Le 25 septembre, les États membres de l’Union européenne ont voté majoritairement pour l’abaissement du degré de protection du loup. Actuellement, canis lupus est une espèce strictement protégée, ce qui signifie qu’il est absolument interdit de la chasser et que chaque tir de prélèvement doit faire l’objet d’une procédure très encadrée et être autorisé par le représentant de l’État.
Une population de 1 000 loups en France
Mais les récents décomptes ont démontré, aux yeux du gouvernement, que l’espèce se portait bien. « Rien qu’en France, la population est estimée à plus de 1 000 individus et elle est présente dans quasiment tous les départements sur l’ensemble du territoire. Par ailleurs, on atteint une masse d’autorisations de tirs qui n’a plus de sens tant elles sont nombreuses », explique un membre du cabinet de la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher.
Le même ministère se réjouit en revanche que sur les trois dernières années les constats du nombre d’attaques réalisés sur les départements alpins, prioritairement touchés par les attaques de loup sur les troupeaux d’ovins, soient en baisse.
« Cela signifie que les mesures qui ont été mises en œuvre pour protéger les troupeaux ont porté leurs fruits et c’est une très bonne chose. En revanche, on constate des hausses du nombre d’attaques sur les départements de front de colonisation qui n’étaient pas jusqu’à présent touchés et qui sont donc moins protégés. On ne pourra pas par exemple, mettre des bergers avec tous les troupeaux de bovins qui paissent en prairie de plaines. »
Les loups bientôt chassables ? Les défenseurs de l’environnement sont abattus. Après toutes ces années à défendre le prédateur, voir la France et l’Europe s’engager vers une baisse de sa protection, c’est rageant pour les associations.
Mais surtout aberrant : c’est aller à l’encontre de la convention de Berne, qui vise à rétablir les espèces menacées, rappelle la Haut-Alpine Catherine Bouteron. « En Europe, l’état de conservation de l’espèce est défavorable dans six des sept régions biogéographiques, recadre la référente loup au sein de l’association SAPN - FNE 05. On fait croire qu’il pullule, mais c’est une vue de l’esprit. Je ne sais pas si vous en voyez beaucoup, de loups ? »
En France, la population a baissé de 9 % en 2023. Et si on parle du loup jusqu’en Bretagne, il se reproduit « très peu » au-delà des Alpes.
Pas question de nier les attaques, pour la militante, mais de relativiser les dégâts. « Aucune étude ne prouve que le déclassement du loup améliorerait la condition de l’élevage. Les attaques, ça représente 0,07 % des troupeaux. Ce sont des considérations politiques non fondées. »
Les tirs efficaces ? « Au contraire »
Cela en surprendra certains : la référente loup de la SAPN n’est « pas à 100 % contre les tirs ». « Mais il faut qu’ils soient ciblés sur un loup qui pose des problèmes récurrents et pas n’importe lequel, n’importe comment. »
Faire croire qu’une fois le prédateur chassable, tout va bien se passer, c’est malhonnête, dénoncent les écologistes. « Il n’y a aucune preuve non plus que la solution létale soit efficace, au contraire » martèle Catherine Bouteron. Car un prédateur remplacera bientôt son défunt prédécesseur. « Ça ne marcherait qu’à la condition qu’on éradique tous les loups d’un territoire… »
Illustration en France, où entre 2018 et 2024, le nombre d’abattages autorisés a été multiplié par quatre, pour culminer à 209 en 2024. Sans régler quoi que ce soit.
Si sa protection est abaissée, le loup va rapidement péricliter, redoutent ses défenseurs. Les éleveurs n’y auront pas gagné grand-chose, et c’est toute la biodiversité qui va y perdre. Ce canidé mange force chevreuils et sangliers, espèces qui font des ravages. Et en s’en prenant aux bêtes malades, « il peut diminuer les zoonoses [maladie infectieuse qui est passée de l’animal à l’homme, NDLR] dans les élevages » assure Catherine Bouteron. Au lieu de tuer, il faut utiliser les solutions qui ont fait leurs preuves. « Dans l’arc alpin, considère la Haut-Alpine, les dommages sur le bétail sont stabilisés, les solutions marchent. Il faut se donner la peine de mettre tout ça en place. »
- France nature environnement a lancé en ligne la pétition “Le loup doit rester une espèce strictement protégée”.
21 attaques de loups dans le Finistère
Pour donner une idée du développement géographique du loup, un des départements les plus marqués après les départements alpins est désormais… le Finistère, où 21 attaques de loups ont été enregistrées depuis le début de l’année 2024.
Autant de raisons donc, rien qu’au niveau français, de militer pour un abaissement de la protection du loup, raisonne le cabinet de la ministre de la Transition écologique. « Attention, il ne s’agit pas d’en faire une espèce comme une autre. Si on arrive au bout du processus, cela sera toujours une espèce protégée. Sa gestion serait toujours assurée par l’Office français de la biodiversité, mais elle pourrait entrer dans les modalités de gestion des espèces cynégétique. »
Il reste encore deux étapes avant d’en arriver là. La première aura lieu le 2 décembre lors de la réunion de la convention de Berne, dont les objectifs sont la conservation de la flore, de la faune sauvage, des habitats naturels et la promotion de la coopération européenne dans ce domaine. « Mais dans la mesure où l’UE est majoritaire au sein de cette convention, il ne devrait pas y avoir de problème pour obtenir une décision favorable. »
« Convaincre les États qui ne sont pas directement concernés »
Le dernier obstacle restera la directive Habitat qui, elle, devra être votée à l’unanimité des États membres. « Il va y avoir un travail à faire pour convaincre les États qui ne sont pas directement concernés par cette problématique de ne pas s’opposer au déclassement du loup en espèce protégée. Si on prend l’Irlande par exemple, elle n’est pas concernée par la prédation du loup, mais on peut espérer qu’étant un pays de production ovine, elle soit solidaire de la France et des autres pays européens qui portent cela. Quoi qu’il en soit, un texte en ce sens ne sera pas présenté avant 2025, et une fois qu’on aura convaincu tous les États membres. »
En attendant, c’est le statu quo. Mais au sein de ce dernier, le ministère est confronté à une difficulté de recruter des lieutenants de louveterie un peu partout sur le territoire. « On a engagé une réflexion pour travailler cette question et répondre aux besoins que l’on a et qui sont de plus en plus importants. »
Dire que le sujet du loup est très sensible est un euphémisme. Y compris pour les chasseurs qui pourraient, dans un avenir pour l’instant assez lointain, être amenés à jouer un rôle dans la gestion du loup.
« Nous en sommes encore loin, et surtout, nous ne sommes au courant de rien », nous répond Philippe Boisset, président de la fédération des chasseurs des Hautes-Alpes. Interrogé sur le fait de savoir si cette éventualité est évoquée au sein des chasseurs, le président renvoie vers la fédération nationale. « C’est un sujet sensible. Il faudrait qu’il y ait des discussions au niveau national et que les choses soient claires. Tout cela est très hypothétique à l’heure qu’il est. Pour l’instant, le loup est une espèce strictement protégée et la question ne se pose pas. »
Pourtant, dans le cadre de la gestion cynégétique des espèces de la faune sauvage (actions de la part ou pour le compte des chasseurs, pour gérer une partie des espèces sauvages d’un territoire, NDLR), les chasseurs sont mis à contribution. Il faut rappeler par exemple que, selon le Code de l’environnement, les fédérations départementales de chasseurs peuvent être tenues pour responsables des dégâts causés aux cultures agricoles par le grand gibier, et contraintes d’indemniser.
Compte tenu des difficultés de l’Office français de la biodiversité de recruter des lieutenants de louveterie, les fédérations de chasse sembleraient les plus à même de remplir cette mission, si jamais la législation venait à évoluer et que l’État en donnait l’ordre. Sur ce dernier point, Philippe Boisset acquiesce, avec précaution. « Si en effet des changements intervenaient dans la gestion du loup et qu’il s’agisse d’une demande de l’État, il faudrait qu’on s’en occupe. » En revanche, pour évoquer le sujet de la prédation, qui ne touche plus seulement les ovins, mais aussi les bovins, il précise plus facilement que : « Nous sommes solidaires de ce que vivent nos amis agriculteurs. »
Article issu du Dauphiné Libéré