Alangui dans la baie de Talloires, le lac d’Annecy arbore au soleil des couleurs changeantes, tantôt vert émeraude, tantôt bleu lagon. L’invitation à la baignade est presque irrésistible, face à un panorama d’une exceptionnelle beauté bordé à droite par la réserve naturelle du Roc de Chère.
Population : 1971 habitants
Gentilé : Talloirien, Talloirienne
Altitude : 469 m (440 m-2338 m)
D’ici quelques semaines, celle qu’on surnomme “la perle du lac” bruissera d’un joyeux brouhaha balnéaire. Derrière les murets tapissés de lierre, les volets des belles propriétés s’ouvriront. Voiliers et paddles reprendront du service, tout comme les hôtels et restaurants étoilés qui font la renommée de la baie, inscrite en lettres d’or dans les guides internationaux.
Avec 2 000 habitants permanents, 8 000 lits saisonniers et 40 % de résidences secondaires, Talloires, devenu Talloires-Montmin en 2017 par fusion des deux communes, est la destination touristique la plus courue des bords du lac d’Annecy. « Le tourisme est notre activité économique principale, c’est presque une mono-activité », relève Didier Sarda, son maire depuis 2020.
Mais Talloires est d’abord un village à l’histoire millénaire. Pour Nicole Lacroix, guide du patrimoine et Talloirienne de cœur, « il est né deux fois : la première au XIe siècle avec les moines, la seconde au début du XXe siècle avec le père Bise. » Sur des terres données en l’an 1018 par Rodolphe III, roi de Bourgogne, des moines bénédictins érigèrent ici, face au lac, un prieuré entouré de vignobles. L’abbaye fit longtemps vivre une communauté villageoise d’artisans, avant de devenir une auberge puis un hôtel.
À 1147 mètres d’altitude, le col de la Forclaz est célèbre pour trois raisons : son site de décollage de parapente, son itinéraire cyclo et la vue plongeante qu’il offre sur le lac d’Annecy.
Mais avant l’ère des loisirs, La Forclaz, l’un des sept hameaux du village de Montmin, était agricole. Il ne compte plus aujourd’hui qu’une quinzaine de résidents permanents et un seul exploitant : David Bastard-Rosset, propriétaire de 30 vaches laitières et du restaurant La Ferme.
Sa mère Monique et son oncle André sont nés au col et y vivent toujours. Leur père, Pierre Favre-Félix, s’y était installé en 1935 comme métayer. Le hameau était à l’époque loin de tout. « On allait à l’école et au catéchisme à Montmin : trois kilomètres à pied tous les jours, été comme hiver. »
À 69 et 74 ans, les deux retraités ont assisté à l’essor touristique du site : les premières “ailes volantes” au mitan des années 70, puis les cyclistes et les randonneurs avec l’élargissement de la route dans les années 80.
Aujourd’hui, la saison touristique bat son plein de Pâques à novembre. Le paysage, lui, est immuable : « Je ne m’en suis jamais lassée », sourit Monique, qui préfère la vue sur la montagne à celle sur le lac, à son goût un peu trop galvaudée.
Lieu de villégiature des artistes et des têtes couronnées
Découvrant la baie de Talloires en 1860, l’impératrice Eugénie s’exclame : « Oh que c’est beau ! » Bientôt, d’autres lui emboîteront le pas, l’ère touristique est lancée. Talloires devient un lieu de villégiature prisé des artistes, des intellectuels et des têtes couronnées. Paul Cézanne y peint en 1885 “Le lac bleu”. La reine Elizabeth, Winston Churchill ou la famille princière de Monaco y séjournent.
Pour nourrir et loger tout ce beau monde, François Bise ouvre en 1903 une auberge sur la baie. Ses successeurs en feront une des meilleures tables françaises, longtemps couronnée de trois étoiles au guide Michelin. Le chef Jean Sulpice préside à sa destinée depuis 2016.
Si sa baie et ses plages font sa renommée, Talloires-Montmin a aussi des atouts côté montagne. La commune est le premier spot européen de parapente (Planfay, la Forclaz), est dotée d’un golf 18 trous et regorge de sentiers de randonnée. « On a un patrimoine naturel riche, un terrain de jeu très vaste qui permet de ne pas subir l’effet touristique de masse », observe Didier Sarda.
Par le chemin des Moines qui emprunte un encorbellement sur le lac, on peut monter au Roc de Chère, réserve naturelle depuis 1977, dont les falaises plongent dans le lac. Du bourg, on grimpe aussi jusqu’à l’ermitage Saint-Germain, dont la bâtisse blanche surveille la baie sous les dents de Lanfon. Non loin, la cascade d’Angon offre une balade rafraîchissante aux familles.