Comment s’est passé le déneigement du Galibier ? « On ne s’attendait pas à ça »

Article issu du Dauphiné Libéré.

« On ne s’attendait pas à ce que ce soit gelé comme ça. C’est une vitre. » Vendredi 23 mai, peu après 7 heures, il nous est fortement déconseillé de monter avec notre véhicule. Une équipe du conseil départemental des Hautes-Alpes nous acheminera vers l’objectif du jour : la chenillette et la fraise à neige en action pour le déneigement du col du Galibier, situé à 2642 mètres d’altitude.

« En altitude, il y a souvent des conditions très changeantes avec le vent »

L’opération a commencé le 28 avril. Au moment d’écrire ces lignes, le col devrait rouvrir le 28 mai, par le tunnel. Pascal Cordier est le responsable du déneigement, il supervise le chantier. « Une plaque de neige est prête à partir là, il y a une reptation (mouvement lent du manteau neigeux qui glisse le long de la pente, NDLR) », montre-t-il.

« Ce matin, il y avait une congère 300 mètres avant le tunnel. Nous n’avons pas pu monter avec nos véhicules. On a dû venir à pied récupérer la fraise à neige pour pouvoir faire un passage et monter jusqu’au tunnel. Ce mardi 20 mai, aussi, j’ai dû arrêter le chantier : il y avait 20 centimètres de neige posés sur de la neige instable, la visibilité était quasiment nulle. »

On l’aura compris, les conditions, ce jour-là, ne sont pas faciles pour l’équipe des trois agents du Département en action. « Pour autant, cela n’est pas rare », prévient-il. « En altitude, il y a souvent des conditions très changeantes avec le vent. »

« Il y a deux ans, il y avait plus de neige »

Le vent, justement, ne laisse pas de répit. Maud Asselin, agent d’exploitation du Département, a pour tâche de sonder la neige afin d’indiquer les bords de la chaussée, pour que l’engin qui fraise ne chute pas d’un côté, ou de l’autre. « Ce n’est pas toujours évident de voir la différence entre tout. Il y a de la terre, des pierres, de la glace, la route. Mais, quand il y a la terre, ça laisse une trace, et donc pas de doute. Je laisse toujours une marge au cas-où. » Elle trace avec une bombe de peinture.

Ce matin-là, le thermomètre affiche -5 degrés. Dans la fraise, Erwin Salle, saisonnier depuis sept ans, garde le sourire. Il alterne son poste avec Maud Asselin. « Il y a deux ans, il y avait plus de neige et de congères. Cette année, moins. Là, nous sommes dans le passage le plus étroit. » Non loin du tunnel. « Le problème, c’est qu’il n’y a pas d’accotement. On est au bord de la falaise. » D’où l’importance du travail de Maud Asselin qui le guide grâce notamment aux traces sur le sol, ainsi qu’aux jalons.

De temps à autre, un rayon de soleil fait son apparition, rapidement chassé. « Aujourd’hui, le fond est gelé, je ne vois pas la bande blanche », décrit-il. Pendant ce temps, Bernard Vachet, le troisième agent du Département, décaisse la route avec la chenillette. « Il met la neige à hauteur du tambour pour que je puisse l’enlever avec la fraise », poursuit Erwin Salle. « Là, il y a des pierres, il faut faire attention. Et de la glace aussi. » Aïe. « Une goupille (un petit cylindre métallique, NDLR) s’est cassée dans la glace. » Il faut la remplacer. « C’est la galère, mais on a l’habitude de tout ça », sourit-il. Quelques minutes après, la machine est repartie.

▶ Entre 80 000 et 90 000 euros pour l’ouverture des cols

Le budget lié à l’ouverture des cols et sites d’altitude du département, comme le pré de Madame Carle ou la Haute Clarée, s’élève à 100 000 euros, « les années très difficiles », précise Marcel Cannat, en charge des routes pour le conseil département des Hautes-Alpes. « Cette année, ce sera plutôt entre 80 000 et 90 000 euros. Mais, ce qui a un coût, c’est le patrouillage lorsque le col a rouvert. » Une semaine c’est la Savoie, une semaine, ce sont les Hautes-Alpes qui le gèrent. « Cela dure tout le mois de juin, tant qu’on pense que c’est nécessaire, s’il y a des pierres qui tombent, un regel nocturne… Il s’agit d’un col sans glissière de sécurité, on n’a pas le droit à l’erreur. »

Photo Thibaut Durand
Photo Thibaut Durand

Le déneigement de l’année dernière, « une histoire sans fin »

Les agents déneigent entre 600 et 800 mètres par jour. « Il faut beaucoup de patience. Il y a eu entre quatre et cinq mètres de neige maximum cette année. Parfois, c’est entre six et huit », ajoute Erwin Salle. La veille, jeudi 22 mai, 10 centimètres de neige fraîche sont tombés. Bernard Vachet poursuit sa tâche. « Je lui laisse environ un mètre de hauteur de neige », résume-t-il. « Je dirais que ce n’est pas une année compliquée. L’année dernière, on ne voyait plus les jalons », se rappelle-t-il. Ils mesurent six mètres de haut. « Ce sont des zones de dépôt, en haut du col. L’année dernière, on a fini le déneigement en juin. Certaines fois, on prenait entre 70 et 80 centimètres de neige les jours de déneigement. On repassait un coup. C’est une histoire sans fin. »

Son regard se tourne vers la Savoie, à quelques mètres de là, de l’autre côté du col. « Elle fait venir des artificiers qui minent, pour faire partir la congère, située environ 200 mètres avant le col », décrit-il. Côté Hautes-Alpes, il s’agit plutôt de reptations. L’une d’elles a fait partir un bloc de 8 tonnes jeudi 22 mai.

Une fois la journée de vendredi terminée, il ne reste plus que le tunnel à gérer. « Il faut l’équiper avec les outils de sécurité, les caméras… Cette manipulation électronique a lieu lundi et mardi. Il faudra aussi un peu élargir la route pour que les véhicules puissent se croiser », prévoit Marcel Cannat, vice-président du conseil départemental en charge des routes. « L’ouverture est précoce cette année, normalement le 28 mai. Mais, il restera quelques secteurs un peu à risques. J’attends le rapport du guide de haute montagne. Après, à moi de peser le pour et le contre. » La déviation, elle, pourrait rouvrir début juin.

"C’est moi qui décide s’il faut arrêter le chantier avant"

Pour le déneigement du col du Galibier, le conseil départemental travaille avec le bureau des guides de haute montagne de La Grave. Clément Flouret est l’un d’eux. « On se répartit la surveillance entre les guides du bureau, on est cinq ou ou à participer », commence-t-il. Leur rôle est d’assurer la sécurité du chantier. « Il n’y a pas beaucoup de neige là, donc le risque d’avalanche est très peu marqué, mais il peut y avoir une période avec de gros risques. Si besoin, on arrête le chantier pour la sécurité des gars. On peut arrêter plus tôt, ou même ne pas commencer à travailler ce jour-là. »

Les agents du conseil départemental travaillent de 5 heures à midi environ. Le risque avalancheux est souvent présent plutôt l’après-midi, en cette période. « Souvent, ce sont des avalanches de printemps. C’est pour cela qu’on vient à 5 heures le matin et qu’on arrête le chantier à midi car après, il fait vraiment trop chaud. C’est moi qui décide s’il faut arrêter le chantier avant, en concertation avec les autres personnes du chantier », poursuit le guide. « C’est notre rôle de stopper si on estime que c’est trop dangereux. Une année, une avalanche est partie, elle avait coupé la route. On ne pouvait plus descendre. Il y a un vrai risque. On fait donc des tests de nivologie, on regarde l’orientation de la pente, on étudie le manteau neigeux… On adapte le travail en fonction des conditions. »

Mais, il y a d’autres risques que l’avalanche. « Une année, une grosse corniche menaçait de tomber. On l’a fait tomber, avec un autre guide. » Dans le cadre du déneigement du Galibier, le rôle des guides s’est arrêté vendredi 23 mai.

 

Photo Thibaut Durand
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