Depuis ce jeudi 19 juin 2025, le col Agnel est rouvert à la circulation. Avec un sommet culminant à 2744 mètres d’altitude, il est le deuxième col routier le plus haut de France. De quoi lui accorder une place très importante parmi les géants des Alpes. Pourtant l’ascension n’a été que très peu fréquentée par le Tour de France.
Le col Agnel n’a figuré qu’à deux reprises sur le parcours de Grande Boucle, en 2008 et 2011. Mais pourquoi une telle rareté, alors que des ascensions comme l’Izoard, le Galibier ou l’Alpe d’Huez sont devenues des classiques ?
Un géant méconnu mais redoutable
Situé à la frontière franco-italienne, entre le Queyras et le Piémont, le col Agnel impressionne par sa hauteur vertigineuse. Seul l’Iseran le surpasse en altitude sur les routes françaises. L’ascension depuis la France, par Château-Ville-Vieille, propose plus de 20 kilomètres de montée à plus de 6,6 % de moyenne, avec des passages dépassant les 12 %. Le versant italien est encore plus difficile. Une ascension également longue d’une vingtaine de kilomètres mais avec une pente moyenne de 7% et jusqu’à 16,5% où la pente est la plus raide.
Malgré ce profil digne des plus grandes étapes de montagne, le col Agnel reste dans l’ombre. L’une des raisons principales est sa position excentrée : il ne mène nulle part ou presque. Situé à l’écart des grands axes et des vallées touristiques, son intégration dans une étape cohérente et attractive par les organisateurs du Tour de France est un véritable casse-tête.
Une logistique délicate
Le Tour de France est une immense machine logistique, et chaque étape doit répondre à des impératifs d’hébergement, d’accès pour les médias, les équipes, les spectateurs et les services techniques. Or, le Queyras, bien que splendide, est une région peu desservie, aux infrastructures limitées. Le col Agnel ne débouche pas sur une grande vallée alpine française, ce qui rend les transitions complexes, notamment pour les bus d’équipes ou les véhicules de la caravane.
De plus, une arrivée au sommet y serait quasiment impossible à organiser. La route est étroite, sinueuse et dépourvue de grands espaces pour l’installation des structures nécessaires à une arrivée d’étape ou même à un ravitaillement majeur.
Une incertitude météo importante
À plus de 2 700 mètres, le col Agnel est particulièrement exposé aux aléas climatiques. Même en juillet, la neige peut y faire une apparition surprise, comme ce fut le cas lors de certaines courses en début d’été.
Pour les organisateurs, c’est un risque supplémentaire à éviter. Les cols très hauts sont souvent intégrés avec prudence dans les parcours, et uniquement si les conditions météorologiques sont jugées fiables.
Un col plus italien que français ?
Autre frein : le col Agnel est à cheval sur la frontière mais peut sembler plus italien que français. Ce géant des Alpes a déjà été escaladé jusqu’au sommet à quatre reprises par le Giro (en 1994, 2000, 2007 et 2016). Il a été également grimpé partiellement à trois reprises (1993, 1995 et 2003) jusqu’à Chianale, le dernier village avant le sommet côté piémontais, à 1800 mètres d’altitude.
Quant au Tour de France, il n’y est passé qu’à deux reprises. En 2008, il ne figure pas sur le parcours lors de la présentation en octobre 2007. Mais en raison d’un risque important de chutes de pierre dans le col de Larche, le col Agnel est intégré pour la première fois de son histoire au tracé de la Grande Boucle. Il est au programme d’une étape de 183 kilomètres entre Embrun et Prato Nevoso.
Le second passage a eu lieu en 2011, dans le sens Italie-France cette fois, pour une étape de très haute montagne dans les Alpes partant de Pinerolo dans le Piémont. Ce jour-là en 200 kilomètres, le peloton a enchaîné le col Agnel, celui d’Izoard et une arrivée au sommet du Galibier.
Un potentiel encore inexploité ?
Et pourtant, malgré toutes ces contraintes, le col Agnel fascine. Sa beauté sauvage, son isolement, sa difficulté en font un joyau pour les puristes. Dans un contexte où le Tour de France cherche à se renouveler, à explorer de nouveaux territoires, ce col pourrait retrouver un jour sa place dans le tracé, à condition que les conditions logistiques et météorologiques le permettent.
En attendant, il reste un col mythique pour les cyclistes amateurs en quête d’authenticité et de défis rares. Un trésor caché des Alpes que le Tour de France ne semble pas encore prêt à pleinement embrasser.