Idée rando : le Tour du Thabor, magnifique échappé entre Savoie et Hautes-Alpes

D’où qu’on entame le périple, son centre n’en finira jamais de susciter l’envie. Le mont Thabor, c’est d’abord un mystère. Pourquoi cette homonymie avec la montagne de Palestine, théâtre de la Transfiguration du Christ (il révèle sa nature divine à ses apôtres Pierre, Jacques et Jean), et ce sommet des Alpes, à la frontière franco-italienne ? On n’en sait rien, même si depuis des siècles les hypothèses fusent et les pèlerinages grimpent à la chapelle Notre-Dame-des-Sept-Douleurs, à 3 178 mètres d’altitude, venant tout aussi bien de Bardonecchia, en haute vallée de Suse (Italie) que de Valmeinier ou Modane, en Savoie, ou Névache dans les Hautes-Alpes.

De multiples portes d’entrée

C’est dire que le sentier, bien balisé, qui en fait le tour, est accessible d’un peu partout. Ces multiples points de départ peuvent aussi être des points de ravitaillement pour ceux qui aiment voyager léger. Mais en partant de Valmeinier, en Maurienne, on conserve à l’aventure sa plus grande cohérence. C’est en tout cas de là que le travail de cartographie a commencé, aboutissant au topo Autour du Thabor, les sentiers des étoiles (Glénat).

Augustin Noraz, accompagnateur en montagne à Valmeinier, en avait même fait une sorte de mémoire lorsqu’il avait passé son diplôme. Aujourd’hui, il a 75 ans. À l’époque, avec ses enfants, il avait accompli l’ensemble (120 km, 5 200 m de dénivelé positif) en six jours. Pour la version “trois jours et deux nuits”, il conserve toutefois une certaine tendresse, souriant : « Autour, on peut broder »…

Allons-y donc, tambour battant et pieds agiles, pour une succession de cols. Celui des Marches, le bien nommé, pour commencer, puis les Bataillères (c’est aussi un lac) et le refuge du Thabor. Là, on est à la fin du premier jour, ou du deuxième, c’est selon. Et se profile le mont lui-même, auquel à moins de manquer d’à-propos ou de se trouver confronté à une mauvaise météo, on n’échappera pas. Beaucoup laisseront les sacs au col des Méandes, et les récupéreront à la descente.

Car de là-haut, quelle récompense ! Les Grandes-Jorasses, le Cervin, la Grande-Casse, la Ciamarella s’offrent au regard, sans compter, plus près, les aiguilles d’Arves et la Grande-Casse. On en oublierait presque que la chapelle est malade, et que de gros travaux sont envisagés pour la sauver.

100 mètres sous le sommet du mont Thabor, la chapelle veille depuis plusieurs siècles sur la vallée étroite et celle de Névache. Photo Le DL/Antoine Chandellier
100 mètres sous le sommet du mont Thabor, la chapelle veille depuis plusieurs siècles sur la vallée étroite et celle de Névache. Photo Le DL/Antoine Chandellier

Entre Écrins et Vanoise, on cueille le génépi

« Ici, nous sommes entre Écrins et Vanoise », glisse Augustin Noraz. La nature est préservée, beaucoup de périmètres sont classés “Natura 2000”, mais on peut cueillir quelques fleurs, aller au génépi. C’est une montagne d’hommes plus qu’un sanctuaire. Elle grouille d’histoire et de légendes. On s’y est battu en 1940, rappelle l’historien Laurent Demouzon, lui aussi enfant de Valmeinier : « Les Italiens y furent sèchement arrêtés par l’Armée des Alpes. » Le Mauriennais Jocelyn Truchet, ancien sous-officier de chasseurs alpins, blessé en Afghanistan, y a consacré un saisissant court-métrage, « Deux semaines de juin. »

On retrouvera, sur la fin du parcours, de l’histoire militaire bien actuelle avec le camp des Rochilles, toujours utilisé par l’armée de terre. Avant, il faut s’offrir, en désescaladant la montagne sacrée, une petite virée en Italie. Enfin, à peine car les refuges “I Re Magi” (Les Rois-Mages) et “Terzo Alpini”, bien que gérés par des Transalpins, sont situés en Vallée-Étroite, territoire qu’une rectification de frontière a attribué à la France en 1947. Depuis, le mont Thabor lui-même n’est plus à la limite entre les deux pays.

Face à la Meije et au massif des Ecrins, le mont Thabor, l’un des sommets de plus de 3000 m les plus accessibles. Photo Le DL/Antoine Chandellier
Face à la Meije et au massif des Ecrins, le mont Thabor, l’un des sommets de plus de 3000 m les plus accessibles. Photo Le DL/Antoine Chandellier

L’enfant noyé de Bouzandoc

Ce milieu de périple permet de baisser un peu le rythme des ascensions, mais attention, le retour a ses surprises. En gagnant Névache puis remontant la Clarée, on peut se laisser prendre par le charme des Alpes du Sud, qui se poursuivra jusqu’au “chemin de ronde” qu’utilisèrent les soldats de Louis XIV pour surveiller d’éventuelles incursions des Savoyards en Briançonnais. C’est qu’il est temps, après une ultime nuit au refuge des Drayères, de repasser l’ancienne frontière entre France et Savoie, au seuil des Rochilles, et de regagner sa base. C’est le troisième, le quatrième, le cinquième ou le sixième jour. Augustin Noraz suggérerait bien une variante, par Roche-Château, histoire d’ajouter un “3 000” de plus au palmarès. Ou presque, il est officiellement à 2 898 mètres, mais on ne va pas mégoter.

Le lac de Bissorte, première grande étape depuis Valmeinier, vu depuis la combe des Marches. Photo Le DL
Le lac de Bissorte, première grande étape depuis Valmeinier, vu depuis la combe des Marches. Photo Le DL

Des cols et des légendes

Deux lacs, Izi et Letaz, sont tout près, pour une dernière histoire. « L’un est très clair, l’autre plutôt vaseux », révèle l’accompagnateur valmineux, « ça enrichit la légende de Bouzandoc », un bandit dont l’histoire se transmet de génération en génération. Sa traque et sa disparition mystérieuse alimentent la chronique, on dit aussi qu’il aurait engrossé une fille du pays. Celle-ci s’en fut noyer dans un des lacs le fruit de ces amours interdites, ce qui en rendit l’eau trouble à jamais.

On finira en passant ou non par Valloire pour rejoindre Valmeinier, l’esprit plein du fracas des batailles, des prières des pèlerins, des rapines des brigands, des splendeurs des sommets lointains. Il faudra revenir, car de multiples variantes font découvrir d’autres légendes, d’autres cols, d’autres refuges, sans que jamais ne soit résolue la lancinante question : pourquoi le mont Thabor s’appelle-t-il Thabor ?

Article issu du Dauphiné Libéré

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