L’air de rien, une petite bombe a été lâchée par notre ministre de la Culture.
Dans un entretien au Figaro, Rachida Dati a confié son ambition de faire payer 5 euros l’accès à la cathédrale Notre-Dame-de-Paris. Estimant que « faire payer l’entrée de Notre-Dame sauverait toutes les églises de France», cette sortie n’a pas manquer de faire réagir dans les médias comme sur les réseaux sociaux.
Un débat mondialement clivant
« Franchement, vous en avez jamais marre nous faire payer ? » réagit un internaute dans la foulée, avant qu’un autre commentaire ne lui réponde : « Moi, ça ne me choque pas de payer pour visiter un monument historique entretenu par nos impôts ».
Alors peut-on monnayer le libre-accès au patrimoine dans le but de le protéger ? Ce débat a le mérite d’exister, et pas seulement en France.
Par exemple, si vous vouliez voir de vos propres yeux le Cervin et sa mythique face suisse vu depuis Zermatt, c’est 12 euros. Du moins, c’est ce que les autorités suisses pourraient vous demander si le projet d’instaurer une taxe pour les « touristes d’un jour » est adoptée.
Une taxe (presque) inédite
Or cette taxe a des chances de voir le jour très prochainement puisqu’elle est sérieusement envisagée par la commune de Zermatt. À cette fin, un groupe de travail a même été missionné au printemps dernier par les autorités communales rapporte la radio alémanique SRF.
En instaurant une taxe de 12 francs suisses, de la même valeur que la taxe de séjour déjà existante (que les visiteurs doivent payer pour trois nuitées), Zermatt serait le premier site de Suisse à le faire, et rejoindrait la ville de Venise en tant qu’exceptions mondiales.
Le test de Venise
Cette année, la ville italienne avait en effet fait parler dans le monde entier, après la création d'une taxe d'entrée pour son centre historique à l'égard des touristes qui ne séjourneraient pas sur place.
La « Sérénissime » avait alors motivé cette décision exceptionnelle justement par son statut exceptionnel : extrêmement prisée par les touristes (30 millions de visiteurs par an), Venise subit son attractivité qui menace son centre historique fragile.
Afin de préserver ses monuments, des points de contrôle avaient été installés aux principaux points d'entrée de la ville, où les touristes sans exemptions devaient présenter un QR code, préalablement payé sur Internet.
Une expérimentation trop réussie
Or l'expérience de Venise a été couronné de succès, voire beaucoup trop en l'occurrence. Alors que lac ville s'attendait à ce que cette taxe décourage de nombreux visiteurs, c'est-à-dire l'objectif même de la taxe, l'affluence touristique n'a pas changé et a même augmenté entre cette année et la précédente.
Cette expérience, qui a été qualifiée au gré des personnes de succès (au vu des revenus supplémentaires pour Venise) ou d'échec (le surtourisme perdurant), a inspiré la ville de Zermatt.
Une dimension écologique contestée
Bien que Zermatt ne présente pas les même conditions historiques que Venise, la ville suisse affirme partager le problème du surtourisme, notamment de par la menace que cela ferait planer sur l’environnement du Cervin.
D’ailleurs, c’est sous l’appellation de «Green Tag» que les membres du Conseil communal et de l’office du tourisme de Zermatt ont discuté de cette fameuse taxe touristique.
Sauf que cet étendard écologiste ne convainc pas tout le monde en Suisse et la mesure a beaucoup fait parler d’elle dans le débat public.
En cause, beaucoup dénoncent l’hypocrisie d’une mesure qui ne serait verte que par l’apparence (« green washing) et dont la réelle motivation serait uniquement pécuniaire, d’une part parce qu’elle générait d’importants revenus au détriment des touristes
À titre d’illustration, un sondage réalisé par le média suisse Blick, rapporte que plus de la moitié des lecteurs considèrent la taxe comme une arnaque, là où seuls 27% trouveraient la mesure justifiée
Un modèle inapplicable en France ?
La taxe en question a aussi eu de l’écho en France, particulièrement dans ces coins des Alpes très touristiques. Difficile alors de ne pas mentionner « la capitale mondiale de l’alpinisme », Chamonix et ses 8 millions de nuitées annuelles.
Un chiffre qui, à l’échelle des plus grandes villes touristiques, peut apparaître dans la norme, mais rappelons que Chamonix n’est à l’origine qu’un village de vallée. Autant dire qu’une telle affluence touristique a de quoi perturber l’écosystème.
C’est d’ailleurs la raison qui a poussé la mairie à prendre des mesures en réaction, avec pour exemple l’instauration d’une déclaration préalable obligatoire pour dormir au lac des Chéserys, ceci afin de réguler les trop nombreux bivouacs.
Mais pour autant, la ville de Chamonix s’est refusée à qualifier son attractivité de « surtourisme », ni même à envisager des contraintes financières comme Zermatt.
Un différence de méthode qui nous rappelle le décalage entre le modèle français et celui de la Suisse, un pays à la clientèle touristique plus aisée et qui peut dans lequel le coût de la vie est déjà supérieur.