Sujets au vertige s’abstenir. Du haut de Chabrières, 2 700 m d’altitude vous contemplent et la pente est raide. Rarement un mur n’a aussi bien porté son nom.
Et encore : « Ça plonge au niveau du rocher, pointe de son bâton Sédric Wellems, le chef des pistes de Vars. Il y a une portion que les skieurs ne voient pas, ils sont un peu à l’aveugle. » C’est là que la piste atteint 98 % d’inclinaison, flirtant avec la verticale.
Des funambules s’élancent là, tout schuss : ce sont les KListes, adeptes du kilomètre lancé, alias ski de vitesse. Un culte confidentiel pratiqué par des femmes et des hommes tout de latex gainés. Pour eux Vars, c’est la Mecque. Nulle part ailleurs ils ne peuvent fuser à de telles vitesses.
L’homme le plus rapide du monde… à skis.
Le 22 mars 2023, Simon Billy a été flashé à 255,50 km/h sur la piste de Chabrières. Un rêve éveillé pour le champion maison. « J’ai toujours eu à cœur de skier dans les traces de mon père [l’ancien recordman Philippe Billy, NDLR]. Avoir le record du monde, c’était devenu une obsession, à l’adolescence. »
En position de recherche de vitesse depuis qu’il a 6 ans, Simon Billy a développé avec Chabrières « une relation étroite, un peu spirituelle ». La piste lui inspire « du respect, de l’humilité ». Une seule fois, il en a peut-être manqué. C’était en 2017. Bilan : cheville, genou, coude et adducteurs sérieusement touchés après une chute à 230 km/h.
Huit mois de rééducation et un travail mental encore plus long avant de se présenter à nouveau au sommet du mur. « Chaque fois que j’arrive à l’endroit où je suis tombé, j’y pense. Mais ça fait partie de mon histoire, ça m’a rendu plus fort. »
Le printemps, le temps des records
Il y a quelques années, le skieur lambda pouvait s’offrir un frisson et mesurer sa vitesse. « C’est un produit qui mériterait d’être remis en route », admet Christian Reverbel, le directeur de Vars. En repensant les remontées avec le maire de la commune, l’ex-patron de L’Alpe d’Huez s’enorgueillit d’avoir permis aux skieurs de gagner le sommet de Chabrières en quinze minutes depuis le front de neige. « En 2019, il fallait 1 h 30. »
En cette fin février, l’heure n’est pas aux chronos. Hors compétition, Chabrières est un hors-piste pour skieurs avertis. Seule la partie inférieure, sous la cote 180 (pour 180 km/h), est damée. Bien présentes, les deux cellules du radar placées à 100 mètres de distance ne sont pas branchées. Quelques vacanciers osent le schuss et les KListes à l’entraînement – Simon Billy et le Néo-Zélandais Tawny Wagstaff – râlent quand ils les voient faire des virages qui labourent leur « billard ».
Patience, c’est sur la neige de printemps que fleurissent les records, nourris par une pellicule d’eau en surface qui accélère la glisse. Elle permet aux KListes de passer de 0 à 200 km/h en moins de six secondes. Raison pour laquelle le championnat du monde de ski de vitesse aura lieu à Vars entre le 17 et le 30 mars, tentative de record à la clef.
Un travail de préparation méticuleux
« Il faut que la piste soit parfaite, sans le moindre micro-relief. Mieux elle est préparée, plus les coureurs sont en sécurité et plus il y aura de performances », pose Sédric Wellems. Le travail de damage est long et technique, explique le chef des pistes. « On s’y prend trois semaines à l’avance. »
Deux machines lissent le cône d’arrivée le matin ; la nuit, un troisième engin s’attaque à la partie la plus raide de la face, en remontant tout doucement à partir de la cote 180. Un exercice périlleux qui demande au chauffeur doigté et sang-froid. Le câble de sa dameuse est amarré à un tripode fixé au sommet. Toute proche, une cabane abrite un deuxième système de treuil, télécommandé par un autre opérateur. « On synchronise la vitesse des deux câbles. L’objectif est que le chauffeur reste en sécurité. »
La sécurité, c’est le leitmotiv. « Il n’y a pas eu de chutes depuis deux saisons sur le circuit. Et les dernières, c’était des petits bobos. Le ski de vitesse a cette étiquette de sport dangereux et ce n’est pas le cas » insiste Simon Billy. Le recordman du monde a l’espoir de voir son sport grimper in extremis dans le train des Jeux olympiques d’hiver 2030. Qui s’arrêterait alors à Vars.
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Article issu du Dauphiné Libéré.