et solidaire, qu’elle défend. Mais la valeur du travail est importante. C’est un lieu de pastoralisme. »

Le Barral. Photo Le DL/Antoine Chandellier
Le Barral. Photo Le DL/Antoine Chandellier

Ce jour-là, à la table du gîte d’alpage aux 25 couchages, le randonneur déguste un fondant au chocolat, réalisé par des ados en réinsertion de la Protection judiciaire de la jeunesse de Valence. Les gardiens du lieu exercent bénévolement selon un roulement hebdomadaire. Cette semaine, Sébastien Vernier, pilier de l’association La Tour, tient la maison. En pleine saison, lui qui vit de son activité de location d’ânes et de la tonte des moutons, donne de son temps. Pour le suivre, il a convaincu Amélie, ex-gardienne de refuge en Isère, et Pauline, prof de français de Thonon (Haute-Savoie). « On a l’impression de rejoindre une communauté », assure cette dernière. Comme un rite, les gens du Haut-Diois y montent une fois dans l’été.

« Il n’y a pas que le lieu qui est perché »

À commencer par les 555 copropriétaires qui, en 1993, se sont réunis en Groupement foncier agricole pour racheter le domaine. Et le sauver de griffes prédatrices. Même eux payent leur modeste part, 37 € la demi-pension. Ici les recettes sont destinées à l’entretien du lieu. Par tout temps, un abri de sécurité de 6 places est à disposition. Hors saison, on récupère la clé du gîte au village pour l’occuper en « gestion libre». Ni dividende ni bénéfice, les revenus financent aussi l’accueil d’enfants ou de publics défavorisés. Victimes de violence, migrants, jeunes des cités, handicapés… Un accueil solidaire pour faire connaître la montagne à ceux qui vivent hors de ses radars.

Photo Le DL/Antoine Chandellier
Photo Le DL/Antoine Chandellier

« Il n’y a pas que le lieu qui est perché. Les gens aussi », sourit Bénédicte de Rugy, qui préside le collectif. « Ce qui nous nourrit, c’est aussi une certaine utopie. On défend l’environnement et la vie dans ces coins reculés », explique celle dont la mère Renée, agricultrice venue de Normandie dans les années 50 avec son mari, a porté le projet. Bénédicte se souvient de son enfance et de cette ferme d’alpage du XIXe siècle, où l’hiver on faisait la classe aux enfants. L’un des fermiers en aura jusqu’à douze. « Les familles vivaient en autarcie, avec vaches, chèvres, moutons, basse-cour. Et cultivaient la terre avec leurs chevaux.»

Depuis le village de Glandage, il faut 1 h 30 pour monter à la Tour

Las, en 1993, quand le domaine est en vente, un mouvement s’élève à Borne, hameau de Glandage, 20 habitants à l’année. Dans cette vallée voisine de Châtillon-en-Diois et du célèbre cirque d’Archiane, on veut que cette haute terre reste à tous et soit préservée. Depuis le village, il faut 1 h 30 pour monter à la Tour. Moins d’une heure depuis le parking. À l’époque, des promoteurs d’activités détonnantes en ce massif militant se manifestent.

Photo Le DL/Antoine Chandellier
Photo Le DL/Antoine Chandellier

Bénédicte de Rugy se souvient de projets très peu inclusifs, néfastes pour la biodiversité et incompatibles avec ce lieu de transhumance. « Ils ont fait réagir et effrayé les Bornois. » Sa mère Renée, éleveuse de chevaux de Mérens, mène la réaction. « La première idée était de protéger cet espace et sa biodiversité.» Le castor dans le ruisseau ou le tétras-lyre sur les crêtes. Habitants, résidents secondaires, paysans et néoruraux se rejoignent. Cette terre attire toujours. Récemment trois jeunes se sont encore installés pour en vivre : maraîcher, apiculteur, éleveur de chevaux.

À l’époque, le monde associatif se joint au mouvement qui prend une tournure militante. « Elle est intacte aujourd’hui, nous sommes un relais des Soulèvements de la Terre.» WWF, Frapna, Accueil Paysan en sont. La somme de 400 000 francs est réunie, les donateurs héritant d’une ou plusieurs parts d’alpage (500 francs le titre). Et la terre est louée à un berger, dont le troupeau entretient l’espace.

Le sommet du Jocou. Photo Le DL/Antoine Chandellier
Le sommet du Jocou. Photo Le DL/Antoine Chandellier

Mais de l’autre côté de la montagne du Jocou (2 030 m) qui domine la Tour, frontière naturelle avec l’Isère, la question du loup est au cœur des conflits d’usage. Désormais le GR qui mène au sommet, accessible depuis le refuge, est interdit, en raison de la cohabitation difficile entre randonneurs et chiens de protection. Un des sujets qui animent soirées et débats dont la Tour est le cadre. Fidèle à sa vocation d’échanges. C’est cela aussi qui plaît à Sébastien : la démocratie participative qui anime le collectif et régit ses décisions. « La montagne refuge », tel était le thème des célébrations de ce gîte pas comme les autres qui, cet été, souffle ses 30 bougies.

Article issu du Dauphiné Libéré

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