Depuis 2020, le projet divise le village de La Grave et au-delà.
Il s’agit de remplacer le téléski de la Girose, tournant au fuel, par un porteur de 35 places à débit équivalent qui survolerait le glacier grâce à un pylône implanté sur un îlot rocheux, allégeant l’impact sur ce géant condamné par le climat. Ni les services de l’État ni la justice (qui n’a pas statué sur le fond) ne s’y sont opposés.
« Alors que notre droit environnemental est l’un des plus stricts », a précisé la ministre de la Transition écologique, demandant au préfet des Hautes-Alpes d’organiser une concertation entre opposants et partisans.
Le symbole d’une station unique
Dans un ouvrage à paraître ce lundi, le collectif Rimaye, composé de botanistes, écologues, glaciologues ou sociologues de la région grenobloise tente de « décrypter ce qui se joue actuellement à la Girose ». Le projet doit accroître l’offre touristique d’une installation qui passerait de 60 000 à 80 000 visiteurs annuels, permettant aux piétons d’atteindre le dôme de la Lauze (3 567 m), jusque-là accessible aux seuls skieurs en hiver. Affluence modeste au regard des “industries” de Tarentaise ou de Chamonix.
Oui mais, comme le précise le géographe Philippe Bourdeau en préambule, La Grave avec son téléphérique lent et son domaine non balisé, constitue l’« emblème de l’alternative au modèle conventionnel des sports d’hiver », symbole d’« une montagne où quête de liberté et d’aventure s’accommode de frugalité et d’un cadre sans artifices ». Le collectif, « non sans douleur », estime que le village se retrouve du « mauvais côté de sa propre histoire. » Et choisit son camp, car « si la démarche scientifique vise la neutralité, le scientifique reste une personne dotée de sa subjectivité ».
« Un dilemme » entre économie et écologie
Philippe Bourdeau reconnait qu’« il semble abusif de considérer » que la construction de ce troisième tronçon de téléphérique « inscrirait la Grave dans un scénario de passage graduel à un modèle station classique ». Et qu’il en va aussi de la pérennité d’un modèle vulnérable. Mais le collectif soulève un sujet sur lequel pros et antis pourraient tomber d’accord. Aujourd’hui le processus de consultation reposant sur le mode des enquêtes publiques est-il encore à la hauteur des enjeux d’aménagement ?
« Ce qui se passe au Pays de la Meije illustre le dilemme entre des impératifs économiques d’un côté (permettre la viabilité d’une infrastructure pour défendre les emplois locaux), et une vision prospective de l’autre (concevoir un avenir désirable compatible avec les limites planétaires) ». Sur ce versant certains auteurs ont une part d’eux-mêmes, tel le botaniste Cédric Dentant qui y a découvert une espèce de plante, l’androsace du Dauphiné et craint pour sa protection malgré les mesures prises : « N’est-il pas temps de prendre une grande inspiration et de faire pause ? » implore-t-il.
Un chantier nécessaire ?
Mais La Grave peut-elle se passer de troisième tronçon sans entamer la viabilité de l’installation qui la fait vivre ? Mikaël Chambru, du Labex Innovation et Transitions Territoriales en Montagne, évoque les 4 millions de subventions pour cet investissement.
« Et si cet argent public servait à financer le fonctionnement des deux tronçons existants en renflouant au besoin le déficit structurel, le temps d’accompagner la transition du modèle socio-économique de La Grave ? » En l’état du droit, l’activité d’un service public industriel et commercial doit être financée par l’usager et non par des subventions.
Article issu du Dauphiné Libéré