« Depuis le Covid, on n’a pas compris ce qui s’est passé. La clientèle n’est plus la même ».
Aux Menuires, Marlène Giacometti, directrice de l’office de tourisme de la moins chère des portes d’entrée des Trois vallées, assiste à la montée en gamme « structurelle » de la demande qui, selon elle, est le lot des grands domaines d’altitude.
« Bref de la montagne enneigée. Et ça va s’accroître. On bénéficie malheureusement du report de la moyenne montagne, dans la logique de “ce qui est rare est cher” ».
La clientèle étrangère préfère la haute-montagne
Désormais 60 nationalités se croisent dans la station fétiche du Plan neige, un client sur deux est étranger, et après trois hivers de croissance, c’est une certitude, « on va battre un nouveau record ». S’il reste encore de la place à Noël, c’est plein pour le nouvel an et, sur l’hiver, les Menuires voient le remplissage grimper de deux points. Avec 75 % de clientèle internationale, Courchevel, à l’autre bout des Trois vallées, connaît la plus forte croissance de réservations après Tignes. Cette semaine, les Airelles, le plus célèbre de ses palaces était déjà complet.
Rarement la clientèle, CSP +, voire « CSP ++ », selon Denis Maurer, patron de G2A, le cabinet qui tient l’observatoire touristique de l’association nationale des maires de stations de montagne (ANMSM), n’avait autant anticipé ses réservations. Une tendance que l’on constatait déjà chez les étrangers, qui veulent être sûrs d’avoir de la place là où le manteau ne fera pas défaut.
La « premiumisation » de la haute-montagne
Même topo, aux Deux Alpes, star de l’Oisans, point culminant des pistes françaises : 3600 m. Après un record de fréquentation l’an dernier, la station iséroise prévoit 6 % de remplissage en plus. Là aussi, l’anticipation a surpris Sébastien Roger, à la centrale de réservation. « C’est sans doute la garantie neige qu’offrent les stations d’altitude ». Denis Maurer confirme, la semaine de la Saint-Sylvestre sera la plus fréquentée en montagne de l’hiver devant la deuxième semaine des vacances de février.
« On est complet depuis un mois et demi sur le nouvel an, et l’hiver dernier des gens réservaient en partant leur séjour pour la saison suivante » explique Marlène Giacometti, pour qui la « premiumisation » de la haute altitude est une réalité.
Noël, le vent en poupe
Mais pour ces vacances, la montagne a le sourire à tous les étages, avec une hausse de 5 % des réservations et si Noël est en léger retrait, la deuxième semaine surperforme (+15 %). « Il n’y a plus rien à vendre » sourit Denis Maurer, même les stations de charme, d’altitude plus modeste, sont prisées (+6,6 %). Et janvier continue sur cette lancée. « Autrefois, c’était la pire période, on essayait d’aller chercher des clientèles à l’Est pour combler ce creux ».
C’est aujourd’hui devenu une extension des vacances. 48 % des familles françaises férues de ski sont prêtes à faire sauter les cours des enfants quand le prix de l’hébergement est divisé par deux par rapport à février.
Aux Menuires, 71 % des hébergements sont réservés pour janvier et 62 % aux Deux Alpes. Avec février stable par rapport à l’an dernier, selon G2A, l’autre tendance c’est la concentration de la saison sur les onze premières semaines. Car mars s’annonce bien calme. Conséquence du raccourcissement des périodes d’enneigement ?
Plutôt préservées lors des deux derniers hivers, difficiles à moyenne altitude, les Alpes du sud laissent aux massifs septentrionaux le privilège d’un meilleur enneigement en ce début de vacances.
Selon Alexandre Trajan, ingénieur à Météo France, ce jeudi soir « dans les Alpes du nord, l’enneigement était proche des normales de saison, donc relativement peu épais. Les valeurs sont même plutôt excédentaires en altitude ainsi que sur les Préalpes de l’Isère. On note juste un déficit à proximité des Hautes-Alpes. »
Les versants nord sont blancs à partir de 800 à 1000 m, avec 20 à 35 cm, à 1500 m d’altitude. Au sud, le manteau commence entre 1000 et 1300. À 2000 m, la situation s’avère hétérogène : 80 cm à un mètre sur la Haute-Savoie et les hauts massifs de Savoie, 40 à 60 cm en Isère, Bauges, Maurienne et haute Maurienne.
Mais ces conditions devaient nettement s’améliorer avec l’arrivée de chutes de neige assez abondantes et le refroidissement attendu dimanche et lundi.
Pour les Alpes du Sud, à la veille des vacances, l’enneigement était partout déficitaire. Un déficit relativement modéré sur les Hautes-Alpes, mais marqué sur les Alpes Maritimes. Ainsi, sur les Écrins et le nord des Hautes-Alpes, on observe 50 à 70 cm vers 2500 m en versants nord, mais seulement 30 à 40 cm sur le Queyras. En Ubaye et sur le Haut-Verdon, ce sont 30 à 40 cm de neige qui recouvrent les versants nord d’altitude.
Mais là aussi, l’enneigement devrait s’améliorer significativement sur les Hautes-Alpes avec les chutes de neige des prochains jours, notamment sur les Écrins, et dans une moindre mesure sur les Alpes-de- Haute-Provence.
L’attentisme pour la moyenne montagne
L’autre tendance liée au climat, sur l’ensemble de la saison l’écart se creuse entre grands domaines et stations de charme. Les premiers sont en avance sur toutes les périodes (+2,4 %), quand les autres reculent hormis les fêtes (-2,8 %). « Il commence à y avoir un bout de fracture, dans la tête des gens, et la recherche de garantie neige. D’où l’attentisme pour réserver dans les stations de charme », indique Denis Maurer. Mais que la neige tombe et la moyenne montagne sera elle aussi prise d’assaut.
Les chiffres des Alpes du sud qui, ces derniers hivers, ont échappé à la pénurie d’or blanc, en attestent, malgré leur contingent de stations villages. Le massif, dépendant de sa clientèle régionale, affiche la meilleure croissance prévisionnelle : +3,2 % à Noël, + 6,6 % aux vacances d’hiver.
Autre signe d’espoir selon Denis Maurer : « Chez les 25-35 ans, la consommation est plus éclectique et outdoor. Ils adorent le ski, mais ils peuvent faire autre chose. » Et cette question d’avenir : comment vendre l’attractivité de la montagne avec ou sans neige ?
L’inflation des forfaits de luxe
Mais la montée en gamme en altitude semble inévitable. Cet hiver, selon G2A, les prix de l’hébergement, premier poste de dépenses d’un séjour, s’affichent en hausse de 5,2 %. Quant aux forfaits de ski, selon Domaines skiables de France, l’inflation serait en deçà des 5 %. Mais dans les grands domaines, ce sera plus.
À Chamonix, le Mont Blanc Unlimited a pris 8 % (90 €), comme le pass Tignes Val d’Isère (66 €), le forfait Paradiski se hisse à 74€ (+6 %) et celui des Trois vallées à 79€ (+5 %). Certains parleront de “premiumisation”, d’autres de ski 5 étoiles.
Article issu du Dauphiné Libéré.
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